Voici qu’advient alors l’événement le plus important de toute la carrière théâtrale de M.Duras : sa rencontre avec Madeleine Renaud. Celle-ci, atteinte par la soixantaine, cherche de beaux rôles correspondant à son âge. Le personnage de la Mère, dans Des journées entières dans les Arbres, semble convenir tout à fait à son nouvel emploi.

Madeleine Renaud et Marguerite Duras
lors de la générale de
Des Journées entières dans les Arbres
(photo
DR)
Coll. part.
Marguerite met en scène les deux membres les plus proches de sa famille : son frère, le fils drogué, veule, menteur, voyou, voleur et néanmoins le bien-aimé de sa mère. Dans son souci de perfection, Madeleine Renaud cherche à recréer la personnalité profonde de Mme Donnadieu, elle s’inspire de photos, de témoignages, de récits de l’auteur. Et le soir de la répétition en costumes, Marguerite reste médusée devant l’apparition de cette femme qui n’est autre que celle de sa mère. Le public et les critiques ne s’y trompent pas quand à la fin de la pièce, l’actrice est applaudie pendant plus d’un long quart d’heure.

Madeleine Renaud
dans
Des journées entières dans les arbres
(photo
DR)
Coll. part.
Malheureusement pour l’auteur, le théâtre de l’Odéon est un théâtre d’alternance et quel que soit le succès remporté, les pièces sont programmées pour un nombre limité de représentations. Le rideau tombé une dernière fois sur Les Journées entières... , Marguerite se sent de nouveau seule. Elle s’enferme dans sa demeure de Neauphle le Château pour écrire de cinq heures du matin à onze heures le soir.
Le 22 février 1966, un appel téléphonique à la police, donné d’une cabine par une jeune fille anonyme, vient saccager le peu de sérénité auquel Marguerite tente d’accéder: au début de l’après-midi, Gérard Jarlot a été trouvé mort, victime d’une crise cardiaque, dans un hôtel de Saint-Germain des Prés. Il avait quarante-trois ans.
Dans un sursaut de vitalité, Marguerite se découvre une nouvelle raison de vivre, elle va se lancer dans la mise en scène de cinéma. Elle adaptera les dialogues de La Musica pour l’écran et participera au tournage du film co-réalisé avec Pierre Seban. Outa, son petit garçon chéri, a grandi, il a dix huit ans, il fera partie de l’équipe comme second assistant. Marguerite est omniprésente, elle est gaie, elle est dominatrice, elle est redevenue Duras.

Collections A.R.T.
Le film terminé, les bobines mises en boîtes, Marguerite se remet à travailler pour la Compagnie Claire Deluca-René Erouk. En janvier 1968, le Théâtre Gramont met à l’affiche deux courtes comédies La Shaga et Yes, Peut-être.
Marguerite en assure la mise en scène . « Elle développa les deux pièces au cours des répétitions, modifiant son texte et travaillant avec nous, reprenant sans cesse son écriture et nous faisant « essayer » les mots. Nous découvrions ensemble la vérité de chaque passage et, à travers « ses comédiens » qu’elle appelait « ses personnages », elle prenait possession de son univers. Elle utilisait nos personnalités et nous tâchions de lui offrir « le meilleur ». .
cf. Analyses et Critiques
interview de Claire Deluca, le 7 juillet 2008
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