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Georges Herbert

Directeur du Théâtre de l'Oeuvre, producteur de tournées

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(1915-2000)

Hommages à Georges Herbert (1960-1995)

Chère France, Chers Amis,
Nous saluons ici la mémoire de Georges HERBERT, qui consacra sa vie à la passion que lui inspira dès le plus jeune âge le Théâtre. Animateur infatigable, il contribua au développement de notre répertoire en plaçant au premier rang de ses convictions l’auteur dramatique. Ainsi grâce à lui bien des créations de pièces inédites ont été initiées non seulement à l’Œuvre, mais aussi dans beaucoup d’autres lieux en France, à Paris, à l’étranger. Ainsi il participa au rayonnement de l’esprit français à travers le monde, à une période où celui-ci le dominait par son originalité, sa fécondité, son humour, sa grandeur, son intelligence, c’est à dire avant la naissance du ministère dit « de la culture ».

Lorsque nous prîmes la Direction du Théâtre de l’Œuvre, nous succédions à son fondateur Lugne-Poë ,découvreur inlassable de nouveaux talents : Jarry, Claudel, Ibsen  à Paulette Pax, qui poursuivit au côté de Lucien Béer la quête acharnée de textes succulents : de Crommelynk  à Robert de Ribbon, toujours aussi attaché à assurer la primauté du dramaturge : OBEY, la voie était tracée et nous fîmes connaître à notre public notamment le Théâtre de Paul Valéry. Puis Georges WILSON fut longtemps associé à Georges, il donna une impulsion novatrice à l’Œuvre en faisant connaître le Théâtre irlandais Brian PHELAN, WILSON à qui nous devons tant de soirées mémorables.

Aujourd’hui Gérard Maro est en charge de notre vieux, plus que centenaire Théâtre de l’Œuvre, avec les mêmes exigences et les résultats prouvent que la foi fait fi ! des écueils. N’est-il pas merveilleux de constater que l’ Œuvre niché au coeur de la cité MONTHIERS où s’ébattirent Les Enfants terribles de COCTEAU, a été et est le temple dramatique d’où sortit le plus grand nombre de pièces d’auteurs contemporains dont pour ne pas vous lasser par une énumération fastidieuse, je me suis borné à ne citer que quelques-uns, choisis parmi les plus illustres.

Georges formait ainsi avec France DELAHALLE, un de ces couples qui honorent notre profession, s’aidant l’un l’autre, jamais ils ne cédèrent aux modes, ils surent bâtir leur itinéraire en fonction de leur certitude et de leur goût. Enfin Georges HERBERT se révéla le plus ardent combattant du Théâtre privé dont il demeurera la figure emblématique. Il assistait avec une révolte inouïe et si salutaire à sa résistance face au mépris dont il devenait l’objet, le Théâtre privé fait songer à une île que l’océan Subvention submerge peu à peu. Ne permettons pas qu’à partir de sa disparition éventuelle ne s’engloutisse à jamais cet espace de liberté, seul capable d’assumer la mission de perpétuel renouveau du Théâtre vivant.

Tant qu’il se trouvera des femmes et des hommes assez désintéressés et tenaces pour maintenir haut les valeurs essentielles que constitue la confrontation entre le dialogue et l’interprète, en dépit des obstacles que les crétins placent sur son chemin, nous pouvons espérer que l’enthousiasme l’emportera sur l’indifférence, même si les « énarchiens » des tutelles ignorent l’importance du Théâtre privé dans l’histoire de la dramaturgie, même si les culs lécheurs de publicistes des chaînes publiques, ordonnateurs de la médiocrité télévisuelle préfèrent le spectacle tout à l’égout, à la littérature et aux arts, « persévérer, persévérer, persévérer » doit être notre verbe leitmotiv, et pour surmonter les découragements il nous suffira peut-être d’évoquer le courage de Georges HERBERT qui ne plia jamais devant les oukases.  Merci Georges pour l’exemple que tu nous lègues.
Pierre FRANCK

Georges Herbert, c’est comme le Père Noël mais comme il est distrait, il se trompe parfois de cheminée.
Avec la tête de l’Oncle Vania, la barbe fleurie et l’oeil vif, le voyageur infatigable court la province, la Belgique, la Suisse et parfois même l’Autriche et l’Afrique ou le Canada pour distraire un public abonné ou différent, amateur de grand texte, friand de comédie, impatient de rire ou de pleurer. Le vieux magicien essaye chaque année de sortir de son chapeau le spectacle triomphant à Paris qui pourra dans les villes de la France profonde donner la vraie image de qualité.

Tout jeune il voulait être acteur, c’est pourquoi il les aime tant. Régisseur dans son adolescence, il respecte le travail des ouvriers de la scène curieux, attentif, pressé, il vit comme il conduit, en zig-zag. Insaisissable, secret, gourmand, Georges Herbert n’existe que pour le Théâtre, il l’aime passionnément comme une maîtresse. Sa rigueur ou son exigence ne laisse à personne le soin de décider, jaloux de son autorité, il est le plus fidèle des amis. Malin comme un paysan madré, il devient un peu plus sourd quand on lui parle argent ou bénéfice, mais il fait le bien clandestinement, sa générosité reste silencieuse et discrète.

Georges Herbert dirige le Théâtre de l’Œuvre qui fut celui de Lugné-Poe : Maeterlinck, Ibsen, Jarry, Gide et Claudel en furent les auteurs heureux et puis avec Lucien Beer : Crommelynck, Jean Anouilh, Salacrou, Cocteau et Marcel Achard s’y succédèrent avec succès.

En 1960 avec Pierre Franck et en 1975 avec la complicité de Georges Wilson, le maître tourneur invita les plus grands comédiens français la rencontre Pierre Fresnay – Pierre Dux fut éblouissante, Edwige Feuillère ou Elvire Popesco, Pierre Brasseur ou Michel Simon, Suzanne Flon et Jacques Dufilho furent les compagnons de voyage de ce matelot du plaisir. Ami et confident de Marcel Achard, il porte ses lavallières, Georges Herbert le bûcheron au coeur tendre est un sentimental, il protège la nature et les animaux. Rassembleur de talents, il défend avec ardeur les salles privées ( de tout ). Secrétaire Général de l’Association des Théâtres, le vieux soldat monte la garde auprès du Président et protège fiévreusement, nos droits à la liberté. Partagé entre la Ville et l’État, le Combattant ne se laisse jamais écraser.

Cet homme de bonne volonté, amoureux des femmes et du Théâtre, parfois maladroit dans les compliments, difficile dans les contrats, excessif et sensible, n’est heureux que dans les coulisses, les loges ou dans une salle. Georges Herbert a compris depuis longtemps que ce sont les provinciaux qui font Paris.
Jean-Claude BRIALY

J’ai eu l’imprudence d’écrire naguère : « Si on pouvait mourir tous les jours… on n’aurait que des amis ! ». Heureusement je fais partie de ceux qui, lorsqu’il était là, aimaient bien Georges Herbert, ce qui me permet, aujourd’hui qu’il est absent, d’en dire sans complexe tout le bien que j’en pense… Ainsi que le mal.
Si j’avais deux ou trois heures pour évoquer le souvenir de Georges Herbert, je vous aurais parlé de ses défauts. Mais en quelques minutes j’ai juste le temps, de vous parler de ses qualités. Plus précisément de sa qualité : celle, que même ses détracteurs lui reconnaissaient de son vivant et d’où découlaient toutes les autres : sa passion pour le Théâtre. En effet à cause d’elle – ou mieux grâce à elle – il fut capable de tous les courages, de toutes les patiences, de toutes les générosités. Et même de tous les aveuglements avec une paradoxale lucidité. Maître du dérapage verbal contrôlé, il lui est arrivé parfois de vouer tel ou tel artiste aux gémonies et de proclamer haut et fort que « Jamais, jamais plus, il n’engagerait ce con ! », puis d’ajouter aussitôt dans sa barbiche : « Sauf, bien sûr, si j’ai besoin de lui ! ». C’est ce qu’on appelle de nos jours, appliquer le principe de précaution.

Comme de nombreux amoureux du Théâtre, il a d’abord ambitionné de le servir en tant que comédien. S’étant aperçu très vite que de cette manière il le desservirait plutôt, il a changé son fusil d’épaule et a poursuivi dans l’ombre le même combat. Il s’est contenté de jouer la comédie à la ville. Comme nous tous plus ou moins, mais avec plus de talent que beaucoup.

Je citerai pour mémoire, parmi les rôles où il excella, celui du directeur qui convainc un auteur que c’est dans son intérêt qu’il ne va pas monter sa pièce, ou un acteur qu’il ne va pas l’engager.

Le rôle du tourneur qui en face d’une vedette chipotant sur l’itinéraire, lui affirme que finalement on ne met pas plus de temps à faire Strasbourg – Perpignan que Paris – Orly un vendredi soir.

Le rôle du séducteur illusionniste qui laisse croire aux alouettes des coulisses qu’il va leur sortir un rôle de son miroir.

Le rôle de l’homme d’expérience – qui a connu Jouvet – et qui jure ses grands dieux à un débutant que le petit rôle qu’il lui propose se verra plus que le grand qu’il convoite et sera surtout plus payant, façon de parler évidemment !

Mais, le rôle où il m’a le plus amusée, c’est celui de complimenteur enthousiaste, les soirs de générale à l’issue d’un spectacle où il n’était pas le seul à s’être endormi. Il mentait avec, si je puis dire, une franchise désarmante qui aurait pu lui valoir lors des remises de récompenses corporatives à la fois le Molière des Tartuffes et l’Oscar des sincères.

Comme je suis moi-même assez peu douée pour ce genre de performances, j’aimais me faufiler près de lui, pour essayer d’en prendre de la graine. Admirative je l’entendais en coulisses s’exclamer dans la loge de la vedette féminine: « Ah! Ma grande ! Tu n’as jamais été aussi bien ! ». Après quoi, en sortant de la loge, il me confirmait dans le tuyau de l’oreille: « C’est tout à fait vrai ! D’habitude, elle est encore plus mauvaise ! »

Dans un registre très différent et plus sérieux, j’ai eu l’occasion d’apprécier particulièrement le talent de Georges Herbert lors de notre dernière traversée commune. J’emploie à dessein le mot « traversée » car pour moi, une pièce de théâtre est comparable à un bateau. Embarcation légère ou vaisseau puissant, il est fabriqué dans l’atelier de l’auteur – en l’occurrence sa tête – avec l’espoir qu’un jour il prendra la mer sans toutefois prendre l’eau, en dépit des intempéries plus ou moins nombreuses, plus ou moins rudes, qu’il est appelé à rencontrer. Mon bateau, avouons-le, n’a pas bénéficié d’une météo vraiment paisible. Du moins au départ. Mais Georges Herbert, en vieux loup de mer courageux, tenace et habile, traversa imperturbablement toutes les tempêtes puis profita d’une escale pour confier mon bateau à un grand capitaine de la navigation théâtrale, Georges Wilson, qui avec une minutie d’orfèvre en répara la coque, sans toucher au fond.
Merci à vous, merci à Georges Herbert de m’avoir donné la chance de vous connaître. Pour cela et pour tout le reste il mérite une place de choix dans la ronde bariolée, baroque, bruyante, cacophonique et pour tout dire plurielle que forment, du plus petit au plus grand, tous ceux que Jean Anouilh appelait avec attendrissement « les gens de la baraque ».
Françoise DORIN

Georges me manquera. Je me souviens avec nostalgie des moments que nous avons passés ensemble et la joie avec laquelle j’ai, grâce à lui, mis la première fois mes pieds sur les planches. Georges est un homme de foi, de passion, d’amour ; j’en rencontre si peu. Pour toujours, je garde sa vivacité et sa jeunesse comme exemples de bonne conduite pour nous les artistes si fragiles.
Sophie MARCEAU

Elle avait été sur la scène de l’Œuvre l’Eurydice d’Anouilh aux côtés de Lambert Wilson.
J’avais pour lui plus que de l’estime : de l’admiration ; et plus que des sentiments cordiaux : une affection vraie. Nous n’avons pas toujours été d’accord au moment où j’étais rue Saint-Dominique, mais nos différends ne nous ont jamais séparés sur l’essentiel : l’amour du théâtre et le respect dû au théâtre, à ceux qui allient le goût du risque à l’ambition artistique… Je mesure votre peine, chère France Delahalle. Me permettez-vous de vous dire que je la partage de tout coeur ? Et puis-je vous demander de transmettre mes condoléances à toute la profession, à travers le Fonds de soutien et le Syndicat des directeurs de théâtres ? Que la terre soit légère pour Georges, et que son souvenir inspire courage et foi à ses successeurs.
Robert ABIRACHED

J’ai toujours aimé l’énergie de Georges et souvent partagé ses goûts. Je n’oublie pas tous les soins qu’il avait mis à monter La Controverse … Gardons ensemble le souvenir vivant d’un véritable homme de théâtre, et imitons-le.
Jean-Claude CARRIERE

… Je salue l’intacte générosité de Georges Herbert à travers les orages qui ont parfois grondé entre nous. La SACD salue un grand directeur si volontaire, si passionné, si imaginatif, au moment où il va quitter son bateau. Elle salue le flamboyant homme de théâtre qui a su, pour son juste orgueil et notre juste reconnaissance – détecter tant de talents d’auteurs.
Claude BRÛLE, alors Président de la SACD message de 11/95

À la faveur d’un engagement total Georges Herbert a hautement contribué, à travers les tournées, à promouvoir l’art théâtral, en France comme à l’étranger. Il a su donner toute son identité au Théâtre de l’Œuvre en le dotant d’une programmation ambitieuse et en y accueillant des comédiens de grand renom.Ses talents de dirigeant suscitaient la confiance et le respect d’une profession qu’il défendait et qui se voit ravir l’un de ses plus éminents représentants. Il me tenait à cœur de saluer sa mémoire et de m’associer à votre deuil.
Jean TIBERI, Maire de Paris à l’époque

Nous sommes tristes, il a fait partie de notre vie et nous avons de si bons souvenirs ensemble.
Nita et Michel SERRAULT

Je l’aimais pour son intégrité, sa colossale vitalité, son amour inégalable du théâtre, sa belle constance en amitié. Je lui dois des pièces et des voyages magnifiques. Il emporte avec lui la stature du grand directeur.
Henri GARCIN

J’apprends avec une profonde tristesse la mort de Georges Herbert. Avec lui disparaît une grande figure du théâtre en France. Son nom restera lié à celui des galas Karsenty-Herbert et aux grandes heures du Théâtre de l’Œuvre, dont il fut le Directeur attentif et passionné
Catherine TASCA, Ministre de la Culture

Je n’ai pas oublié la confiance qu’il m’a faite lorsqu’à deux reprises en été, en 1986 et 1987, il m’avait permis de monter mon spectacle Grand-Père Schlomo pendant la vacance de Georges Wilson, à des conditions d’une folle générosité. Il y croyait ! C’était un personnage, un des grands seigneurs de ce métier.
Lionel ROCHEMAN

Georges était pour chacun de nous non seulement le plus ancien et le plus important des tourneurs, mais aussi sans doute celui qui méritait le mieux le titre d’entrepreneur de spectacles. Sa quête perpétuelle de projets nouveaux, sa capacité de travail, sa volonté d’action, ses combats pour la défense de notre profession, resteront dans nos mémoires comme un vivant modèle.
Jean Claude HOUDINIÈRE, Président du SNES

Il a si bien incarné la passion du théâtre, il a si bien servi le théâtre, toujours attentif à la qualité, à l’humanité qu’il devait affirmer. Défenseur généreux du métier mais aussi des grands idéaux dont son art avait, dans son esprit, la mission de diffuser.
Paul-Louis MIGNON

Notre chagrin est à l’égal de l’immense bonheur et l’immense succès que nous avons connu ensemble.
Colette BROSSET et Robert DHERY

J’aimais Georges. je lui dois ma reconversion. Je ne l’oublierai jamais.
Line RENAUD

Ma plus belle image peut-être c’est Georges à notre congrès international du théâtre en Mai dernier à Marseille. Luttant avec le sourire contre la canicule, la fatigue, il était là : superbe, aussi passionné qu’à vingt ans, aussi précis, – aussi amusé, aussi pudiquement ancré dans sa volonté de servir le théâtre jusqu’au bout.
Les BRULE

Malgré les incompréhensions qui ont toujours rendu difficiles les relations entre les gens de théâtre et la critique, je garde des échanges avec Georges Herbert un souvenir très précieux. Sa bonté, son talent à communiquer, son sourire, comptaient énormément dans le plaisir de venir à l’Œuvre, de vous croiser aux générales. C’est une grande figure de la passion théâtrale qui disparaît et va manquer à tous.
Bertrand POIROT-DELPECH

Attristée par la disparition de celui qui emporte avec lui tout un pan de mes souvenirs. Je suis sûre que Georges va créer, « autre part », un théâtre des ombres avec la passion que nous apprécions.
Françoise DORIN

Le théâtre qui perd un ami, un être précieux, un homme de combat, était sa vie et l’amour qu’il lui portait était sans bornes !
Hélène et Bernard REGNIER, Directeurs du Théâtre de la Porte Saint-Martin

En s’engageant dans la folle aventure du théâtre, Georges Herbert avait choisi, comme nous tous, la voie du risque, mais aussi celle de l’émotion des émotions intenses sans cesse renouvelées, celle qui laisse des souvenirs. C’est un des nôtres qui s’en va.
Bureau national du SFA

Pour beaucoup de comédiens comme pour moi, c’est une part de notre vie qui vient de s’en aller. Il nous a donné l’amour de notre métier et l’envie de l’exercer en bon artisan.
Marcel CUVELIER

J’ai fait auprès de Georges un grand bout de route et j’en garde de merveilleux souvenirs. Je penserai à lui souvent, avec tendresse.
Suzanne FLON

Toutes les occasions qui m’ont été données de rencontrer Georges ont beaucoup compté pour moi, et j’ai particulièrement apprécié la proximité et le soutien actifs et amicaux pendant ma présidence du Centre Français du Théâtre. Je n’oublierai jamais sa joie et sa passion lors du Congrès de Marseille : il était radieux car, avec lui, nous étions parvenus à réaliser une sorte d’utopie. C’était un homme de grande classe, combatif, généreux et sensible: un vrai patron de théâtre.
Pierre SANTINI – Ancien Président du Centre Français du Théâtre – Président de l’Adami

J’aimais beaucoup Georges qui, dans notre métier, était d’un courage, d’une fidélité et d’une amitié que j’appréciais énormément. Il le savait, je l’espère.
Marcel MITHOIS

C’était en 1942. Élève chez René SIMON, j’apprends que Solange SICARD met en scène une comédie musicale au Théâtre de l’Avenue ( 5, rue du Colisée, aujourd’hui disparu ) Je me précipite chez elle, dans son grand studio des Champs-Élysées. Je suis engagé dans le petit rôle de LEBOCK. Les répétitions commencent. La distribution comprenait 24 comédiens, dont Mathilde CASADESUS, André VALMY, Jacques SOMMET.
Le producteur, qui était le père de l’auteur Claude ACCURSI, avait loué le Théâtre de l’Avenue sans régisseur. Il nous en fallait donc un. Solange SICARD téléphone au Syndicat des Régisseurs, et le lendemain, nous voyons débarquer un grand homme mince, qui avait les pieds nus dans des spartiates. C’était Georges HERBERT, qui ne respirait pas l’opulence. Il est donc engagé en qualité de directeur de scène. La « conduite » exigeant de nombreuses interventions, il demande un second régisseur. Pour d’obscures raisons qui ne m’ont laissé aucun souvenir, je passe du rôle de LEBOCK à celui – muet – du tavernier ( je devais sans doute ne pas être très bon dans LEBOCK ) et je deviens régisseur en second, assistant d’HERBERT.

Ce fut un « bide » et nous n’avons donné que les trente représentations syndicales, à une époque où les théatres connaissaient un taux de remplissage jamais égalé. Et pourtant le spectacle était particulièrement soigné – musique de Johnny HESS, costumes de Christian DIOR …. À cette époque, la comédie musicale était bien loin d’avoir trouvé son public.

Le parcours d’HERBERT est tout-à-fait exemplaire : régisseur à l’Athénée, puis créateur-directeur du Théâtre La Bruyère, il fonde ensuite les tournées Georges HERBERT, concurrentes directes des célèbres Galas KARSENTY. Après plusieurs années et la disparition du troisième grand tourneur, France-Monde Productions d’Elvire POPESCO et Hubert de MALET, les Galas KARSENTY et les tournées Georges HERBERT fusionnent pour devenir les Galas KARSENTY-HERBERT. Il n’y avait en effet plus de place pour trois, ni même pour deux, tant l’exploitation des tournées était devenue aléatoire.
Il prend également la direction du Théâtre de l’ŒUVRE, où sa programmation restera toujours de très grande qualité.
Durant près de cinquante ans, mes rapports avec lui ont été de deux espèces: en qualité d’administrateur – puis de directeur – lorsqu’un spectacle créé chez moi partait chez lui, ensuite en qualité d’auteur puisqu’il a produit en province et à l’étranger plusieurs de mes pièces, Et ta sœur, La Berlue, La Menteuse, Cher Trésor. C’est dire si, durant un demi siècle, nos destins n’ont cessé de se croiser.
Ma rencontre avec Georges HERBERT, par Jean-Jacques BRICAIRE