12
Le retour au théâtre

Pour sa résurrection, ce fut une fois de plus la Comédie des Champs-Élysées qui accueillit Jean Anouilh. Le 13 novembre 1968, le rideau se levait sur Le Boulanger, la Boulangère et le petit mitron. Après s’en être pris à la lutte des classes comme dans La Grotte, cette fois Anouilh s’attaquait à la mésentente des couples, criailleries conjugales, désirs de séparation… entrainant le désespoir d’un petit garçon qui aurait tant aimé avoir un gentil papa et une tendre maman. Ils se seraient aimés et ils l’auraient aimé… alors que dans ses cauchemars d’enfant, tantôt ses parents s’entretuaient comme des héros de Western, tantôt, ils se transformaient en Louis XVI, Marie Antoinette et le petit Dauphin, avant que ceux-ci ne finissent tragiquement.

Le Boulanger, la boulangère et le petit mitron
affiche de Jean-Denis Malclès
Collections A.R.T.

Grâce à son sujet relativement facile, Anouilh pensait que cette pièce ouvrirait une nouvelle voie dans sa carrière. « J’espère qu’on rira ! Mais elle ( la pièce ) marque aussi un virage pour moi : elle s’achève sur quelque chose d’assez grave. D’une gravité qui m’est assez nouvelle… » 1 mais: « … le public n’a pas réagi comme je l’avais prévu… ». 2

Non, en effet, si l’on s’en remettait à François-Régis Bastide cherchant à traduire la pensée de l’auteur soi-même : « Il n’y a que les vaudevilles qui soient tragiques. Il n’y a que Feydeau qui ait bien parlé de la condition humaine (…) Voilà pourquoi je vous ai condamnés tous, cochons de Français, cochons de payants, à écouter ma pièce, ma caleçonnade devant un lit. Vous avez écouté.Vous avez ri. Vous avez cru que c’était du théâtre comme d’habitude, c’est ce que je voulais… (…) Moi, Jean Anouilh, je vous dis que la vie est ignoble ». 3

Tout en reconnaissant le talent exceptionnel d’ Anouilh, certains critiques se montrèrent déçus : « De l’auteur de tant de chef d’œuvre, on attendait mieux que cette nouvelle larme sur l’enfance vouée aux salissures, ressassement où se gâchent ses dernières œuvres ». 4 D’autres pourtant se sentirent touchés, ainsi J.C. Dumoulin dans La Tribune des Nations : « Dans toute sa cruauté, il y a une immense tendresse ».

Relevé de mise en scène original du Boulanger, la Boulangère et le petit mitron
Collections A.R.T.

voir la page consacrée aux relevés de mise en scène dans les collections de l' A.R.T. consacrée à Jean Anouilh

1 Interview par Claude Cézan Les Nouvelles littéraires 14 novembre 1968
2 Extrait de la thèse de Rokala Gabr La double vision dans le théâtre de Jean Anouilh 1980
3 François –Régis Bastide Au Théatre certains soirs Éditions du Seuil 1972
4 Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 11 novembre 1968

Haut de page