Association de lalogoRégie Théâtrale  

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De l’origine celte et froide
à l’aisance et la désinvolture

Étienne Morin, d’ascendance irlandaise, est né le 24 septembre 1899 à Sedan, de parents protestants apparentés à une famille de militaires, celle du Colonel chef de corps Andoud, héros de la conquête du Soudan. Étienne trouvera plus tard, dans son ascendance irlandaise, le pseudonyme de Steve Passeur. Après de bonnes études secondaires, il débute comme employé de banque, profession qu’il abandonnera assez rapidement pour devenir journaliste, car, comme il l’a fait dire à l’un de ses personnages : « Plus un homme est intelligent, plus il a le devoir de mener une existence différente à la sienne .»

Physiquement, il a l’apparence d’un clergyman irlandais, le visage un peu grave, bourru même, sous une brosse de chevaux blonds, l’œil glacé derrière le carreau de ses lunettes. Sous son aspect froid et désabusé, il se trouvera aussi à l’aise sur les planches de Deauville qu’au prix de l’Arc de Triomphe, ou aux premières de l’Olympia.

Par dérision - déjà - il intitule sa première pièce Four, pensant que cette audace attirerait l’attention de Lugne-Poe. En pure perte. Ce dernier reçoit plus tard La Maison Ouverte qui sera créée à l’Œuvre en 1925 et qui marquera sans doute la naissance d’un véritable auteur dramatique. Suivront, la même année et l’année suivante, toujours à l’Œuvre La Traversée de Paris à la nage et La Jeune fille de la popote. Auparavant, il avait fait jouer Un bout de fil coupé en deux au Vieux Colombier, pièce montée par la compagnie du Théâtre des Jeunes Auteurs.

Steve Passeur
Dessin de Pol Rab
Coll. part.

C’est Dullin qui succédera à Lugne-Poe en présentant à l’Atelier en 1928 À quoi penses-tu ? ,  œuvre étrange qui frise le vaudeville et qui porte déjà de façon indiscutable la marque de Passeur, lequel ne fait qu’affirmer, de pièce en pièce, son goût des situations paradoxales et des répliques cinglantes.


"L'Amour gai"
L'Amour gai
M. Ghyslaine et M. Fresnay

(photo DR)
Coll. part.

Jouvet séduit par le masochisme

Après L'Amour Gai, Suzanne est montée par Jouvet en 1929 à la Comédie des Champs-Élysées. Là encore, une situation peu ordinaire. Une femme devient amoureuse de son amant le jour où elle apprend qu’il malmenait sa première femme. Elle veut, elle aussi, connaître la joie d’être battue, séquestrée, malmenée. C’est l’histoire d’une masochiste… Jacques Deval, orfèvre en la matière, écrira dans La Revue des Deux Mondes: « Steve Passeur, un jeune auteur de 25 ans, dont le talent connaît de violentes alternatives mais dont les erreurs mêmes ne sont pas médiocres. Le plus clair de ses dons est celui du dialogue lumineux, rapide, pressé, qui ne laisse rien derrière soi qu’il n’ait dit, où tout amuse sans que rien ne soit amusette, toutes nuances fixées au plus fin, sans minutie, où les préparations même sont action. Une telle force comporte sa tentation : un dialogue si véhément s’impatiente quelquefois du sujet qui est sa raison d’être, et parfois le désarçonne, ce qui fut le cas dans À quoi penses-tu ? du même auteur, à l’Atelier .»

"Suzanne"
Collections A.R.T.

En 1930, c’est L’Acheteuse à l’Œuvre, pièce qui fera la gloire de Passeur et qui sera plusieurs fois reprise… Cette pièce pessimiste, pleine de férocité, à la fin inexorable, caractérise tout particulièrement la cruauté voulue par l’auteur dans son théâtre (voir l’analyse plus loin). Sur le même sujet, Henry James avait écrit L’Héritière, roman adapté au théâtre par Louis Ducreux, mais dont la fin, toute tragique qu’elle soit, ne va pas jusqu’au suicide. En 1963, une reprise de la pièce aura lieu à la Comédie des Champs-Élysées, dans une mise en scène de Jean Anouilh et avec Suzanne Flon dans le rôle-titre.

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