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Colloque de Cerisy 2013

LA MISE EN SCÈNE THÉÂTRALE ET LES FORMES AUDIO-VISUELLES :
EMPRUNTS ESTHÉTIQUES ET TECHNIQUES

Résumés des interventions

Pascale ALEXANDRE: Le théâtre historique et sa mise en scène d'après les fonds ART (1860-1900)
L’histoire avait constitué un matériau théâtral privilégié pour le drame romantique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle se perpétue un théâtre historique - drames, mélodrames, comédies - critiqué par les avant-gardes littéraires, mais applaudi d’un large public. Dans cette production commerciale, l’histoire est présentée sur scène comme un spectacle ayant pour valeur et pour finalité l’émotion, du rire aux larmes. Les documents présents dans le fonds ART témoignent du succès de ces pièces, lors de leur création ou de leur reprise, qu’elles aient été adaptées pour la scène ou écrites pour elle: Le Bossu (Théâtre de la Porte Saint-Martin, 1862), Le Capitaine Fracasse (Odéon, 1897), Cyrano de Bergerac (Porte Saint-Martin, 1897), L’Aiglon (Porte Saint-Martin, 1900), Madame Sans-Gêne (Vaudeville, 1893), Théodora (Porte Saint-Martin, 1884), Thermidor (Porte Saint-Martin, 1896)... Ils permettront d’examiner comment se construit sur la scène, dans son articulation au texte, le spectaculaire et quels moyens il mobilise.

Pascale Alexandre est professeur de littérature française du XXe siècle à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ses travaux et ses publications portent sur le drame symboliste (Claudel, Maeterlinck) et sur le théâtre du XXe siècle (Audiberti, Ionesco, Beckett, Tardieu). Elle a notamment participé au Dictionnaire des pièces françaises du XXe siècle (Champion, 2005), au Dictionnaire Beckett (Champion, 2011), au Dictionnaire Ionesco (Champion, 2013) et a collaboré à la nouvelle édition du Théâtre de Claudel dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2011).

Martin BARNIER: Utilisation des technologies du son au théâtre et au cinéma (1920-1939)
Comment les phonographes, les radios et les téléphones sont-ils utilisés dans les pièces de théâtre, et dans les films, pendant la période de généralisation du cinéma parlant (voir Martin Barnier, En Route vers le parlant)? Au moment où les films peuvent faire entendre les voix téléphoniques, radiophoniques et sur phono, les pièces de théâtre montées à Paris semblent être particulièrement bruitées par ces appareils sonores. Peut-on faire un parallèle entre l’utilisation faite dans une pièce et celle faite au cinéma pour ces diffusions électriques des sons? Ces appareils permettent-ils des gags dans les comédies, des effets de dramatisation dans les drames? Des exemples nous permettront d’analyser les voix et musiques "on the air" (selon Michel Chion, L’Audiovision) dans les films et les pièces des années 1920 et 1930.

Martin Barnier, professeur en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Lumière Lyon 2, est historien du son au cinéma.
Publications
En Route vers le parlant (CEFAL, 2002).
Des films français made in Hollywood. Les versions multiples (1929-1935)
(L’Harmattan, 2004).
Bruits, cris, musiques de films
(Presses Universitaires de Rennes, 2010).
Analyse de film: Conte d’été de Rohmer (Vrin, 2011),  avec Pierre Beylot.
Les Biopics du pouvoir politique de l’Antiquité au XIXe siècle. Hommes et femmes de pouvoir à l’écran, codirection avec Rémi Fontanel, Lyon, Aléas, 2010.

Marguerite CHABROL: Héritages du théâtre français chez George Cukor: Paris-Hollywood-Broadway
Derrière l’influence dominante du théâtre américain sur la filmographie de George Cukor, pris ici comme exemple archétypal de réalisateur hollywoodien inspiré par le théâtre, se trouvent plusieurs adaptations du répertoire français avec un film particulièrement connu, Camille, adapté de La Dame aux Camélias, mais aussi trois films jugés mineurs: Zaza (d’après la pièce du même titre de Pierre Berton et Charles Simon), A Woman’s Face (adapté d’Il était une fois de Francis de Croisset) et Her Cardboard Lover (adapté de Dans sa candeur naïve de Jacques Deval). Avant d’arriver dans les studios hollywoodiens, trois de ces pièces ont été jouées à Broadway (Zaza plusieurs fois entre 1899 et 1905, Her Cardboard Lover en 1927 et Camille a connu plus de 16 séries de représentations entre 1853 et 1935, dont la tournée de Sarah Bernhardt en 1911).
Il s’agira, à partir des carnets de ces pièces présents dans le fonds de l’ART d’envisager la richesse des transferts entre théâtre et cinéma, pris dans une circulation entre Paris, Broadway et Hollywood dans la première moitié du XXe siècle. En comparant les sources françaises aux sources américaines, on verra dans quelle mesure le cinéma hollywoodien se fonde non pas sur le simple recyclage des textes, mais sur des emprunts à différentes traditions de mise en scène, et comment se construit un imaginaire spécifique associé au théâtre français.

Marguerite Chabrol est maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense. Ses recherches portent sur le classicisme hollywoodien et les relations du cinéma avec le théâtre. Elle est notamment l’auteur d’une thèse sur "La théâtralité dans le cinéma classique hollywoodien: les mises en scène de Georges Cukor et Joseph L. Mankiewicz" (2004) et a codirigé la série des Lectures croisées (avec Alain Kleinberger et Pierre-Olivier Toulza, L’Harmattan), et avec Tiphaine Karsenti, le n°204 de Théâtre/Public, "Entre théâtre et cinéma: recherches, inventions, expérimentations" (juin 2012).

Delphine CHAMBOLLE: Le son de l’automobile: évolution des techniques sonores et utilisation des sons sur la scène parisienne (1900-1940)
Les expériences théâtrales qui fleurissent un peu partout sur la scène d’avant-garde du théâtre européen de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui vont entraîner des mutations esthétiques, accordent une importance nouvelle au langage physique. La musique et le son sont des éléments de cette rénovation scénique présents dans les réflexions et les travaux d’artistes comme Kandinsky, Adolph Appia, Jaques-Dalcroze, Jacques Copeau, les futuristes italiens (Depero en particulier), Gordon Craig et Antonin Artaud. Le fonds d’archives de l’Association des Régisseurs de Théâtre nous offre la possibilité d’observer quelle place occupe le son sur une scène moins expérimentale, à Paris, dans le premiers tiers du XXe siècle. Nous proposons d’étudier les nombreuses interventions sonores de l’automobile. En effet, le premier salon de l’automobile à Paris a lieu en 1898. Apparaissant très vite sur scène, c’est un objet qui représente la ville, le pouvoir et qui est matérialisé par le son. Il s’agira d’analyser l’évolution des techniques sonores employées au théâtre, ainsi que la place du sonore sur scène à travers l’exemple de ces sons d’automobile, expression de la modernité.

Delphine Chambolle est Maître de Conférences à l’Université Charles de Gaulle de Lille 3 en Civilisation Hispanique. Docteur de l’Université de Paris 3 Sorbonne Nouvelle, elle a soutenu sa thèse en 2004 sur l’espace sonore dans les esperpentos de Valle-Inclán. Son domaine de recherche est la littérature et les arts au XXe siècle, dans les domaines du théâtre, du cinéma et de la bande dessinée. Elle consacre, plus particulièrement, sa recherche au son. Ses rencontres avec Daniel Deshays et Nicolas Frize la persuadent de se lancer dans la création sonore. Depuis, elle réalise des conceptions sonores pour le théâtre avec le metteur en scène Ismael Jude et pour les musées (Angoulême - Festival de la BD, Musée du sel à Batz sur mer).

Caroline CHIK: La toile de fond, entre mise en scène et mise en image
Il s’agit d’étudier la photographie de scène essentiellement à travers la production de l’atelier Nadar, présente dans les relevés de mise en scène de l’A.R.T. le plus souvent sous la forme de cartes postales. Nous mesurerons les écarts et les proximités entre photographies de scène et portraits d’atelier, de même qu’une sorte de statut intermédiaire entre ces deux genres. Leur dénominateur commun, la toile de fond, se rencontre parfois telle quelle, dans un cadrage serré et une lumière identiques, d’une image, d’une scène, voire, semble-t-il, d’une pièce de théâtre à une autre, où seuls les acteurs changent. On remarquera une certaine autonomie de la scène reconstituée par rapport à la scène jouée, qui témoigne du caractère artificiel du médium photographique comme construction d’un monde fictif, ainsi que son aspect contraignant et "figeant". Peut-être, aussi, doit-on voir dans les photographies de scène de l’atelier Nadar la volonté d’une certaine standardisation, à l’instar des portraits-cartes qui leur sont contemporains.

Docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts - spécialité Arts plastiques et photographie, qualifiée pour la XVIIIe section du CNU, Caroline Chik est chercheure boursière au Centre allemand d’histoire de l’art à Paris. Egalement membre associée du GRAFICS, elle a effectué un postdoctorat et enseigné au Département d’Histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.
Publication
L’image paradoxale. Fixité et mouvement, Presses Universitaires du Septentrion, 2011.

Geneviève DE VIVEIROS: Choses vues: la mise en scène des adaptations théâtrales des romans de Zola
Bien que surtout connu comme romancier, Émile Zola (1840-1902) s’est, tout au long de sa carrière, intéressé au théâtre. En plus de publier des critiques dramatiques, il écrivit des pièces et fit adapter pour la scène ses romans les plus célèbres. Suivant ses théories naturalistes, il chercha à révolutionner la scène de son temps en préconisant, notamment, un style de jeu naturel et l’utilisation de décors réalistes représentant de manière authentique les différents "milieux" étudiés dans son œuvre. Cette communication traitera, en faisant référence aux fonds d’archives de la Bibliothèque historique de la ville de Paris, de la mise en scène des adaptations théâtrales des romans de Zola à la fin du XIXe siècle.

Geneviève De Viveiros est professeure au département d’études françaises de l’Université Western Ontario. Ses recherches portent sur l’œuvre d’Émile Zola, les femmes écrivains de la Belle Époque et le théâtre du XIXe siècle. Ses travaux ont paru, entre autres, dans les Cahiers naturalistes et la Revue d’histoire du théâtre. Elle participe actuellement à la publication de l’édition critique des Œuvres complètes d’Eugène Labiche aux éditions Classiques Garnier.

Jean-Michel DURAFOUR: Explorations, exploitations, exploits. De quelques métamorphoses des réalismes (politique, esthétique) chez Jean-François Lyotard
Il faudra d’abord revenir sur l’établissement d’un registre d’acceptions opératoires et différentiels du réalisme en régime philosophique et esthétique à partir d’une exploration circonspecte de la notion de réalité (par positionnements en regard de la vérité, de l’actualité, de l’effectivité, de l’objectivité, etc.) dressant de vecteurs d’interprétations et d’analyses depuis l’Antiquité grecque et la scolastique médiévale. Ensuite, on posera la question du rapport de Jean-François Lyotard au réalisme, depuis la période militante (dominée par son activité au sein du mouvement ) jusqu'aux derniers textes (disons l’ultime décennie, pour faire vite) où, délaissant le politique pour d’autres activateurs de gouvernement (l’âme, l’enfance, l’art), Lyotard revient à une appréhension figurative et représentative des œuvres d’art (Que peindre?). "Revient": entre les deux, on connaît cet événement appelé à faire date: Discours, Figure (1971), et les développements, a priori tout à fait contraire à toutes espèces de réalisme, de la notion de figural - mais où le réalisme, contre toute attente, et sauf à le fétichiser, pourrait malgré tout (on verra comment) travailler œuvres et pensées sous d’autres formes que celles attachées à sa présence elle-même effective. En quoi ce qui se produit sur ces quelques décennies ouvre-t-il, de l’engagement politique à l’esthétique, sur une conception singulière du réalisme dans les arts et, tout spécialement, au cinéma (qui en serait comme la promesse)?

Jean-Michel Durafour est Maître de conférences en Etudes cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et agrégé de philosophie. Il est spécialiste d’esthétique et de théorie des images. Il a notamment publié de nombreux articles dans des revues spécialisées (CiNéMAS, Trafic, Ligeia...).
Publication
Jean-François Lyotard: questions au cinéma. Ce que le cinéma se figure, PUF, 2009.

David FAROULT: Quelle réalité pour quel réalisme?
Pour alimenter ce questionnement dans une perspective émancipatrice, l’instabilité historique de la notion de réalité permet d’en révéler une heureuse plasticité, et de réinterroger à nouveaux frais les conceptions de la réalité qui animent les démarches réalistes. Sous quelles conditions et conjonctures un réalisme (lequel?) pourrait-il contribuer à l’émancipation d’un "être humain privé de réalité vraie"?

David Faroult est maître de conférence en cinéma à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée: ses recherches portent sur les relations entre cinéma et politique, notamment à travers les théories du spectateur et du dispositif cinéma.

Thibault FAYNER: Le réalisme et Claudine Galea
Le fait divers est à la base de nombreuses pièces réalistes. Il est réputé synthétiser les contradictions d’une époque et, à ce titre, il intéresse particulièrement les auteurs réalistes. Le fait divers est également un standard des ateliers d’écriture. Il est employé par différents meneurs d’écriture. Le fait divers génère-t-il toujours des œuvres réalistes? Est-il employé dans ce sens en atelier? Quel(s) sens chaque meneur d’écriture lui attribue-il? Dans cette communication, nous étudierons pourquoi et de quelles manières les ateliers d’écriture utilisent la tradition littéraire, en l'occurrence réaliste. S’agit-il d’un réservoir formel propice à "déclencher" l’écriture des participants? S’agit-il de se réapproprier le projet réaliste des auteurs convoqués? Les ateliers d’écriture génèrent-ils d’autres pistes pour l’écriture réaliste qui n’empruntent pas forcément les outils traditionnellement employés par les auteurs réalistes, à commencer par le fait divers?

Thibault Fayner écrit pour le théâtre dans le cadre de commandes d’écriture pour des compagnies ou pour des acteurs. Ses textes paraissent aux éditions Espaces 34. Il est également maître de conférences associé en arts du spectacle à l’Université de Poitiers et chargé de cours à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre et à l’Université Paris-Est. Il est doctorant en études théâtrales à l’Université Lyon II (dir. Olivier Neveux).

Patrice GUÉRIN: L'évolution des sources lumineuses
Cette conférence, illustrée de nombreux documents d’époque, a pour objet l’évolution des procédés d’éclairage qui permirent l’avènement des projections publiques au théâtre et au cinéma à partir du milieu du XIXe siècle. Elle est accompagnée d’une exposition d’appareils d’éclairage destinés à la projection. En partant de la bougie qui est la référence en matière d’éclairage au XIXe siècle, on passe rapidement sur les éclairages au pétrole et au gaz - qui causèrent certains dégâts - avant d’arriver aux deux procédés qui permirent d’obtenir une lumière suffisamment puissante: le chalumeau oxhydrique et l’arc électrique. Cette forte lumière, source des projections lumineuses devant un large public, permit à des créateurs géniaux et très variés d’exprimer tout leur talent, qu’il s’agisse des magiciens Robertson et Robin, des compositeurs, tels que Wagner, Meyerbeer ou Rossini, des décorateurs comme Mariano Fortuny et Eugène Frey, des artistes comme Loïe Fuller, des inventeurs tels que Edison, les frères Lumière. Tous virent leurs talents magnifiés par la lumière !

Patrice Guérin est un spécialiste des techniques de communication écrite et audiovisuelle. Diplômé de l’ENSAD, il est architecte en communication et fut prestataire de grandes entreprises. Durant dix ans, il partagea son savoir-faire avec des étudiants. En 1990, il crée et publie le mensuel Design Collection consacré à l’histoire des sciences et des techniques. En 1995, il publie Du soleil au xénon à l’occasion du centenaire du cinéma. Depuis novembre 2010, il développe le site Web Diaprojection consacré aux projections lumineuses.

Chantal GUINEBAULT: Cadre et cadrage au théâtre: une pratique du "hors-scène" avant 1945
A partir d’exemples significatifs (pris dans le fonds de l’ART, mais aussi de la Comédie Française), nous montrerons comment les frontières de la représentation évoluent dans les mises en scène de la fin du XIXe siècle, indiquant un travail de re-composition de l’image scénique, en même temps que l’abandon du décor peint, factice: réduction du visible, fragmentation de l’aire de jeu, utilisation de repoussoirs et du re-cadrage, jeu avec les coulisses et le hors-scène. Ce traitement du cadre opère par articulation du lieu de la représentation et de la représentation de lieu - dont la friction est constitutive du dispositif théâtral.

Maître de conférences au Département Arts de l’Université Paul Verlaine-Metz, Chantal Guinebault est aussi chercheur au CREM et à l’ARIAS, CNRS. Elle a ainsi participé au volume des Voies de la Création théâtrales sur Claude Régy, La quête de l’espace mental, ainsi qu’au PICS sur Le Son du Théâtre en partenariat avec le CRI de Montréal. Elle collabore de longue date avec la revue Théâtre/public, pour des articles, mais aussi des numéros sur la scénographie, la lumière et le son. Elle enseigne à l’EnsAD dans la section scénographie et à l’Université de Paris-Est/Marne-la-Vallée (Master Cinéma, audiovisuel et archives). Ses recherches portent également sur les arts de la marionnette et de l’objet, le théâtre visuel et les dramaturgies non exclusivement textuelles.

Carole HALIMI: L’artifice du "tableau" au théâtre: du texte à la photographie
Dans un article qui fait se croiser peinture, cinéma et théâtre, Roland Barthes traite du "tableau", comme dispositif de représentation que l’on qualifierait aujourd’hui d’intermédial, au sens où il conjugue différents media. Cet art, celui du tableau, écrit-il, n’est pas réaliste, mais repose sur une construction artificielle. De fait, quand le tableau intervient au théâtre, il suspend souvent l’action, la fige en pose, pour qu’un passage s’effectue, dans le regard même du spectateur, de la scène et de l’action vers l’image. Aussi, quand la photographie s’empare du théâtre pour en témoigner, elle est elle-même confrontée à cette difficulté de traduire une action sous une forme arrêtée, suspendue. À partir d’un choix de textes et d’images tirés des archives de l’Association des Régisseurs de Théâtre (ART), l’objectif sera de révéler la composante artificielle du "tableau", quand il prend place dans le texte, les indications de mises en scène, mais aussi et surtout comme une forme que la photographie perpétue, depuis les images de scène, les illustrations de la pièce, jusqu’au portrait d’acteur.

Carole Halimi est maître de conférences à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Également agrégée en arts plastiques, elle a soutenu une thèse en histoire de l’art en 2011, intitulée "Le tableau vivant de Diderot à Artaud, et son esthétique dans les arts visuels contemporains (XXe-XXIe siècles)". Elle est nommée pensionnaire en histoire de l’art à l’Académie de France à Rome Villa Médicis, pour une durée d’un an à compter de septembre 2013.
Publications (sur la question du tableau vivant)
"Les tableaux vivants dans les œuvres de Pierre Klossowski: quels lieux pour l’érotisme?", Histoire de l’art, n°66, avril 2010, p. 121-130.
"Tableau vivant et turbulence des corps dans les images de Pierre Klossowski et de Bill Viola", Figures de l’Art, n°22, Presses Universitaires de Pau, 2012, p. 131- 143.

Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: Folies et fantaisies d'après le Fonds ART: des sous-genres du Vaudeville?
La communication s’attachera à mettre en lumière la présence de deux corpus à l’intérieur du fond inventorié. Cinq pièces sont en effet identifiées comme des "folies" par leurs auteurs, onze autres comme des "fantaisies". Aucun de ces deux genres n’a été étudié en tant que tel. Nous nous proposons de mettre en lumière leurs caractéristiques génériques respectives, ainsi que les évolutions du genre dans le cas de la folie (qui embrasse le XIXe siècle dans notre source). Nous placerons ces deux genres en regard de la féérie, troisième sous-genre du théâtre; les fééries sont également représentées dans le corpus et ont été, quant à elles, largement étudiées par la critique. Une telle étude permettra de rendre compte de la diversité des formes génériques au long du XIXe siècle et de variations autour de l’esthétique de la féérie.

Adélaïde Jacquemard-Truc est ATER à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, où elle achève la rédaction d’une thèse de doctorat. Elle a publié plusieurs articles sur le théâtre du XIXème siècle (symbolisme) et du XXe siècle (Jean Anouilh).

Frank KESSLER & Sabine LENK: Mise en scène / mise en film
Dans notre communication, nous analyserons les décisions prises par rapport à un même matériau de base au niveau de sa mise en scène et de sa mise à l’écran autour de 1910. Nous nous interrogerons tout particulièrement sur les différences en ce qui concerne, respectivement, la trame narrative de la pièce de théâtre et celle du film, compte tenu non seulement du fait que le cinéma ne peut utiliser que de manière très limitée la parole transcrite dans les intertitres, mais aussi des choix de mise en scène pour le théâtre et pour le cinéma. Nous étudierons ensuite le conséquences dramaturgiques et esthétiques de ces choix en tenant compte de différentes versions du matériau de base.

Frank Kessler est professeur en Histoire des médias à l’Université d’Utrecht où il dirige l’Institut de Recherche "Histoire et Culture" (OGC). Ancien président de DOMITOR et co-fondateur avec Sabine Lenk et Martin Loiperdinger de KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films, ses travaux portent notamment sur le cinéma des débuts. Avec Nanna Verhoeff, il a co-dirigé Networks of Entertainment. Early Film Distribution 1895-1915 (2007). En 2009, il était chercheur invité au Collège International de Recherche en Technologies de la Culture et Philosophie des Médias à Weimar.

Sabine Lenk est chercheur affilié au groupe de recherche Médias de l’Université d’Utrecht. Elle a travaillé pour des cinémathèques en Belgique, France, Luxembourg et aux Pays-Bas, avant et après avoir été la directrice du Filmmuseum Düsseldorf de 1999 à 2007. Avec Frank Kessler et Martin Loiperdinger, elle a fondé et dirigé KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films, la collection KINtop Schriften ainsi que KINtop. Studies in Early Cinema. Elle est l’auteur de nombreuses publications sur le cinéma des premiers temps, la restauration et l’archivage des films, ainsi que sur des questions muséographiques concernant le patrimoine cinématographique. En 2009 elle a publié Vom Tanzsaal zum Filmtheater. Eine Kinogeschichte Düsseldorfs.

Martin LALIBERTÉ: Avant Pierre Schaeffer, bruits et sons dans les mises en scène parisiennes du début du XXe siècle
La révolution de la musique électroacoustique par Pierre Schaeffer et ses collègues autour de 1948 s’est préparée de longue date car elle correspond à une mutation profonde de l’écoute et de l’esthétique musicale. Cette mutation se trouve à la convergence de nombreux phénomènes artistiques et historiques importants mais elle a notamment été accompagnée et préparée par l’évolution de la scène théâtrale moderne, depuis 1880. Les recherches effectuées sur le fonds d’archives de la Régie des Théâtres Parisiens déposé à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris éclaire sous un angle nouveau l’invention de Schaeffer. Les relevés de mises en scènes étudiés montrent en détail comment les bruitages de théâtres se sont modernisés et diversifiés depuis le tournant du XXe siècle, jouant parfois un rôle de premier plan dans les spectacles. On comprend dès lors bien mieux où se situent les héritages et les apports dans les premières œuvres de Schaeffer.

Martin Laliberté, né au Québec en 1963, est professeur des Universités, titulaire de la chaire de Musique et technologies à l’Université de Paris-Est. Après une formation de compositeur instrumental et électroacoustique, il s’installe à Paris en 1988 pour poursuivre son travail à l’Ircam, où il rédige une thèse. Il est nommé Maître de Conférences à l'Université de Bourgogne en 1995 puis à l’Université de Marne-la-Vallée en 2002. Elu Professeur des Universités en 2006, il dirige le Département de Cinéma, Audiovisuel, Arts Sonores et Numériques de 2006 à 2010. Ses recherches portent sur l’esthétique contemporaine et les technologies musicales. Il prépare actuellement un ouvrage sur les modèles instrumentaux et musicaux contemporains.

Jean-Marc LARRUE: Les constructions de l'argument essentialiste à la lumière du Fonds de l'ART de la B.H.V.P.
Le XXe siècle aura été, à la fois, le siècle des grandes entreprises définitoires - Qu’est-ce que l’art? Qu’est-ce que la littérature? Qu’est-ce que le cinéma? - et celui de l’impureté, de l’hybridation ou, pour reprendre l’expression de Chris Salter, de l’"entremêlé" (entangled). Le théâtre a participé des deux mouvements. Cette communication porte sur le premier. Alors que le théâtre subit la concurrence croissante des média issus des technologies de reproduction sonore et visuelle (le disque, la radio, le cinéma muet puis parlant), s’échafaude, à partir des années 1900, un argument essentialiste qui vise non seulement à définir une spécificité atemporelle du théâtre mais aussi à en assurer la supériorité ontologique sur les pratiques concurrentes plus récentes. Le concept de "présence-coprésence-aura", si lié à l’épistémè théâtrale contemporaine qu’on a peine aujourd’hui à l’en dissocier, ne s’est en fait développé et imposé que bien tardivement, soit dans les années 1920. Si la pensée essentialiste, fondée sur cette caractéristique, a dominé et domine encore le discours théâtral, qu’en est-il de la pratique? L’examen des documents du fonds de l’A.R.T. offre une première réponse à cette question qui nous conduit à réexaminer certains des fondements de l’histoire générale du théâtre du Long Siècle.

Jean-Marc Larrue est professeur d’histoire et de théorie du théâtre au Département des littératures de langue française et directeur d’axe de recherche au Centre de recherches intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques (CRIalt) de l’Université de Montréal. Ses principaux travaux portent sur le théâtre au Québec de la modernité à la période actuelle. Il codirige un groupe international de recherche sur le son au théâtre avec Marie-Madeleine Mervant-Roux du CNRS et prépare un ouvrage sur le théâtre et l’intermédialité. Jean-Marc Larrue est président de l’Association internationale du théâtre à l’Université (AITU-IUTA).
Publications
Le Théâtre yiddish à Montréal (JEU); les Nuits de la "Main" (en collaboration avec André-G. Bourassa, VLB).
Le Monument inattendu (HMH-Hurtubise).
Le Théâtre à Montréal à la fin du XIXe siècle
(Fides).
Le Théâtre au Québec 1825-1980 (avec André-G. Bourassa, Gilbert David et Renée Legris, VLB).

Virgilio MORTARI: Artaud ou "Faut-il être cruels pour être réalistes?"
Ce n’est pas seulement au lendemain de l’expérience du Théâtre Alfred Jarry que prend forme Le Théâtre de la Cruauté: son élaboration - qui marque la première moitié des années Trente - surgit au moment où Artaud rompt avec le cinéma, rupture scellée, en 1933, par l’article Vieillesse précoce du cinéma. Or, si cette rupture s’avère nécessaire, aux yeux d’Artaud, c’est à cause de la façon dont le cinéma "se comporte au moment il entre en contact avec le réel". À partir de là, tout véritable rapport avec le réel devait se configurer d’une manière autre que cinématographique. Non seulement, alors, le théâtre sera envisagé comme exigeant la seule expression réelle en fait, mais, le langage de la cruauté comme le véritablement réel, le non virtuel. Mais si cette élaboration posséda un sens, comme l’observa Derrida, ce fut en tant que révolutionnaire, et au sens politique, précisément. L’enjeu sera, donc, de mesurer les puissances véritablement révolutionnaires que le réalisme artaudien se propose; la manière dont il s’oppose réellement à sa société.

Virgilio Mortari est doctorant et chargé de cours à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il rédige une thèse intitulée "Avant-garde et révolution. Pour une critique des développements politiques dans la théorie du film d’avant-garde, à travers l’étude de trois cas: Epstein, Eisenstein et Artaud", sous la direction de Giusy Pisano et David Faroult. Il a publié l’article "Jean Epstein o del cinema strumentale", La Furia Umana, printemps 2012.

Olivier NEVEUX: Le réalisme attarde l’homme autour de ses ordures
Les écrits de Marx et d’Engels sur l’art réservent au réalisme une place centrale. Et l’histoire de l’art, progressiste, critique ou émancipateur, a bien souvent repris à son compte une telle perspective. Celle-ci n'est certes pas uniforme: il est notable que le réalisme est une notion problématique et contradictoire. Il s’agira, à contre-courant, de cette "injonction" ou de cette disposition "spontanée" au réalisme de réfléchir à la critique du réalisme telle qu’elle fut opérée dans les œuvres et par les artistes au nom, précisément, de projets progressistes, critiques et émancipateurs. Cela afin d’éprouver les limites, les apories, les dangers d’une telle optique, dès lors qu’il est question de ne pas s’en laisser conter par ce monde. Cette intervention s’intéressera plus particulièrement au champ théâtral.

Olivier Neveux est professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’Université Lumière-Lyon 2.

Caroline RENOUARD: Des premiers temps à l’installation du mythe holmésien: mises en scène et interdépendances médiatiques autour de la pièce de théâtre Sherlock Holmes
"Sherlock Holmes, pièce en 5 actes et 6 tableaux". Créée par Pierre Decourcelle en 1907 au Théâtre Antoine, cette pièce est la traduction et l’adaptation de celle créée en 1899 aux Etats-Unis, par William Gillette (avec l’accord d’Arthur Conan Doyle). Les relevés présents dans le fonds de l’ART offrent un outil d’analyse original de cette pièce, incontournable dans la construction du mythe de Sherlock Holmes et dans la composition des multiples strates de représentation du détective. A travers cette étude et ses mises en perspective (les résurgences présentes dans les adaptations et les réappropriations), il s’agira donc de mettre en lumière les interdépendances narratives, esthétiques et techniques issues de cette pièce et de sa genèse, avec d’autres formes médiatiques: littérature, théâtre, cinéma, mais aussi radio, télévision, bande dessinée.

Caroline Renouard est docteure de l’Université Paris-Est. Elle a soutenu en novembre 2012 une thèse en études cinématographiques: "Les effets esthétiques et narratifs de la technique de l’incrustation" (sous la direction de Giusy Pisano).
Ses publications portent sur les trucages, les effets spéciaux, les interdépendances anciens/nouveaux médias et les technologies numériques. Elle co-dirige actuellement avec Réjane Hamus-Vallée un numéro de Cinémaction consacré aux métiers du cinéma à l’ère du numérique. Ex-ATER et chargée de cours de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, elle a co-organisé en novembre 2012 un colloque sur les "Savoirs et sciences imaginaires".

Sylvain SAMSON: Impact des nouvelles technologies sonores au théâtre. Le disque et la musique instrumentale dans les théâtres parisiens entre 1911 et 1945 (communication élaborée avec Geneviève MATHON)
Dans le fonds des "Relevés de mises en scène dramatiques" de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, la première mention d'utilisation du disque apparaît en 1911, avec l'Enfant de l'Amour de Henry Bataille. Son utilisation en sera dès lors fréquente et banalisée, et son incidence, comme nouvel objet, à l’instar du téléphone, ou encore nouvel "instrument" de diffusion sonore et/ou musicale, dans sa relation l’écriture théâtrale et à la mise en scène, est manifeste. Nous interrogerons le disque dans sa dimension essentiellement musicale, en mettant en exergue son répertoire. Nous nous attacherons plus particulièrement à la coexistence de l'instrument de musique et du disque dans les pièces. Participant d’une nouvelle écriture du sonore, la question de ses fonctions musicale, théâtrale, mais aussi structurelle, sémantique et sociologique sera ainsi soulevée.

Sylvain Samson, LISAA (EA-4120) - Université Marne-La-Vallée, professeur agrégé de musique, certifié en histoire des arts et docteur en musicologie des Universités François-Rabelais de Tours et La Sapienza de Rome. Ses recherches se concentrent sur diverses problématiques liées à l'opéra, et plus largement au théâtre. Prônant les approches pluridisciplinaires, la littérature, l'histoire, la philosophie, l'anthropologie intègrent entre autres ses champs de réflexion.
Publications
Saint Exupéry et Villiers de l’Isle-Adam: les épicentres de la construction de l’Univers, du parcours et de la figure du héros dans le théâtre de Luigi Dallapiccola. Une esthétique du Sacré et de l’Initiatique, Thèse de doctorat en cotutelle franco-italienne, sous la direction de Geneviève Mathon - Université François-Rabelais, Tours et Pierluigi Petrobelli - Université La Sapienza, Rome, 2011.
Ulisse de Luigi Dallapiccola: un univers sacré, une vision dantesque, Le Paon d'Héra, Paris: Murmure, à paraître.

Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN: Les dispositifs mixtes théâtre/cinéma et leur mise en scène/film
Lors de cette communication, il sera question de faire l’archéologie des différents dispositifs mixtes théâtre/cinéma - c’est-à-dire lorsque des images animées sont intégrées à la scène - tout en s’interrogeant sur cette greffe sur le plan des apports technologiques, de la scénographie, de la mise en scène, du découpage et du montage. Si le cinématographe a très tôt procédé à une remédiation (Bolter et Grusin) du théâtre en commençant par en présenter des trompe-l’œil scéniques, le théâtre a lui aussi rapidement intégré celui-ci. De la féerie La Biche au bois, mise en scène par Edmond Floury (1896), au Petit Péché, mis en scène par René Rocher (1926), en passant par les nombreuses tentatives de Georges Méliès, il sera intéressant de comprendre l’inscription des vues animées à l’intérieur du dispositif théâtral. Il est certain qu’intégrer en 1896 un nouveau procédé scientifique (le cinématographique), ce n’est pas la même chose qu’intégrer en 1926 un art populaire (le cinéma). Au tout début, il s’agissait ainsi, avec les images animées, de remédier aux images fixes de la lanterne magique dont on peut deviner les limites chez Marcel Proust (Combray): "[...] comme, dans une apothéose de théâtre, un plissement de la robe de la fée, un tremblement de son petit doigt, dénoncent la présence matérielle d’une actrice vivante, là où nous étions incertains si nous n’avions pas devant les yeux une simple projection lumineuse". Il sera intéressant de comparer les usages de ces différentes projections, les annotations dans les relevés de mise en scène, leur légitimation dans le discours journalistique. Il s’agira donc de réfléchir sur les premiers temps de ce qu’on a appelé le "théâtre de l’image" (Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos) en analysant comment chaque pratique trouve ou négocie son propre espace discursif.

Directeur de la revue savante Nouvelles Vues, Jean-Pierre Sirois-Trahan est professeur au Département des littératures de l’Université Laval. Il s’intéresse notamment au cinéma des débuts sur lequel il a publié plusieurs articles et codirigé deux ouvrages: Au pays des ennemis du cinéma... (Nuit blanche éditeur, 1996) et La Vie ou du moins ses apparences (Cinémathèque québécoise/Grafics, 2002). Théoricien et historien, il travaille présentement sur l’intermédialité du cinéma et sur Georges Méliès dont il vient d’établir l’autobiographie: La Vie et l’Œuvre d’un pionnier du cinéma (Éditions du Sonneur, 2012).

Frédéric TABET: Migrations esthétiques et techniques de l'art magique au théâtre, le cas d'une appropriation singulière: L’Escamoteur d’Adolphe d’Ennery et Jules Brésil
Lors des premières représentations de L’Escamoteur, une vaste réforme de l’art magique est en train de se produire. Les anciens escamoteurs de plein-vent, en se rapprochant des sciences, accèdent aux XVIIe siècle à des espaces de représentation permanents. Ce changement d’espace leur permet d’adopter une nouvelle esthétique, entérinée au début du XIXe par l’adoption du terme prestidigitateur, et de développer de nouveaux effets en se réappropriant les moyens techniques du théâtre. En tant que spécialistes, les artistes magiciens seront invités à collaborer sur la scène de formes théâtrales. Nous nous attacherons à explorer les migrations esthétiques et techniques entre théâtre et art magique à partir des occurrences de "jeux d’illusion" dans les relevés de mise en scène de l’A.R.T., et du personnage interprété par Paulin-Ménier dans L’Escamoteur d’Adolphe d’Ennery et Jules Brésil.

Frédéric Tabet est chercheur associé au LISAA (EA 4120) et docteur en Arts (Université Paris Est). Sa thèse dirigée par Giusy Pisano a porté sur les "Relations techniques entre l’art magique et le cinématographe avant 1906". Depuis, il est, entre autres, l’auteur d’une étude parue dans la revue d’histoire du cinéma 1895, "Entre art magique et cinématographe: le Théâtre noir". Diplômé de l’ENS Louis Lumière, il partage son temps entre l’enseignement du cinéma à l’Université Paris Est et Paris I Panthéon-Sorbonne et la recherche.

Armelle TALBOT: Lecture d'une nouvelle, "Ordre du jour"
Tandis que les esthétiques réalistes du passé sont assez communément décriées au titre de leurs ambitions totalisatrices, les scènes actuelles témoignent néanmoins d’une véritable appétence pour "le réel" et lui articulent bien souvent le souci de l’appréhender hors de tout jugement préétabli, laissant le spectateur disposer à sa guise de propositions exploratoires livrées sans mode d’emploi, ni programme interprétatif. Récurrente dans les discours des artistes comme dans ceux de leurs exégètes, la promotion de ces représentations garanties sans filtre n’est pas moins porteuse d’une axiologie cohérente, fût-elle fondée sur la valorisation du trouble et de l’équivocité, dont la discrétion doit sans doute beaucoup au fait qu’elle est largement partagée. Ce sont quelques-uns de ces discours que nous souhaiterions examiner à la lumière des œuvres qu’ils caractérisent et de la réalité qu’elles construisent.

Armelle Talbot est maître de conférence en Arts du spectacle à l’Université de Strasbourg (EA 3402 "Approche Critique de la Création et de la Réflexion Artistiques Contemporaines").
Publications
Théâtres du pouvoir, théâtres du quotidien. Retour sur les dramaturgies des années 1970 (Études théâtrales, n°48, 2008) codirigé avec Bérénice Hamidi-Kim un numéro de Théâtre/Public: L’Usine en pièces. Du travail ouvrier au travail théâtral, n°196, 2010.

Natacha THIÉRY: Alain Cavalier: "un cinéaste qui libère son spectateur"?
Le parcours d’Alain Cavalier atteste une inflexion revendiquée vers une économie de moyens allant de pair avec une attention plus aiguë à "la réalité", trouvant son point culminant dans Le Filmeur (2005), film à teneur autobiographique tourné en numérique. Circonscrit par défaut comme ce qui exclut l’artifice - ou ce que Cavalier appelle le mensonge (depuis l’invention d’une "fiction" jusqu’au maquillage des visages) -, le réalisme semble coïncider avec la recherche d’une certaine sobriété formelle où tout est nécessaire, où rien n’est ornement. Il mérite cependant d’être interrogé dans l’interaction entre cette visée et ses effets. Quel réalisme le film invente-t-il? Dans quelle mesure l’esthétique du Filmeur est-elle polémique ou critique? De quelle "politique du cinéma" est-elle l’actualisation? Dans quelle mesure le geste du cinéaste ouvre-t-il pour le spectateur la possibilité d’une expérience inédite qui fut qualifiée de libératrice (J. Mandelbaum, Le Monde, 15 mai 2005)?

Natacha Thiéry est maître de conférence en esthétique et histoire du cinéma à l’Université de Lorraine (Metz). Ses recherches portent notamment sur certains processus d’hétérodoxie cinématographique.
Elle prépare une monographie sur Alain Cavalier.

Stéphane TRALONGO: Visions électriques, les attractions lumineuses à l'époque de l'électrification du théâtre
Au moment de l’installation de l’électricité dans les grands théâtres parisiens, on mise sur la perpétuation d’une disposition du luminaire qui avait déjà largement fait ses preuves, en conservant ces éléments de la structure scénique traditionnelle que sont la rampe, les herses, les traînées et les portants. Cette répartition des appareils d’éclairage sur scène est certes bien connue aujourd’hui, mais il faut entrer dans le détail des archives théâtrales pour se faire une idée de la production et de l’évolution des différents effets lumineux au cours d’une représentation du tournant du XXe siècle. Dans les pièces à grand spectacle, la distribution de la lumière électrique est plus particulièrement sujette à de telles fluctuations que c’est la mise en scène toute entière de ce genre de pièces qui est affaire d’éclairage. D’après les mesures prises pendant les représentations du Tour du monde en quatre-vingts jours au Théâtre du Châtelet en 1891, le régime électrique atteint en cours de soirée des pics de consommation qui sont directement dus à l’éclairage à plein feu de certaines scènes du spectacle. Cette recherche portera précisément sur la notion d’éblouissement qui est fréquemment associée aux nouvelles technologies électriques dans les témoignages d’époque. Il s’agira de mieux rendre compte du travail des praticiens comme de l’expérience des spectateurs en matière d’éclairage électrique, à partir de conduites de régie, de rapports d’ingénieur et de critiques dramatiques en lien avec les spectacles du Châtelet.

Stéphane Tralongo est docteur en Lettres et arts (Université Lyon 2/Université de Montréal). Il travaille actuellement en tant qu’ingénieur d’étude au centre de recherche "Littératures, savoirs et arts" (LISAA) de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il a collaboré à ce titre au catalogage du fonds de relevés de mise en scène conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ses travaux portent principalement sur les rapports qui s’engagent entre les genres dramatiques populaires et les pratiques cinématographiques émergentes au tournant du XXe siècle.

Thomas VOLTZENLOGEL: "Faire des bijoux pour les pauvres". L’héritage du réalisme dans les films de Pedro Costa
Le lien entre le réalisme défini par Bertolt Brecht et le travail cinématographique de Pedro Costa passe par les films de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Ces derniers, tout en étant hostiles à l’idée de "faire des films brechtiens"(1), ont répété inlassablement leur fidélité à la nécessité de "déterrer la vérité sous le dépôt, le sédiment de ce qui va de soi et des généralités, et de partir toujours du particulier pour arriver au général"(2). Il s’agira d’étudier à la fois ce qui, du réalisme de Brecht, a été recueilli par Pedro Costa et le nouvel usage qu’il en fait dans ses films (No Quarto da Vanda et Juventude em Marcha) ; d’étudier l’appropriation par le cinéaste des méthodes, des manières de faire, des techniques issues de la pratique de Brecht et des films de Straub et Huillet tout en travaillant à une redéfinition de la réalité observée par Pedro Costa. On proposera alors l’esquisse d’une nouvelle articulation entre art et émancipation.
(1) STRAUB, Jean-Marie, HUILLET, Danièle, "Le chemin passait par Hölderlin" (propos recueillis par B. Damerau), dans Brecht après la chute. Confessions, mémoires, analyses, Paris, L’Arche, 1993, p. 99.
(2) LAFOSSE, Philippe, L'Étrange cas de madame Huillet et monsieur Straub, Toulouse, Ombres, 2007, p. 124. Propos de Jean-Marie Straub.

Thomas Voltzenlogel est Doctorant contractuel en Études cinématographiques et chargé de cours à l'Université de Strasbourg. Rédige actuellement, sous la direction de Jean-Marc Lachaud, une thèse (provisoirement) intitulée "Une constellation de films profanes" qui porte sur les méthodes de travail de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Harun Farocki et Pedro Costa.

Le relevé de mise en scène témoin de l’évolution du théâtre, depuis 1950
par Serge BOUILLON (président d'honneur de l'ART) et Danielle MATHIEU-BOUILLON (présidente de l'ART)
La fin de la guerre, ou plutôt la paix retrouvée, va précipiter l’évolution du théâtre. Par conventions collectives interposées, les successeurs des Dullin, Baty, Jouvet, Pitoëff, vont être reconnus comme auteurs du spectacle. Ils auront, à ce titre, la charge de déposer le relevé de leur travail à l’Association des Régisseurs de Théâtres. L’émergence d’un Ministère de la Culture conduit alors à la décentralisation, caractérisée par la création, en régions, de nouveaux lieux, et par conséquent de nouveaux directeurs- metteurs en scène, parmi lesquels les membres de l’A.R.T reconnaîtront souvent d’ex-confrères des théâtres parisiens. La mise en scène étant consacrée œuvre originale, elle ne pourra (sauf à la conduire en tournée telle qu’elle a conquis son premier public) faire l’objet que d’une (re)création et l’assistant du metteur en scène couvrira de son autorité le relevé du spectacle. Cette appropriation de l’œuvre par le metteur en scène se trouvera encouragée dès 1971 par la suppression du droit des pauvres et autres taxes sur le spectacle au bénéfice de la TVA, dont le taux évoluera à la baisse à chaque fois que le spectacle ne sera pas repris mais (re)créé. L’ART, directement concernée par ces évolutions, va s’ouvrir alors, sous la Présidence de Serge Bouillon, à tous les cadres techniques, administratifs et artistiques du spectacle et obtenir, après trois années de démarches, l’accord de toutes les instances professionnelles, pour capter sur support vidéo les œuvres aussi nombreuses qu’importantes de la création contemporaine. Mais le film plein cadre n’est pas tout et la conservation de documents périphériques (photos, livre de bord, conduites du spectacle) s’avère essentielle à la mémoire de la fête éphémère.

Du théâtre Hébertot à celui du Vieux-Colombier, des Mathurins à Bobino puis au TEP de Guy Rétoré, Serge Bouillon a consacré sa vie entière au spectacle, toujours au plus près de la création artistique, tour à tour comédien, régisseur, directeur de scène, metteur en scène, puis directeur administratif et financier. Professeur à l’ENSATT et à Censier, il dirigea de 1980 à 1996 le CFPTS qu’il installa à Bagnolet et dont il fit la référence européenne. Il est gérant de la fondation Hébertot et Président d’honneur de l’Association de la Régie théâtrale. Auteur de multiples articles et autres préfaces, il a participé à plusieurs ouvrages collectifs. Il est avec Antoine Andrieu-Guitrancourt, co-auteur du livre Jacques Hébertot le Magnifique.

Danielle Mathieu-Bouillon a débuté adolescente dans le spectacle. De la collaboration artistique et/ou technique (éclairages et son) à l’administration, puis à la direction de plusieurs théâtres parisiens, elle en a exercé tous les métiers. Professeur de Régie-Administration à l’ENSATT de 1982 à 1989, elle a enseigné l’histoire du théâtre au CFPTS, au GRETA du spectacle et au Lycée du Costume Paul Poiret. Auteur dramatique, elle préside l’Association de la Régie Théâtrale depuis 1983, a  rédigé nombres d’articles consacrés à l’histoire des théâtres à Paris et participé à plusieurs ouvrages sur le théâtre.

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