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Quelques pièces
L’ARCHIPEL LENOIR
ou
Il ne faut pas toucher aux choses immobiles
Analyse
Une crise au sein d’une famille de très riches bourgeois, famille vivant jusqu’ici heureuse. Jusqu’au jour où un policier arrive, porteur d’une effarante nouvelle, et c’est la catastrophe. Le grand père, encore vert a tenté d’abuser d’une jeune fille.
Critiques
« Je ne connais pas d’homme qui ne soit plus hanté par l’idée de la mort - et de sa mort - que Salacrou… Mais pour écrire une pièce supportable sur ce refrain, il fallait la faire drôle. "L’Archipel Lenoir", pièce-roman avec une atmosphère, des mots d’une énormité vraie, l’incohérence bouffonne propre aux discussions familiales, la férocité cocasse de ce vieux, furieusement attaché à sa chère guenille, l’Archipel Lenoir est une pièce comique ».
Jean-Jacques Gautier - Le Figaro
« Satire de la haute bourgeoisie, cette pièce ? écrit-il dans l’Intransigeant.« Tous les personnages, explique Salacrou, se croient de bonne foi et, s’ils sont ridicules, l’auteur n’a pas à le savoir ; le public est là pour ça ». Le public les trouve évidemment ridicules, puisqu’il éclate de rire à chacune de leurs répliques ».
Paul Gordeaux - France Soir
« Il y a dix ou quinze ans, au temps où Berl enquêtait sur « la fin de la morale bourgeoise », L’Archipel Lenoir eût fait un beau scandale. Les Ligues eussent dépêché quelques chahuteurs pour siffler, chaque soir. Et il se fut bien trouvé quelque cydard pour provoquer Salacrou en duel. Aujourd’hui, même le cydard applaudit gentiment pour montrer qu’il a du goût. La bourgeoisie a lâché du lest ».
Roger Vailland - Action
LES FIANCÉS DU HAVRE
Analyse
Deux hommes retrouvent, à 28 ans, leur vraie famille, leur vrai milieu, si différents que le hasard leur avait donnés. Laquelle est la plus forte, de l’hérédité ou de l’éducation ? La femme sera disputée par deux amours différents, le choix sous forme de départ, le hors la loi opposé à celui qui l’accepte (Philippe Heriat)
Critiques
« Enfin, enfin une pièce ! Une machine de théâtre bien engrenée, roulant bon train, conduite de main sure ; un spectacle grouillant de richesses où, par trouées, apparaissent des échappées, dans toutes les directions, et qui, de scène en scène, déploie son envergure. Enfin, du luxe dramatique ».
Philippe Heriat - La Bataille
« M. Salacrou lui-même nous a donné à la Comédie Française Les Fiancés du Havre, une étonnante réussite dans un style original, qui oscille savamment de la tragédie au vaudeville, et dont les soudains changements de ton et d’allure, l’ironie pleine de détours, la désinvolture, ont quelque peu déconcertés les spectateurs ».
Thierry Maulnier- Masques
« Une œuvre curieuse que ces Fiancés du Havre, étonnante pièce avec laquelle M. A. Salacrou fait son entrée à la Comédie Française. Elle charme et irrite tout à la fois. Elle charme car elle témoigne d’un art et d’un métier extrêmement souples et sûrs où M. Salacrou se retrouve tout entier, car elle amuse, intrigue et attache tour à tour. Mais elle irrite également parce qu’en même temps qu’elle unit comme un faisceau toutes les qualités de l’auteur, elle en accuse ainsi les défauts ».
André Alter - L’Aube
LES NUITS DE LA COLÈRE
Analyse
L’action se déroule à Chartres en 1944. C’est l’histoire de deux couples, jusqu’alors amis, que les conceptions résolument antagonistes devant la situation créée par l’Occupation, vont dramatiquement séparer.
Critiques
« … Il est à peu près certain que, jusqu’au bout, des êtres comme ceux-là s’apparaîtront à eux mêmes comme les victimes d’une fatalité monstrueuse, non point, à aucun degré comme des coupables. Il faut d’ailleurs bien reconnaître que les circonstances qui se sont déroulées depuis la libération n’ont guère manqué de confirmer chacun dans ses convictions antérieures et là est, si l’on veut réfléchir, l’aspect le plus essentiellement tragique de la situation française présente. Le grand mérite de la pièce de Salacrou consiste peut-être en ce fait qu’elle favorise cette compréhension ».
Gabriel Marcel - Revue théâtrale
« Voilà l’expression émouvante et belle qui domine d’un bout à l’autre la pièce : l’impartialité. Salacrou n’accable pas systématiquement Bernard (le personnage du pétainiste frileux) ; il n’en fait pas naturellement et d’une façon un peu simpliste « un monstre » ou un sadique à la Jean-Paul Sartre. Depuis la libération, c’est le premier langage véritablement humain qu’il nous ait été donné d’entendre dans un débat aussi redoutable et aussi douloureux ».
André Ransan - Résistance
« Les mobiles de la trahison sont mis en lumière avec une justesse psychologique admirable : l’inconscience absolue de Pierrette à l’égard de ce que signifient l’Occupation ennemie et la Résistance, la passion sordide de la sécurité et du confort sous le masque de l’amour maternel, la peur de la Gestapo et la peur bourgeoise des communistes et de la révolution qui suivrait le départ des Allemands et toutes les bonnes raisons que l’on trouve et l’alibi qu’on donne à la dénonciation… tout ceci est du grand théâtre ».
Thierry Maulnier - La Bataille
SENS INTERDIT
Analyse
Que se passerait-il si la vie, au lieu de commencer par l’enfance et de se terminer par la vieillesse, suivait le cours inverse ? Imaginez une espèce humaine qui naîtrait à 90 ans, et, d’année en année, rajeunirait jusqu’à se résorber dans l’infantilisme absolu !
Critiques
« L’acte est charmant, fin, vif, cocasse, délicieux, moqueur et plein d’une âcre inquiétude ; son comique est doublé de désespoir ; à la Salacrou ».
Jean-Jacques Gautier - Le Figaro
« Salacrou fait semblant de plaisanter. Mais je vois bien qu’il est sérieux et que son optimisme nous atteint plus loin que dans la région du rire. Car il profite de son renversement pour mettre en accusation les coutumes reçues, les habitudes de l’homme ».
René Laporte - Le Journal du Dimanche
« Ainsi la comédie d’Armand Salacrou fait naître dans le spectateur un rire qui n’est pas sans angoisse. Il y a en elle une sorte d’atrocité ».
Thierry Maulnier – Combat
« Salacrou a traité ce thème de conte philosophique avec sa dextérité habituelle, sa grande maîtrise de la scène et de la langue, sa verve mordante et satirique… Je crois que Sens Interdit, pièce en un acte est une grande pièce, une œuvre vaste, par les prolongements inattendus qu’elle prend dans notre pensée ».
André Ransan - Ce Matin - Le Pays
LES INVITÉS DU BON DIEU
Analyse
C’est le jour des fiançailles de deux très agréables jeunes gens. La fougueuse maîtresse du fiancé, Sylvie, survient pour empêcher le mariage. Elle reconnaît alors dans le père de la jeune fille, Virlouvet, l’homme vieillissant auquel elle accorde, contre argent, ses gâteries tous les vendredis après-midi. Virlouvet s’explique : s’il trompe sa femme c’est par amour. Il croit, en rencontrant Sylvie, retrouver sa jeune épouse Léonie rajeunie de trente ans. Lorsque Léonie apprend cette histoire, elle est très heureuse d’être trompée avec elle-même.
Critiques
« Ce qu’il y a dans la pièce et qui nous concerne tous, et qui nous obligerait, si nous n’y résistions par inertie, à un grand retour sur nous-mêmes, c’est une observation cruelle, affectueuse et lucide de nos travers en même temps qu’une méditation amère et courageuse sur notre destinée ».
Francis Ambriere - Paris-Comœdia
« Sur les thèmes habituels de M. Salacrou (la fuite des ans, l’impossibilité de fidélité, la quête d’un Dieu de pardon et d’amour) ce texte est souvent fort émouvant et plein de trouvailles charmantes que gâte à peine une certaine complaisance nécessitée par la forme de l’ouvrage ».
Morvan-Lebesque - Carrefour
« Auteur tourmenté, tentative ambitieuse, pièce composite, impression mêlée. Vous avez déjà compris combien le mélange des deux registres (angoisse et bouffonnerie) rend un son bizarre. Mais après tout, ces dissonances, c’est ce que l’auteur a voulu. Ma déception vient d’ailleurs. Je reproche à l’auteur de n’avoir pas soutenu le ton. Il a décollé et au premier virage, s’est mis en perte de vitesse ».
Jean-Jacques Gautier - Le Figaro
« Salacrou est un homme de théâtre, un écrivain de théâtre et ce sont là des qualités permanentes qui l’emportent sur des réserves occasionnelles. L’édifice n’est peut-être pas aussi harmonieux, aussi cohérent qu’on le souhaiterait, mais le "matériau" est de tout premier ordre ».
Jean Guignebert - Libération
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