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Les Combats politiques
Prise de position contre de Gaulle
1960, la guerre d’Algérie, qui, depuis cinq ans, n’ose dire son nom, redouble de violence. Dans les cafés de Saint-Germain des Près, il n’est pas une place en salle, au bar ou en terrasse, où l’on n’évoque un sujet autre que celui du conflit. Pour Adamov, le rêve et la théorie marxistes s’estompent derrière une réalité plus brutale. Chaque jour des jeunes gens connus ou inconnus sont mobilisés et partent rétablir l’ordre dans nos départements d’outremer : une horreur pour les intellectuels de gauche dont Adamov fait partie. Invité à signer le « Manifeste des 121 »: « Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien », Adamov est désormais de tous les combats. Lors, d’un défilé contre l’Algérie Française, il est l’un des premier à crier le slogan : « O. A. S. Assassins ! de Gaulle complice ! » et finit la soirée au poste de police. La sanction ne se fait pas attendre. Les signataires du Manifeste sont interdits d’O.R.T.F. Depuis plusieurs années, Adamov participe, régulièrement à des émissions littéraires pour lesquelles il écrit des scenarii ou signe des adaptations de pièces étrangères. C’en est fini, et sonne le retour aux temps difficiles. Le Bison entre aux éditions de l’Arche
La lutte contre les oppressions
Face à la réalité des événements, Adamov se conforte dans sa conception nouvelle d’un théâtre engagé : « Seul le théâtre social ouvre la voie de l’avenir au théâtre de demain ». « J’ai vu l’importance qu’avait le phénomène qui existe à peu près dans tous les pays du monde et qui s’appelle la lutte des classes. J’ai donc vu qu’il y avait une classe dirigée contre une autre classe ce qui rend impossible la solitude totale, puisqu’il y a solidarité. La solidarité vient lutter contre l’inhumanité ».
Fort de cette assurance, Adamov s’attaque sans plus attendre à la réalisation de l’œuvre dont il rêve, depuis de longues années, une fresque sur la Commune de Paris. « J’ai travaillé deux ans à la Bibliothèque Nationale. rien que pour compulser et puis il a fallu une demi année pour oublier et une année pour écrire. Il s’agit pour moi presque d’un devoir envers le premier gouvernement de la classe ouvrière dans le monde. Qu’est-ce que j’ai voulu montrer en somme ? qu’au cours de ces trois pauvres mois de joie, de travail, d’erreurs, de ces trois mois d’une vérité née avant terme, des hommes, des femmes, des enfants ont connu tous les sentiments possibles, ont été hissés au delà d’eux-mêmes et cela, bien sûr, sans pouvoir toujours éviter les tristesses, les faiblesses, les lâchetés ».
Écrite en 1961, la pièce ne sera montée que deux ans plus tard. Elle est tout d’abord publiée dans la revue Théâtre Populaire puis éditée chez Gallimard.
En juin 1962, Le Printemps 71 est présenté au Unity Theatre de Londres. Quelques mois plus tard, la pièce sera affichée à Belgrade sur la scène du Théâtre National Serbe. Ce n’est qu’au printemps 1963 que la pièce sera mise en chantier au Théâtre Gérard-Philipe de Saint‑Denis grâce aux subventions accordées par le maire communiste aidé par ceux des communes voisines.
Si, à Paris, quelques écrivains « engagés » glorifient Adamov, il fait figure d'auteur marginal, plus ou moins sympathiques pour la plupart. Par contre à l’étranger, il est considéré comme l’un des dramaturges les plus considérables de son temps. Les pays de l’Est sont demandeurs de ses œuvres mais également Londres, Oxford, Edimbourg, Gênes, Milan, Copenhague
où il est arrivé que certaines de ses créations soient affichées avant Paris. Invité à Broadway pour la présentation du Ping-Pong, Adamov, accompagné du Bison demeure quelque temps à New York, à la découverte de Greenwich Village et d’Harlem, seuls quartiers où il se sent à l’aise. Loin d’être un touriste heureux, il ne peut s’empêcher de garder rancune à un pays marcarthyste. Il a toutefois le plaisir et l’honneur d’être invité chez Arthur Miller, et de faire la connaissance de Marilyn Monroe: « La plus grande actrice moderne peut-être, émouvante, réellement intelligente ».
Trois ans plus tard, la rancœur d’Adamov n’a pas faibli. Il écrit Off Limitts une charge au bord du supportable contre les U. S. A. La pièce n’est montée qu’en 1969 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, sous la direction de Gabriel Garran. Les personnages, livrés à la drogue, à l’alcool, n’ont pour quotidien que l’angoisse de la misère, de la guerre et de la destruction. Les allusions à la guerre du Vietnam, aux bombes à billes, à l’affreux Johnson, constituent le plat de résistance du spectacle.

Off limits
(photo DR)
Coll. part.
Adamov reconnaît qu’il « n’avait pas l’ambition de dresser un bilan dramatique de l’Amérique dans sa totalité foisonnante ; il s’en tenait à l’exploration d’un certain milieu social disparate qui contient des drogués, des parasites, des producteurs de télévision, des intellectuels plus ou moins au chômage qui lorsqu’ils travaillent le font à la commande et n’ont pas le droit de regard sur leur producteur ».
Bien naturellement la presse de droite se déchaîne en une violente campagne réactionnaire. « Quant aux acteurs, il faut qu’ils aient perdu le respect d’eux-mêmes pour se prêter à d’aussi dégradante démonstration ».
Et les critiques de gauche se sentent gênés, il leur était difficile d’applaudir Adamov.
Les Nouvelles Littéraires 20 août 1971, (article post mortem)
.Une version abrégée put monteée par André Steiger en mars 1991 à l'occasion du 90 ème anniversaire de la Commune.
Le Figaro Jean-Jacques Gautier 27 janvier 1969
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