Discours de Serge Bouillon, Président d'honneur de l'A.R.T, ayant-droit de Jacques Hébertot
En mon propre nom et en celui de tous ceux qui ont connu et aimé Jacques Hébertot, je veux d'abord remercier Monsieur le Maire de Paris et son Conseil qui, sur proposition de Madame Brigitte Kuster Maire du 17ème et de Monsieur François Lebel, Maire du 8ème arrondissement que j'avais sollicités, ont accepté de donner, à cet espace arboré et poétique face au Théâtre qu'il a tant aimé, le nom de ce grand Normand, ce grand Jacques de haute taille disait son ami Apollinaire, qui a tant fait pour le rayonnement international de la capitale.
J'ai, pour la nième fois tenté de me pencher sur l'œuvre immense de ce personnage hors normes. Puis, j'ai relu l'article que Bertrand Poirot-Delpech avait fait paraître dans Le Monde, au lendemain de son décès. Il m'asemblé qu'on ne pourrait mieux dire.
Je cite donc :
« Il y avait du prince de la Renaissance dans ce colosse tyrannique et altier, dans ce conteur précieux, aimant qu'on lui fasse cour. Il y avait aussi une vraie chaleur, une culture immense et une carrière qui répondait de son amour pour le meilleur théâtre, de son appartenance à la grande génération des découvreurs.
Écrivain, critique, acteur à l'occasion, metteur en scène, Directeur dès 1920 du Théâtre des Champs-Élysées, c'est lui qui a aménagé le petit Studio de l'avenue Montaigne pour donner ses chances à un certain Gaston Baty ; C'est lui qui a fait recueillir Louis Jouvet, évadé du Vieux-Colombier.
C'est lui qui a reçu pour la première fois le Théâtre Artistique de Moscou, avec La Cerisaie, et qui a imposé tour à tour, Cocteau, Jules Romains – notamment Knock - , Claudel, son ami Gide, sans négliger pour autant de servir Molière, ou Alexandre Dumas.
Après la guerre, la salle des Batignolles, à laquelle il a donné son nom dès 1940, devient un des hauts lieux du Théâtre d'Art. C'est là qu'on va applaudir longuement Edwige Feuillère et Jean Marais dans l'Aigle à deux Têtes, qu'on va découvrir ensemble dans Caligula un auteur nommé Camus et un débutant lumineux appelé Gérard Philipe, c'est encore au « Maître » qu'on doit la création d'œuvres comme Les Justes, Dialogues des Carmélites, Le Maître de Santiago, La Condition Humaine, Miracle en Alabama.
Dans le même temps défilaient sur ses affiches les plus grands comédiens de trois générations.
(…) C'est sous sa protection tutélaire et seigneuriale que Maurice Béjart a tenu à expérimenter sa Reine Verte, que Claude Régy, avec le fameux trio Seyrig, Bouquet, Rochefort, a imposé en France l'humour de Pinter – La Collection L'Amant.
La mort du Maître fait l'effet d'un très vieil arbre qui s'abat au fond d'un parc de famille. Cette fois, ça y est, le Théâtre de l'Élite n'existe plus. »
De son côté Stève Passeur affirmait : « ... Jacques Hébertot a gardé la force de caractère de travailler comme un forcené pour l'Art Dramatique en restant à l'arrière plan, en ne privilégiant aucune esthétique, en ne devant rien à personne, en ne devenant l'adjudant d'aucune chapelle ! »
On lui doit aussi la publication dès 1920 d'une série de revues de spectacles dans lesquelles on relève les signatures de Louis Aragon et de René Clair...
Dans les années 50, une tentative de faire de la station thermale de Forges les eaux qu'il venait d''acheter, un centre d'Art international, et le lancement d'Artaban, hebdomadaire de la fierté nationale...
Je suis persuadé que cet espace historique, puisqu'à cet endroit même s'élevait le mur des Fermiers Généraux, accueillera, comme il se doit le souvenir de cet homme, qui, sa vie durant, avec une folle audace, porta aussi au Théâtre les œuvres de douze Prix Nobel de Littérature, avant même que la plupart n'aient n'été distingués.
Serge Bouillon
Président d'honneur de l' Association de la Régie Théâtrale