Marcel Aymé naît le 29 mars 1902, sixième enfant de son père Faustin, maréchal des Logis en garnison
à Joigny. Sa mère, née Emma Monamy décède le 18 juillet 1904. Il est recueilli à deux ans par ses
grands parents maternels à la Tuilerie de Villers-Robert, famille dans laquelle il trouvera beaucoup
de chaleur et d’affection, et à laquelle il restera toujours très attaché. Les nombreux animaux de la
Tuilerie firent partie de l’univers quotidien du petit Marcel. On les retrouvera sous sa plume dans
les célèbres Contes du chat perché. Enfant, il se révèle très bon dessinateur et caricaturiste. Il trace
des croquis sur ses cahiers d’écolier, ce qu’il continuera à faire plus tard sur ses manuscrits, dans lesquels
on trouvera beaucoup de termes franc-comtois entendus dans son enfance.
C’est à la Tuilerie qu’il
écrira son premier roman-comtois : La Table aux crevés.
À partir d’octobre 1910, il est élève au collège de l’Arc, à Dôle. En juin 1918, le proviseur le
présente comme un élève d’une intelligence très vive. En terminale, il se classe premier en math,
deuxième en français, histoire et sciences naturelles. Baccalauréat en juillet 1919, à 17 ans. Toutefois, plus tard,
il a toujours tenu à se faire passer, durant ses études, pour un cancre. « La guerre de 14 fit de moi
pendant trois ans, le dernier des cancres ». Bon élève, donc, mais toujours prêt à faire des blagues
ou à participer à des farces. Après la mort de ses grands-parents, il est recueilli par son oncle
Alexis Monavy. Sa tante Léa fut pour lui « la plus vigilante et la plus tendre des mères ». Il se repaît
de lectures, découvrant au grenier une grande caisse pleine de livres.
Un jeune homme fragile
Après le bac, il part pour Besançon préparer math-sup afin de se présenter au concours d’entrée
à Polytechnique. Mais malade, il doit regagner Dôle début 1920, victime de la grippe espagnole.
Il entre comme stagiaire à la succursale de la Banque de France de Dôle, et tombe frappé d’une sorte de
crise d’épilepsie, le 1er décembre 1921. Il était déjà lymphatique et neurasthénique. On constate que
la syphilis qu’il avait contractée dans les tripots a été bien soignée et n’a pas laissé de traces. Le
diagnostic est une encéphalite léthargite grippale, résultat de la grippe espagnole, maladie qui affaiblit
les muscles de la face, de l’élocution, de la mastication, de la déglutition, et provoque des vertiges.
Ce qui explique pourquoi il voit double constamment et se sent si peu solide sur ses jambes. Il guérira,
mais conservera, toujours résultant de la grippe espagnole, ce ptôsis des paupières qu’on avait qualifié
de capotes de fiacre. Ces problèmes physiques, et ce risque de subir de nouvelles crises d’épilepsie
partielle expliquent peut-être sa timidité, sa réserve naturelle et sa réticence à se produire dans le monde.
En mai 1922, il part faire son service militaire à Neustadt, en Allemagne, au 129ème Régiment
d’Artillerie lourde. Rendu à la vie civile, il s’inscrit à la Faculté de Médecine de Paris et s’installe
rue Damrémont, dans ce 18ème arrondissement qu’il ne quittera plus.
Au physique, c’est un homme grand,
au visage marmoréen accompagné d’un léger sourire, les yeux mi-clos, qui ne parle que rarement.
Ses silences étaient célèbres. On a parlé de son langage des silences. Il a été défini tour à tour
de « visage indéchiffrable de Bouddha », « grand taiseux », « longue figure de bois sculpté, totem aimable », « flegmatique et taciturne », « anar de droite », « défenseur des traditions et ennemi des conventions », « réfractaire passif », « long, stylisé, hiératique », « il a l’air d’un Saint de pierre du XIIème siècle »,
« profil émacié, haute face d’écorce et yeux en meurtrière », « ciseleur de monosyllabes », les adjectifs
ne manquent pas. « Il était perdu dans vos pensées » a écrit Antoine Blondin.