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Jean Anouilh ne peut se passer de Jean Anouilh

Infatigable, Jean Anoulh entreprit la composition de sa quarante-quatrième pièce : Le Nombril, qui sera mise en scène au Théâtre de l’Atelier et jouée à partir du 25 septembre 1981. Ce spectacle avait un goût de « revenez-y ». Encore une fois, la pièce mettait en scène un auteur dramatique, livré à sa famille, égoïste et profiteuse. Malade, grincheux, il n’avait qu’un désir : régler ses comptes avec les autres et ne plus s’intéresser qu’à sa propre personne, ainsi que le concluait la dernière réplique : « Finalement on n’écrit que pour soi ! ».

Le Nombril
Jacqueline Holtz, Françoise Brion, Erick Desmarestz, Anne Deleuze, Georges Caudron et Bernard Blier
(photo Patrick Lalande)
Coll. part. Erick Desmarestz

En allant voir une pièce de Jean Anouilh, le public et les critiques savaient à l’avance ce qui les attendait : de l’aigreur, de la rancune, de l’incommunicabilité des êtres. Cela n’empêcha pas Jean-Jacques Gautier de s’enthousiasmer : « Il est le seul à pouvoir faire ce qu’il a merveilleusement réussi là : une pièce d’une absolue franchise, d’une superbe lucidité (…) c’est effrayant ou ce pourrait l’être et pourtant ne cesse d’être d’un comique intense, une verve ineffable, inégalable… Le Nombril c’est tout Anouilh et c’est Anouilh qui se dépasse ». 1

Le Nombril
dessin de Jacques Faizant
Collections A.R.T.

Le Nombril fut la dernière pièce jouée du vivant de son auteur

Le 20 octobre 1979, La Belle Vie, pièce écrite en 1974, fut diffusée sur Antenne 2, dans une réalisation de Lazare Iglesis. Au cours de la Révolution Française, un valet de chambre, devenu commissaire du peuple auprès des autorités gouvernantes, eut sous sa coupe son ancien maître, un aristocrate.

Ce retournement de situations permit à Anouilh de régler les comptes à la fois aux aristos odieux et prétentieux, ainsi qu’aux révolutionnaire bornés et cupides.

Mise en scène en avril 2012 au Théâtre des Variétés, La Belle Vie fut accueillie par un public fidèle qui se reconnut dans la critique de Philippe Tesson du Figaro Magazine :« La satire est menée à gros traits et n'épargne personne, les révolutionnaires, ni plus ni moins que les aristocrates. La pièce n'est pas vraiment idéologique, la fable pas vraiment morale, on est dans la férocité au premier degré. Il y a de bons moments à la Feydeau et quelques répliques ou quelques tableaux tordants ».

L’année suivante, Jean Anouilh fut victime d’un infarctus du myocarde, alors que retiré depuis une trentaine d’année à Pully, tout près de Lausanne, il continuait à écrire, retravaillant un scénario de cinéma Thomas More ou l’Homme libre pour en faire une nouvelle pièce dans laquelle devaient s’affronter Thomas More et Cromwell. Il n’eut pas le temps de la terminer. Le 3 octobre 1987, il fut emporté par une crise cardiaque à l’âge de soixante-dix sept ans.

« Si Jean Anouilh répugnait à entendre parler de sa biographie, raconta Jean-Jacques Bricaire, il l’a prouvé d’une façon originale et inattendue lorsque je suis allé rendre visite à sa fille Colombe le 17 novembre 2006 afin d’obtenir quelques précisions sur des dates concernant la vie privée de son père.

Elle y mettait beaucoup de réticence en me précisant : « Papa m’a dit: si tu fais ou dis des choses qui ne me plaisent pas, je viendrais la nuit te tirer par les pieds ». Je parvins néanmoins à la convaincre et elle me proposa de me communiquer le livret de famille de son père, afin de démentir certaines assertions figurant dans les ouvrages qui lui étaient consacrés. Lorsqu’elle est revenue avec le document, au moment de me le remettre, nous avons entendu derrière nous un grand bruit : un immense tableau s’était décroché du mur, et, en tombant sur une petite table, avait fait valser tous les objets qui s’y trouvaient. « « C’est le tableau que Papa m’avait offert pour mon mariage ». Inutile d’ajouter que, troublée par ce message insolite, elle a rangé le livret de famille ».

1 Le Figaro 14 novembre 1981

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