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L’Écrivain et le Peintre Audiberti
Dorénavant les manuscrits ne porteront plus que le nom Audiberti, Jacques a disparu. Pourquoi ? Mystère. L’auteur se regarde-t-il comme un personnage étranger à lui-même ?
Conjointement à l’écriture, Audiberti s’adonne à la peinture. Il n’est pas un texte - roman, comédie, poème - qui ne porte en additif un ou plusieurs dessins exprimant le vouloir dire poétique de l’auteur. Certes celui-ci n’espère pas faire une carrière à la Picasso , mais il ne manque pas de talent Certaines galeries s’intéressent à ses œuvres et organisent des expositions fort courues par les amateurs d’art.

En 1953, Georges Vitaly quitte la rive gauche pour devenir directeur du théâtre La Bruyère. Audiberti lui propose un nouvel ouvrage, inspiré d’un fait divers récent et scandaleux : Les Naturels du Bordelais. Il y a dans le manuscrit comme un relent du Mal Court, en beaucoup plus scandaleux et désespéré.

Georges Vitaly, Jacques Audiberti, et Mme Vlasto,
co-directrice du La Bruyère
(photo DR)
Coll. part.
Après une adaptation de La Mégère Apprivoisée au Théâtre de l’Athénée, avec Pierre Brasseur dans le rôle de Petruchio, Audiberti signe un contrat pour deux spectacles chez Georges Vitaly. Le premier concerne une comédie, Le Ouallou, créé en mars 1958. En langage antibois ouallou signifie le mitard. Dans un pays imaginaire, on y enferme les chefs de police suspects. Ces fripouilles, soudoyées par des bandes de truands, sont expédiées au trou à un rythme si accéléré que le dernier policier de la série se condamne lui-même, sans être accusé de quoi que ce soit. Les articles de presse font état d’humour sardonique, de férocité apprêtée et satirique, de langage précieux et argotique. Renvoyant les critiques à leur dictionnaire, Audiberti leur répond : « Mon langage est coruscante ».

La Hoberaute
Daniel Ivernel, Françoise Spira et Jean Le Poulain
vue par Garcia
Interviewé dans l’hebdomadaire Arts en juin 1959, Audiberti déclare : « Les formes théâtrales qui ont joué un rôle dans mon œuvre ne sont pas celles du Théâtre, mais celles de l’Opéra et de l’Opéra-Comique ». Ainsi présente-t-il son prochain spectacle, La Hobereaute, monté par Jean Le Poulain au Vieux Colombier : Un « Opéra parlé ».
La seconde pièce retenue par Georges Vitaly sera jouée au La Bruyère en septembre 1959. Elle s’intitule : L’Effet Glapion.

Jacques Dufilho, Georges Vitaly et Jacqueline Gauthier
pendant les répétitions de L' Effet Glapion
fonds Georges Vitaly
(photo Marie-Claire)
Collections A.R.T.
À la sortie du théâtre, le public est heureux, il vient de découvrir une nouvelle thérapie permettant aux rêves amoureux, jusqu’alors illusoires, de se réaliser. Audiberti s’explique sur la portée de sa pièce : « Un vaudeville ? Sans doute. Vous trouverez là le mari, la femme et l’autre. Et si l’adultère ne s’étale pas tout au long des actes, la tête de celui des deux qui n’est pas le mari, fleurira tout de même, couronnée de ces échafaudages illusoires, fantastiques et romanesques que la rêvasserie féminine, dans l’oisiveté provinciale, aurait coutume de tricoter ».
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L'Effet Glapion
de g. à d.: J. Gauthier, M. Roux, J. Dufilho et J. Audiberti
Dessin de Ben
Quand une femme d’un certain âge, sans gros moyens financiers, se sent seule dans un grand appartement, pourquoi ne prêterait-elle pas, contre une petite somme d’argent, une chambre à un étudiant, à un célibataire ou à un étranger de passage à Paris ? Sur ce thème de la Logeuse, un auteur de boulevard s’en donnerait à cœur joie de traiter les situations ambiguës et polissonnes. Il en va tout différemment chez Audiberti.

La Logeuse
Jacques Duby et Lila Kedrova
(photo Roger-Viollet)
Allusion au procès de Pauline Dubuisson qui venait d’être condamnée pour le meurtre de son jeune amant.
Arts - 9 septembre 1959
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