Après le départ d’Elvire Popesco, Jean-Jacques Bricaire est devenu directeur artistique du Théâtre Marigny. Il s’est laissé convaincre et a posé sa candidature à la présidence du Syndicat des Directeurs de Théâtres. Là commence pour lui un combat qu’il sait perdu d’avance, une lutte sans merci entre le Théâtre public et le Théâtre privé. Le pot de fer contre le pot de terre. À l’instigation d’André Malraux, les successifs Ministères de la Culture soutiennent outrageusement les Théâtres publics, les maisons de la Culture et les centres culturels multipliés à l’infini. Grâce à des subventions pharamineuses ceux-ci peuvent se permettre d’appliquer des prix de places bien inférieurs à ceux que doivent afficher les théâtres privés, sans pour cela que leurs représentations soient la plupart du temps de haute qualité. Jean-Jacques Bricaire et Christiane Porquerel, sa co-directrice, refusent, comme bien d’autres de leurs confrères acceptent de le faire, de louer leur théâtre.
Ils se battent pour présenter des spectacles de grande classe dont les budgets sont onéreux : Amadeus, avec Roman Polanski et François Périer, Kean et Cyrano de Bergerac avec Jean-Paul Belmondo, Le Misanthrope avec Francis Huster et l’inénarrable Robert Hirsch et une dizaine d’autres… Ils tiendront coûte que coûte, luttant avec ténacité et vaillance.
Mais « Ô rage, Ô désespoir, Ô vieillesse ennemie », il arrive un 14 mai 2001 où Jean-Jacques Bricaire fête ses quatre-vingt ans. Il en paraît vingt de moins, il a quitté depuis un an ses fonctions au Théâtre Marigny, sans regrets dit-il : « Le métier que j’ai eu le privilège d’exercer de si longues années dans le bonheur s’est tellement dégradé que ces derniers temps je n’y éprouvais plus de plaisir ». Il se donne toutefois le plaisir d’écrire un petit sketch vengeur .
Après une retraite sereine, entouré de sa fille, sa sœur et de ses amis, Jean-Jacques Bricaire s’en est allé, le 13 février 2012, emporté par un cancer ( le mot n’est plus tabou ) analogue à celui de son fraternel complice Maurice Lasaygues.

L’Autre Côté du Décor Jean-Jacques Bricaire éditions des Quatre Vents 2001
Cf Les Mille regrets de la culture ou Les Mille emmerdements d’un directeur de théâtre privé