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Une enfance riche et heureuse

C'est chez sa grand mère maternelle à Saint-Germain en Laye, qu'Édouard Bourdet naquit le 26 octobre 1887. Opulence et amour familial accueillirent l'enfant à son berceau. Fernand, le père, ancien centralien, administrateur de carrières de plâtre, fournissait des locomotives et des canons à la Russie des Tsars et au sultan de Turquie. Il savait faire fructifier son bien puisqu'à 40 ans il se retira des affaires pour diriger, en bon rentier, sa fortune. Il avait épousé, Marguerite Vallée, petite fille de l'amiral Préville-le-Pelleys. Les jeunes gens s'étaient rencontrés lors d'un voyage en chemin de fer. Ce fut le coup de foudre, le mariage, la naissance de 3 garçons André (1881-1934), Édouard (1887-1945) et Michel ( 1890-1958). Fernand et Marguerite étaient heureux. Ils s'aimaient et adoraient leurs enfants.

Le petit Édouard, au regard bleu de faïence, au petit visage tout rond, aux cheveux bouclés, ne savait pas encore que le ciel l'avait doté d'un talent d'auteur dramatique étourdissant, qu'il deviendrait un des plus importants dramaturges français du XXème siècle, à la fois un maître de divertissement et un rénovateur de la première scène nationale française, c'était un enfant taciturne et solitaire.

Les parents, en gens du monde, avaient « leur jour ». Tous les lundis, dans leur appartement de la rue de la Pépinière, se donnaient de grands dîners, - auxquels étaient conviés des industriels, mais aussi des artistes, peintres et écrivains, S'y rencontraient Georges de Porto-Riche, Anatole France, Reynaldo Hahn, le marquis de Castellane et le Docteur Proust, père d'un jeune écrivain, coqueluche du tout Paris.

Adolescent, alors que les deux frères André et Michel se rendaient au bois, au manège ou la chasse, le jeune Édouard assistait à toutes les matinées classiques et poétiques de la Comédie-Française.

« Ça m'a pris jeune, racontera-t-il plus tard, du reste comme tous les collégiens, je débutais par une tragédie alors que j'étais en seconde ».

En 1901, délaissant leur propriété du Loiret, les Bourdet décidèrent de passer les vacances d'été en Bretagne. Ils firent la connaissance d'une jeune fille, Catherine. Celle-ci enchanta toute la famille et bientôt Fernand la considéra comme la fille qu'il aurait aimé avoir. Catherine Pozzi, fille d'un célèbre professeur de médecine était à première vue le type même de la riche héritière. Mais elle avait refusé de « se vendre à tous les prétendants que ses parents lui avaient présentés ». Elle voulait de l'Amour, elle voulait de la Passion. Alors que, dans le superbe appartement de l'avenue d'Iéna, ce n'était entre ses parents que scènes de ménages. Samuel Pozzi, descendant d'une famille italienne de grande noblesse, célèbre professeur de médecine, amateur d'art, collectionneur et mécène à ses heures, fut un des modèles dont s'inspira Marcel Proust. Il multipliait les aventures amoureuses sans le moindre scrupule ou dissimulation. Il avait épousé une oie blanche, fabuleusement riche et indifférente comme il n'est pas permis de l'être. Après avoir certainement aimée sa jeune épouse, il cherchait ailleurs la chaleur qui lui manquait.

Élevée par des nurses, Catherine grandit comme elle put. Elle se vengeait de son abandon en se lançant à corps perdu dans l'étude du piano, se passionna pour le bouddhisme, la philosophie nietzschéenne, se lança dans la poésie, sans pour cela mépriser la pratique du sport. Elle chassait à courre, elle skiait, jouait au tennis, naviguait sur son bateau. En fait elle ressemblait à son père, boulimique de la vie... À 19 ans, elle était devenue une espèce d'échalas trop maigre, trop grande. 1m75 pour 46 kilos. La maladie la guettait, d'asthmatique elle deviendra bientôt tuberculeuse.

André Bourdet avait le même âge que Catherine. De retour de vacances, les jeunes gens se revirent sous le regard bienfaisant de M. et de Mme Bourdet. André tomba amoureux, c'était un romanesque mélancolique. Catherine marivauda quelque peu mais bientôt se lassa de ce cœur en charpie qu'André lui offrait. La rupture n'était pas si grave que Catherine dut s'éloigner. André la considéra désormais comme sa sœur. N'était ce pas mieux ainsi ? Elle s'intéressa au timide Édouard auquel elle apprit à jouer au tennis et enseigna les premiers pas de danse. Puis elle fit la connaissance d'une jeune américaine, Audrey, et leur amitié commune ne tardera guère à se transformer en un sentiment beaucoup plus fort. Malheureusement Audrey mourut quelques mois plus tard et ce fut le premier grand chagrin de Catherine.

Alors qu'en 1905 décédait Fernand Bourdet, Édouard après avoir passé brillamment son bachot entra à l'École des Hautes Études Commerciales.

Au cours de l'hiver 1908, Marguerite s'éteignit à son tour, Catherine, émue par le chagrin d'Édouard, se rapprocha de lui. Treize ans plus tard, elle écrira dans son journal « Je ne l'aimais pas d'amour, je l'aimais de tendresse ». Les sentiments affectueux cesseront bientôt d'être platoniques. Alors Édouard, comme tous les grands timides, se lança dans l'impossible et loua une garçonnière pour y recevoir Catherine. Celle-ci offensée, se regimba : « Je veux bien être ta femme, mais je refuse d'être ta maîtresse » Et les voici bientôt devant M. le Maire, au grand étonnement des parents Pozzi.

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