10
Quelques pièces
TCHIN-TCHIN
Analyse
L’alcool n’est en réalité qu’un prétexte. Une Anglaise et un Italien, délaissés par leurs époux respectifs (de nationalité française) échangent leurs impressions sur leur situation nouvelle. Ils boivent pour s’exalter et surtout parce qu’ils ne savent pas de quelle façon s’accrocher à la vie (texte de l’auteur).
Critiques
« Un texte qui paraît simple et qui est infiniment et qui est infiniment savant dont l’humour au second degré rappelle Les Dialogues exemplaires de Laforgue et certaines Fables quotidiennes de Max Jacob ».
Max Favalelli Paris-Presse 28 janvier 1959
« C’est un jeune auteur. J’ignore s’il a autre chose à dire. Ici, en tous cas, éclate sa sincérité. J’ai même cru déceler dans son ouvrage une sincérité intérieure ; cette « immanence » si rare au théâtre oui, cela mérite d’y aller voir….Je ne vous dis pas que vous n’en sortirez pas écœure comme moi, par la vue de ces gens qui boivent, qui pintent, qui sirotent, qui se pochardent, qui mélangent le rhum, le vin rouge, le whisky, le cognac, et titubent et flageolent, et trébuchent, et soliloquent d’une voix pâteuse. Mais… ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 28 janvier 1959
« Les personnages parlent et boivent en parlant. Et la boisson devient entre eux ce bien indestructible, fort comme un amour, et qui les attache l’un à l’ autre jusqu’à dans la déchéance des clochards. C’est tout. C’est une passionnante soirée de découverte que l’on passe au Théâtre de Poche... ».
Jacques Lemarchand Le Figaro Littéraire 14 février 1959
« Vaine, souvent désagréable, parfois révoltante, l’entreprise de Billetdoux, aurait peut-être plus d’écho sur les ondes. Mais subsisteraient sa noirceur foncière et cette hantise à nos yeux condamnables des paradis artificiels. Oserai-je sans qu’on me soupçonne de partialité signer cet article ? …Quoi qu’il en soit, (son) œuvre, où se mêlent humour noir et considérations pessimistes, nous a, profondément, ennuyé et déplu ».
Jean Vigneron La Croix février 1959
« C’est un chef d’œuvre, un miracle de tendresse et d’ironie. On l’écoute, on le déguste avec une joie qui n’en finit pas. Chaque réplique nous touche, chaque mot fait vibrer en nous la même corde du rire et des larmes. On est « enchanté » (…) Voilà un spectacle qui tranche sur tout ce qui nous a été offert depuis le début de la saison. Voilà une chanson qui va au cœur et que le cœur n’oubliera pas. Nous avons un nouveau poète de théâtre. Quelle magnifique récompense pour le Théâtre de Poche ».
Morvan Lebesque Carrefour février 1959
COMMENT VA LE MONDE, MOSSIEU ?
Il TOURNE, MOSSIEU !
Analyse
Deux déportés libérés, un ouvrier français, bavard, brouillon, gavroche quelque peu anar et un gros texan, ardent défenseur du temple et de la bannière étoilée, égoïste et préoccupé de sa seule subsistance n’ont rien en commun pourtant ils effectueront ensemble une longue marche, un véritable chemin de croix de trois mille sept cent trente cinq kilomètres. les conduisant de Silésie au Texas en passant par la banlieue parisienne. Au cours de leur périple sont évoqués les thèmes éternels de la Liberté, des rapports entre les individus, la condition de l’Homme dans l’univers…
Critiques
« De ce monceau de paroles insignifiantes, finit par se dégager une sorte de vision du monde et des êtres qui sont opaques, ennuyeux, antipathiques, mais auxquels on s’attache. De cet amas de mots finit par s’élever une petite poésie..
Dire que j’ai aimé Comment va le Monde, Môssieu ? serait beaucoup dire. À la vérité, je me suis ennuyé, mais comme on s’ennuie à un opéra moderne où il n’y a que des récitatifs et pas de mélodie ».
Jean Dutourd France-Soir 13 mars 1964
« Un spectacle qui n’est ni facile, ni simple. Sa structure cinématographique, ses images, ses données appartiennent aux jours d’aujourd’hui, théâtralement, humainement et philosophiquement, que l’on soit d’accord ou pas avec cette philosophie. La pièce respire l’air de notre temps, notre atmosphère viciée, porteuse de germes, nos obsessions... Le fait que Billetdoux n’ait pas essayé d’esquiver le réalisme demandait de sa part beaucoup de précision dans les idées. Quand on parle clair. Or, même sa métaphysique a de la chair et les os des hommes d’aujourd’hui. Il tourne Môssieu ! est une pièce ambitieuse qui veut dire beaucoup et qui le dit ! ».
Elsa Triolet Les Lettres Françaises 19 mars 1964
« François Billetdoux a écrit là, non seulement son Voyage au bout de la Nuit, mais sa Divine Comédie, Fin de Partie et aussi L’Opéra de quat’ronds (sic). Oreilles prudes s’abstenir. Amateurs de beau langage aussi ».
Paul Morelle Libération 13 mars 1964
« François Billetdoux, grand alchimiste du verbe, a su faire passer sur la scène quelque chose qui transcende les mots, qui échappe à l’analyse et qui se nomme la Poésie ».
Christian Mégret Carrefour 19 mars 1964
« Grâce à un certain humour noir et à un don certain du boniment, grâce aussi à un sens très vif de l’absurde, grâce enfin à ce goût du sarcasme qui anime l’auteur jusqu’à la cruauté, nous pourrions de temps à autre nous raccrocher à une scène bien venue et assez bien enlevées, mais, d’abord ces moments-là sont rares ensuite l’auteur a travaillé dans « le genre » et par conséquent s'est enfoncé résolument dans le climat le plus sinistre et le plus noir qu’on puisse imaginer…. C’est d’un ennui meurtrier et digne d’une incroyable prétention ».
Jean Jacques Gautier Le Figaro 13 mars 1964
Extrait de la réponse de François Billetdouxà Jean-Jacques Gautier ( Arts 18 mars1964 ) :
« J’espère que vous vous déciderez bientôt à devenir franchement ce vieux monsieur que vous rêviez d’être au temps où vous aviez « la passion des gants beurre frais et des guêtres grèges ». Vous êtes sans concurrence l’anachronisme le plus méritant. Vous aimez rire et retrouver en scène une pensée qui réponde à la vôtre dont on ignore généralement qu’elle est le fruit des scrupuleux combats qui vous agitent après un spectacle dans la solitude de cotre cabinet. Ainsi vos préoccupations intellectuelles, votre santé bourgeoise, votre puritanisme inquiet, votre sensibilité particulière vos goûts d’écrivain, vous interdisent-ils d’être profondément bouleversé par ce qui tourne sur une autre orbite que la vôtre. Ce serait votre mort que de changer ».

Collections A.R.T.
IL FAUT PASSER PAR LES NUAGES
Analyse
Par son amour de la vie, son énergie, son travail, Claire, d’origines modestes, s’est élevée au rang de chef d’industrie. À l’orée de sa vieillesse, elle découvre que sa réussite sociale ne fait que cacher son échec personnel. Désespérée par l’impuissance de sa famille dont elle a fait la fortune, elle se ruine volontairement par provocation, face à la médiocrité des siens. Quitte à passer pour folle, elle aura de courage de s’abandonner à un dépouillement total.
Critiques
« Après un assez long temps de démarrage dû à la disposition parallèle et systématique d’un certain nombre de monologues dont la juxtaposition doit créer une mise en place volontairement lente, car il s’agit d’une adaptation à un genre de théâtre inhabituel, je me suis rendu compte que j’étais en train d’écouter, d’entendre, de regarder et de voir une œuvre de qualité exceptionnelle et de valeur incontestable ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 23 octobre 1964
« Dans Il faut passer par les Nuages circule un souffle spirituel qui surprend dans le théâtre français contemporain où je vois principalement du pessimisme ou de la dérision...
Oserai-je le dire au risque de paraître hyperbolique ? J’ai pensé de temps en temps à Shakespeare et à Musset. Non que je veuille comparer M.Billetdoux , mais il m’a semblé parfois qu’il avait une poésie, une fantaisie, une étrangeté qui étaient de leur lignage ».
Jean Dutour France-Soir 23 octobre 1964
« Après Beckett – qui reste Beckett, bien sûr -, le Boulevard pouvait continuer à passionner les foules avec une classique déconfiture bourgeoise. Dorénavant, au contraire, il lui faudra passer… par les nuages de Billetdoux, c’est-à-dire : tenir compte d’un progrès irréversible dans l’approche des personnages et la technique dramatique… tantôt le dialogue imite à s’y méprendre la réalité, chaque personnage ayant d’emblée le ton qui le définit et ne le quittera plus ; tantôt la langue déraille ou s’enfle, farceuse, incongrue, lyrique, gonflée de tendresse ».
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 24 octobre 1964
« Un spectacle extraordinaire, merveilleux exemple de la maîtrise, dans tous les domaines du théâtre, et, je suppose, que s’y j’y retournais, j’aurais une multitude de rasons supplémentaires pour délibérer sur ses perfections ».
Elsa Triolet Les Lettres Françaises octobre 1964
RINTRU PAS TROU TAR HIN !
Analyse
Marco Paulo est sur le point de sortir, son épouse Paulette lui recommande de ne pas rentrer trop tard : « Rintru pas trou tar hin ». Marco ne tient pas compte de ce conseil. Lorsqu’ éméché, il revient chez lui deux jours plus tard son immeuble est éventré les locataires sont morts à l’exception de Popaul, son fils « un enfant prodige et un adolescent attardé » et de la petite amie de celui -ci.... Ils deviendront les deux suspects de l’inspecteur Cassarole.
Critiques
« Pendant tout le temps qu’a duré la représentation de cet interminable rhapsodie, de cet écrasant salmigondis, de cet accablant « métafouillis », je ne cessais de me demander combien de gens, le lendemain, allait avoir le courage d’écrire la vérité : qu’ils s’étaient ennuyés à mourir, qu’ils avaient la plus grande peine à endiguer le sommeil, mais surtout qu’ils n’avaient pas compris un traître mot et qu’ils étaient incapables honnêtement de dire de quoi il s’agissait…
J’appartiens à la catégorie de ceux auxquels leurs maître enseignaient :’Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » Mais hélas ! j’ai en face de moi quelqu’un pour qui la clarté c’est du jus de tabac, c’est-à-dire le brouillard, c’est le bitume… Quelqu’un pour qui le jargon, le baragouin sont maintenant préférables à la langue de Voltaire ou de Valéry ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 5 mars 1971
« Des dons, il en a ce Billetdoux, l’imagination, le vocabulaire, l’humanité, le souffle, la tendresse, la poésie. Mais ce sont des dons à deux faces qu’on peut retourner comme des vestes. On dirait alors qu’il est délirant, qu’il est verbeux, qu’il est facile, interminable, geignard et un peu « toc » dans ses artifices « pour faire joli ».
Matthieu Galey Combat 5 mars 1971
« Le titre dit tout. D’abord l’astuce, le goût de truquer les cartes et de les jouer à sa façon. Pourquoi Rintru pas Trou tar hin ? Recherche de l’insolite, de l’artifice, exercice de style, camouflage. C’est une pièce à déchiffrer et qui s’emboîte comme un puzzle. Assommante ou fascinante les deux sans doute. on serre les dents, on sue sang et eau, on est là pour comprendre. bref on se donne un mal de chien. Billetdoux sourit de béatitude. ».
Pierre Marcabru France-Soir 5 mars 1971
« Si la clarté est française, François Billetdoux est le moins Français des auteurs dramatiques français… On dirait que Billetdoux utilise avec un acharnement croissant la méthode cartésienne pour montrer plus opaques, plus complexes, plus obscurs nos sentiments, nos modes, nos pensées et nos actes… Je ne reviens pas sur la question, tout à fait artificielle, de l’obscurité. C’est une pièce nocturne, oui, et donc obscure. Ce n’est pas une fugue d’école à quatre voix. C’et un poème symphonique, un perpetuum mobile, fortement ancré sur les basses, un chant sourd avec des éclats suraigus. Ce n’est pas de la famille française. Cela vient des Viennois, de Mahler et de Berg. On peut détester, moi j’aime. Personne ne peut rester indifférent ».
François-Régis Bastide Les Nouvelles Littéraires 11 mars 1971
Haut de page