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Les premiers essais dramatiques

Poursuivant ses études supérieures, après un passage à l’École des Sciences Politiques, le jeune Claudel s’inscrivit à celle des Langues orientales. Il fut reçu au difficile concours de fin d’année. Il obtint alors le poste d’attaché à la sous-direction du Ministère des Affaires Etrangères. Dans le même temps, il entreprit avec passion l’écriture de son premier essai dramatique : L’Endormi dans lequel un jeune poète vaniteux ( lui-même, sans doute... ) tentait de pénétrer dans l’univers des « faunes ». Il se faisait berner et découvrait ainsi que le monde et l’amour n’étaient que supercherie et affabulation. Après cette farce, Claudel se lança dans le drame, traitant le même sujet que l’œuvre précédente, mais cette fois sur un ton lyrique, mécontent de son texte, déchira les pages de son manuscrit.

Alors qu’il poursuivait sa carrière de diplomate et après avoir accepté la mission de consul suppléant affecté à Shanghaï, Paul Claudel se remit à l’écriture. Depuis trois années qu’il s’était rapproché de Dieu, il lui était impossible de garder pour lui seul le sentiment du divin qui l’envahissait, il lui fallait l’extérioriser. Sa récente conversion était pour lui une délivrance et un immense bonheur. Il avait un intense besoin d’en faire état dans sa nouvelle pièce, dont les personnages, éprouvant ses véritables sentiments, tiendraient en quelque sorte, son propre rôle. Ils seraient à la fois désespérés lors d’une jeunesse détestable, éblouis lors d’une illumination divine et, par la suite, désireux d’accomplir une abdication expiatoire. C’est ainsi que naquit la première grande œuvre dramatique du jeune poète : Tête d’Or, pièce en trois actes, au cours de laquelle un quadragénaire, Simon, désespéré par la mort de son épouse, trouvait un certain réconfort auprès d’un jeune ami, Cébrès, lui même accablé par l’inanité de la Vie. Au cours d’une révélation divine, alors que Cébrès ,tombé gravement malade, s’éteignait dans ses bras, Simon reprit courage et sous le surnom de Tête d’Or devint chef des armées d’un royaume en pleine déroute. Il tua le roi et s’installa sur le trône, après en avoir chassé la princesse, fille du monarque défunt. Mais la gloire n’étant jamais sûre, bientôt les troupes de Tête d’Or connurent, à leur tour, la défaite. Lors de la dernière bataille, Simon fut mortellement blessé. Avant d’expirer, il rappela la Princesse exilée et lui rendit son trône.

Lorsqu’il écrivit Tête d’Or, Claudel n’avait que vingt-deux ans. Qui mieux que lui aurait pu présenter sa pièce :  « Pour comprendre les raisons qui m’ont fait écrire cette œuvre excessive, il faudrait se reporter à cette oppressante époque de 1889 où le matérialisme pesait sur les êtres... »

Cent exemplaires de la première version furent édités, en 1890 par La Librairie de l’Art Indépendant, ensuite par les éditions du Mercure de France qui publia, en novembre 1901, la pièce, retravaillée de fond en comble par l’auteur.

Tête d’or tenant tant à cœur à Paul Claudel que celui-ci, craignant d’être trahi, refusa, à tout homme de théâtre, le droit de mettre en scène son œuvre. Ce ne fut qu’en 1959, quatre ans après son décès, que Jean-Louis Barrault, qui venait d’être nommé directeur de Odéon-Théâtre de France, osa programmer la pièce... Avant que le rideau ne soit levé, au soir de la première représentation, le jeune poète Henri Pichette rendit hommage à l’ancien jeune poète Paul Claudel en présentant le spectacle au public : « Tête d’or ! Le premier phénomène que je constate est celui de la provocation de la jeunesse. Voyons, Tete d’Or est inspirée à un poète de vingt et un ans, - ainsi marque-t-il au coin du génie sa majorité civile, - puis il parfait l’œuvre entre vingt-cinq et vingt-six ans, il la pousse aux limites de l’inspiration la plus profonde et de la plus large santé possible. Car il se veut d’une santé insolemment totale, Claudel jeune. Il se nourrit d’Homère, d’Eschyle, de Virgile, de Dante, de Shakespeare, et permettez, il écrit sous de tels auspices. C’est tout bonnement fatal qu’il dispose la Terre comme une table à la mesure de sa soif, de sa faim et de son désir, tous trois immenses... » 1

Au théâtre de l’Odéon, les rôles principaux furent tenus par Alain Cuny et par le jeune comédien Laurent Terzieff. Ce fut un véritable triomphe.

Tête d'or, Alain Cuny Laurent Terzieff
Tête d'or
Alain Cuny et Laurent Terzieff
in Barraud-Renaud, Paris, notre siècle
(photo DR)
Coll. part.

En 1897, Paul Claudel écrivit une œuvre nouvelle : La Ville. 2 Interviewé cinquante ans plus tard, il déclara : «  La Ville représentait pour moi un ennemi dont je voulais me délivrer... » Non satisfait de son œuvre, en 1901, il en récrivit une seconde version.

Il fallut attendre le 20 juin 1955, alors que Paul Claudel était décédé depuis plus de cinq mois, pour que Jean Vilar se permette de monter la pièce, au Festival d’Avignon avec Maria Casarès, Alain Cuny et Georges Wilson.


La Ville
Maquettes de costumes de Léon Gischia pour le III éme acte
Maria Casarès et Alain Cuny

in Théâtre en France
Collections A.R.T.

1 Henri Pichette Cahiers Renaud-Barrault février 1968
2 cf Quelques pièces

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