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Maurice Clavel

par Geneviève LATOUR

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Maurice Clavel. Collections A.R.T.

ou Un provocateur témoin de son temps

(1920 – 1979)
1. Un destin imprévisible
2. Un touche-à-tout intellectuel
3. Les Succès et les revers aux théâtres
4. Les Adaptations
5.  Quelques pièces
6. Oeuvres dramatiques

Homme d’enthousiasme que nul événement ne laissait indifférent. Passionné pour une cause, au moindre doute, il était capable de s’éprendre de la cause contraire avec la même vigueur.

  1. Un destin imprévisible

Fils d’un père pharmacien, votant à droite, Maurice Clavel naquit le 10 novembre 1920 à Frontignan, petite bourgade de l’Hérault célèbre pour son muscat. Rien ne semblait prédisposer l’enfant à une carrière d’écrivain. Sa destinée, comme celle de la plupart des jeunes frontignanais, le prédestinait à devenir un petit commerçant dans sa ville natale. Épicier, boulanger, fruitier, poissonnier, etc… Tel était apparemment son avenir.

Brillant élève, après avoir été reçu au baccalauréat, l’adolescent entra à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où il prépara son agrégation de philosophie. En 1940, tandis qu’il préparait une thèse sur Kant, influencé par sa famille, le jeune homme, s’inscrivit au Parti populaire français (P.P.F) sous la houlette du fasciste Jacques Doriot qui lui fit rencontrer le journaliste maurassien Pierre Boutand. Nommé au secrétariat de l’Instruction Publique, ce dernier engagea le jeune Clavel à venir travailler avec lui au service du Maréchal Pétain. Cette offre fut acceptée avec grand enthousiasme. Les jours passant, en 1942, Clavel perdit ses illusions et sans aucune hésitation se jeta à corps perdu dans la Résistance, sous le nom d’emprunt de Sinclair. Il fit alors la connaissance d’une future jeune comédienne de seize ans, Silvia Monfort, qu’il entraîna avec lui. Tous deux participèrent à la Libération de Chartres où fut accueilli le Général de Gaulle en août 1944.

L’Armistice signé, le vent tourna. Il ne s’agissait plus de rechercher et de condamner les résistants, mais de punir les anciens collaborateurs : ce fut l’odieuse « épuration’’. Quoique très admirateur du Général de Gaulle, Clavel n’était pas d’accord au sujet de cette décision, considérant que les partisans de Vichy, durant la guerre, avaient pour excuse leur bonne foi. Certes, ils s’étaient trompés de chemin en voulant servir leur pays, mais il fallait les pardonner. Lorsque Robert Brasillach, ancien rédacteur en chef de Je suis partout, organe pro-nazi, fut condamné à mort, Maurice Clavel fut l’un des premiers écrivains à signer la pétition de recours en grâce adressée au Général de Gaulle. Devenu président du gouvernement provisoire, ce dernier refusa d’accorder la demande et Robert Brasillach fut fusillé le 6 février 1945, à l’âge de trente et un ans. Le suicide d’un autre écrivain fort apprécié lui aussi, Pierre Drieu La Rochelle, qui préféra se donner la mort plutôt que d’être traîné devant le tribunal, bouleversa profondément Clavel.

La guerre terminée, Maurice et Silvia, de plus en plus amoureux l’un de l’autre, se marièrent. Épris de sa jeune épouse, Maurice Clavel écrivit à son intention sa première pièce : Les Incendiaires (1), une magnifique et dramatique histoire d’amour se passant sous la Résistance. Mise en scène par Jean Vernier, la pièce fut montée au Théâtre des Noctambules en avril 1946. Le spectacle, fort applaudi, fut récompensé par les prix Ibsen et Lugné-Poë de la S.A.C.D (2). Le premier rôle revint, évidemment, à Silvia. Malheureusement la jeune actrice, victime d’un grave accident pendant une répétition, dut être remplacée par Françoise Gaudray.
Dans les années d’après-guerre, le Parti Communiste était considéré comme le premier parti de France. Sollicité, Clavel se refusa d’y adhérer. Il fut alors accusé par le PCF « d’être la voix de Goebbels » (3). Il était temps pour le jeune écrivain de s‘expliquer en ayant son propre journal. Ce fut L’Essor, en collaboration avec l’ancien Compagnon de la Libération, le royaliste Henri d’Astier de La Vigerie.

Alors que Jean Vilar, qui fondait en 1943 le Festival d’Avignon, confia le poste de Secrétaire général de sa nouvelle compagnie à Maurice Clavel et mit en scène sa seconde pièce : La Terrasse de Midi, Clavel présentait ainsi son œuvre : « Je me suis demandé ce que pourrait devenir le personnage d’Hamlet dans le monde moderne. A l’heure où toutes les lois morales, religieuses et sociales, qui soutenaient les liens de Shakespeare, sont pratiquement abolies, à l’heure où l’on ne parle même plus des « droits de la chair » tant ils ont perdu leur forme revendicatrice pour s’installer dans la consécration, il semble qu’il y ait entre Hamlet et sa mère une situation nouvelle qui vaut la peine d’être traitée dramatiquement ».

Bien que Jean Anouilh ait conseillé à d’éventuels spectateurs d’aller voir cette pièce : « Dans dix ans, vous serez fiers d’être de ceux qui l’ont découverte ! », le spectacle ne rencontra pas le succès espéré. Ce demi-échec, d’une part, et la séparation avec Silvia Monfort, de l’autre, plongèrent Maurice Clavel dans une tristesse qu’il croyait inconsolable.

(1) Cf : Quelques pièces
(2) S.A.C.D. : Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.
(3)  Ministre du IIIème Reich, proche collaborateur d’Hitler

2. Un touche-à-tout intellectuel

Mais le jeune écrivain avait en lui un tel désir de vivre qu’il s’empressa de réagir. Il devint professeur de philosophie aux lycées Camille Sée et Buffon. Invité par Emmanuel Berl, il collabora à une émission radiophonique quotidienne : Qui êtes-vous ?  Dans le même temps, il débuta une sérieuse carrière de journaliste en s’impliquant dans le quotidien Combat. Ce journal, né clandestinement pendant la guerre, avait réuni les signatures d’écrivains célèbres, comme celles d’Albert Camus, Jean-Paul Sartre et André Malraux. En 1956, Clavel prit position contre l’invasion de la Hongrie par les chars soviétiques et quelques mois plus tard, opposé à la torture en Algérie, il soutint la conduite du Général de Gaulle.
Toutefois en 1965, ayant retrouvé la foi dans le catholicisme, il désira abandonner toutes ses activités politiques. Clavel ne se concentra plus qu’à sa carrière de journaliste.

Plus tard, Charles de Gaulle déçut Maurice Clavel lors de l’affaire Ben Barka (1).  Le jeune journaliste signa un article remarquable à ce sujet dans Le Monde du 15 juin 1988, et entra comme chroniqueur judiciaire dans l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur.

(1)  Figure politique du mouvement anticolonialiste du Maroc, Ben Barka, opposé au roi Hassan II, fut enlevé boulevard St Germain devant la brasserie Lipp puis assassiné. On ne retrouva jamais son corps. L’affaire se passa pendant la campagne de réélection du Général de Gaulle. Ce dernier minimisa l’affaire prétendant que les services des Renseignements Secrets Français n’avaient pas été informés.

3. Les Succès et les revers aux théâtres

Quand ses activités politiques lui laissaient quelques loisirs, Maurice Clavel ne manquait pas de s’adonner avec plaisir à sa vocation d’auteur dramatique. Ce fut ainsi qu’en 1949, il écrivit Snap, que le jeune metteur en scène Daniel Leveugle mit en scène au Studio des Champs-Élysées fin décembre 1959. Cette pièce composa la première partie d’un spectacle. Elle racontait l’histoire d’un homme et d’une femme perdus au milieu de l’incendie d’une ville américaine. Tout d’abord, ils se mentirent sur leurs propres identités et finirent par se dire la vérité. Ils découvrirent alors leur commune aversion pour la civilisation occidentale. En 1980, la pièce fut reprise par Silvia Monfort dans son théâtre, le Carré Silvia Monfort. Quoique séparés depuis plusieurs années, Maurice et Silvia restèrent de grands amis, et la comédienne tint très fréquemment des rôles principaux dans les spectacles de son ancien mari.

Au cours de la saison 1951, Jean-Louis Barrault mit en scène, au théâtre Marigny, la nouvelle œuvre de Maurice Clavel : Maguelone (1),  tragédie en partie en vers, que l’auteur présenta ainsi dans Le Populaire du 7 Mai : « J’ai situé l’action en 1940 par goût, par souvenirs personnels et aussi parce que je cherche depuis longtemps, au prix de bien des fautes et pas mal d’échecs, à écrire une tragédie moderne ». Le spectacle, qui fut un insuccès, disparut bientôt de l’affiche pour être remplacé par L’Amphitryon de Molière.

Après cet échec, Clavel était en droit d’espérer prendre sa revanche avec son œuvre suivante : Canduela. Ce fut une nouvelle déception. Tout en reconnaissant à l’auteur d’indéniables qualités dramatiques, la critique dans son ensemble lui reprochait son verbiage prétentieux. Seul Robert Kemp, sinon conquis, du moins indulgent, écrivit dans Le Monde : « C’est son excès, évidemment, qui gêne les auditeurs. Ils n’ont pas reconnu une tragédie eschylienne… Nous attendons toujours Clavel… ».

En avril 1946, Maurice Clavel avait eu l’occasion d’assister à la répétition générale de Des Souris et des Hommes au Théâtre de l’Élite, boulevard des Batignolles. Ce fut pour lui une révélation et il n’eut plus qu’un désir, rencontrer Jacques Hébertot et être joué dans son théâtre. Son rêve se réalisa bientôt. Il fit la connaissance du « maître » et un coup de foudre d’amitié naquit immédiatement entre l’exceptionnel homme de théâtre et le jeune dramaturge. Maurice Clavel admirait Jacques Hébertot et ce dernier était heureux d’avoir découvert un jeune auteur plein de talent. Ce fut ainsi que le 4 octobre 1954, le rideau du Théâtre Hébertot se leva sur Balmaseda, inspiré d’une œuvre de l’auteur espagnol, Jacinto Benavente. Il s’agissait cette fois de l’amour d’une jeune fille, Manuela, pour Carlos, un homme plus âgé qu’elle d’une vingtaine d’années, ancien amant de sa mère, Léonor, et qui avait été trahi par cette dernière. Marguerite Jamois, alors directrice du Théâtre Montparnasse, signa la mise en scène et interpréta le rôle de Léonor. À l’excellent acteur, Jacques Dumesnil, fut réservé le rôle de Carlos.

Le spectacle reçut un accueil mitigé du public, et la critique, comme à l’accoutumée, ne fut pas unanime. Les uns applaudirent, tel que Jean-Jacques Gautier : « J’ai naguère dit avec assez de sincérité tout ce que je pensais du langage inextricable qu’il (Maurice Clavel) avait adopté dans ses derniers ouvrages pour avoir le droit de me réjouir aujourd’hui de le voir revenir à une conception plus saine et plus intelligente de son art ». D’autres, comme Max Favalelli, furent sévères : « Pourquoi ai-je eu, durant toute la représentation, l’impression de me trouver, il y quarante ans, à la Porte Saint-Martin ou à la Renaissance, à une époque où les épigones du Théâtre Libre avaient mis leur hardiesse à la portée d’un public bourgeois ?». Quant à Jacques Hébertot, quoique admiratif de la pièce, il ne se faisait guère d’illusion : « Comme je n’ai pas manqué de le dire à l’auteur, je ne crois pas que sa pièce fasse beaucoup d’argent… »(2)  Hélas, il avait raison : « Les 680 fauteuils sont loin d’être occupés chaque soir. À la trentaine, le bilan financier se révèle malheureusement conforme aux intuitions de Jacques Hébertot »  
Ce demi-échec n’altéra pas les sentiments d’amitié que les deux hommes se portaient mutuellement. Jacques Hébertot créa, en avril 1957, un hebdomadaire consacré aux arts, dénommé, Artaban. Pourquoi ce titre ? : « Parce que nous sommes fiers » répondit le maître. Pour lui, ce journal fut l’occasion de retravailler encore avec ce jeune écrivain auquel il portait un très vif intérêt.

En dépit de ses non–réussites au théâtre, Maurice Clavel ne se découragea pas et, en collaboration avec Jacques Panijel (4) , il se lança dans l’écriture de La Tragédie des Albigeois qui s’appela plus simplement Les Albigeois. C’est une fresque dramatique relatant une croisade qui au début du XIIème siècle ensanglanta le midi de la France. Le spectacle, monté par Raymond Hermantier, au deuxième festival de Nîmes, ne comprenait pas moins de cinquante figurants, engagés sur place. Les principaux rôles étaient tenus par Jean-Louis Trintignant, Jean Deschamps et Stéphane Audran. Le succès de « ce western pour évêques » selon Jean-Louis Barrault, fut prodigieux et le spectacle fut repris l’année suivante au troisième festival de Nîmes.

Alors, Maurice Clavel crut avoir trouvé sa voie : le grand spectacle et non plus ces histoires d’amour banales et souvent insipides. « On m’avait commandé, raconta-t-il, une œuvre sur Jeanne d’Arc pour le cinquième centenaire de sa réhabilitation – alors que j’envisageais un drame sur Charles VI. Je pensais faire tenir les deux ensemble, 1380-1430. Mais pour ces cinquante ans on m’accordait deux heures et quart de spectacle. Force fut de trouver un procédé (…) Jeanne d’Arc n’avait pas seulement sauvé la France d’une occupation militaire mais aussi et surtout du désespoir frénétique. J’imaginai que le premier salut était dû à son action, le second à sa passion : martyre, adjuration, agonie solitaire. Dès lors tout s’organisait ainsi : au seuil de l’enfer, dans une dernière danse macabre, la Mort fouette et fouaille un peuple damné de lui-même. Mais alors qu’elle semble maquerelle du Diable, en fait et en secret, elle est allée à Dieu pour le salut des humains et va « enseigner » Satan… » (5).
Le spectacle, affiché sous le titre d’Imagerie en trois moments, fut mis en scène par Raymond Hermantier, à l’occasion des cérémonies commémoratives de Domrémy en 1955.

Neuf ans plus tard, le jeune metteur en scène, Bernard Jenny, présenta un drame sacré, signé Maurice Clavel : Saint Euloge de Cordoue, tout d’abord à Esch-sur-Alzette, ville du Luxembourg avant de reprendre le spectacle à Paris, au théâtre du Vieux-Colombier, dont les décors seront signés Claude Perset. Dans une Espagne du IXème siècle, occupée par les Arabes et à la veille de recevoir la prêtrise, Euloge rencontra Flora dont il tomba amoureux. Craignant de perdre son âme, il entraîna la jeune fille à se convertir. Néanmoins, quand il eut réussi sa mission, il quitta Flora alors qu’elle allait mourir sainte et martyre.
La pièce, d’inspiration claudélienne, fut accueillie avec intérêt par le public catholique qui avait applaudi chaleureusement l’auteur du Soulier de Satin.

(1)  Cf : Quelques pièces.
(2) Antoine Andrieu-Guitrancourt, Serge Bouillon  Jacques Hébertot, le Magnifique
(3) Antoine Andrieu-Guitrancourt, Serge Bouillon Jacques Hébertot, le Magnifique
(4) Jacques Panijel, né en septembre 1922, écrivain, cinéaste, auteur dramatique.
(5)  Confession de Maurice Clavel, édition du Manteau d’Arlequin – Gallimard 27 mai 1966.

4. Les Adaptations.

Le 2 octobre 1965, le théâtre Sarah Bernhardt afficha avec succès une adaptation d’Antoine et Cléopâtre, signée Maurice Clavel. Ce n’était pas la première fois que l’auteur travaillait sur certaines pièces étrangères. En 1948, le théâtre Saint-Georges avait présenté l’adaptation de : Si je meurs de Robert E. Sherwood. Ainsi en fut-il pour l’Électre de Sophocle, pour trois pièces de l’auteur italien Ugo Betti : Pas d’amourL’Île aux Chèvres et Le JoueurLe Songe de Strindberg eut l’honneur d’être programmé en 1970 à la Comédie-Française dans une adaptation de Maurice Clavel, qui mérita de très élogieuses critiques  dont celle de Georges Lerminier dans Le Parisien libéré.

Un révolté légendaire

En mai 1968, Clavel ne put rester indifférent à l’agitation révolutionnaire étudiante. Il se porta en première ligne lors des manifestations du Quartier Latin et, s’associant aux leaders de la révolution, il souhaita partir à l’assaut du palais de l’Élysée. Dans le même temps, il n’oublia pas de devenir maoïste. Pour lui, les idées extrémistes n’étaient nullement incompatibles avec les sentiments religieux. Il quitta son poste de professeur et fut remercié de son poste de critique à la radio et à la télévision. Il poursuivit son engagement au Nouvel Observateur et signa des articles pour Combat. Il profita de ses heures de liberté pour tourner un court métrage à la gloire des journées de mai 1968, film qu’il intitula Le Soulèvement de la vie.

Certes M. Clavel jouissait d’une certaine notoriété dans le monde des lettres, mais il lui fallut attendre le 13 décembre 1971, pour devenir célèbre dans la France entière, grâce à une émission publique télévisée : À Armes Égales, regardée par de nombreux téléspectateurs.
Invité comme réalisateur du film Le Soulèvement de la Vie, il avait face à lui, en tant que contradicteur, Jean Royer, Maire de Tours et député conservateur. L’émission était conduite par le jeune présentateur Alain Duhamel. Maurice Clavel, crut devenir fou lorsqu’il constata qu’une phrase de son dialogue soulignant « l’aversion du Président de la République (1)  pour la Résistance française » avait été censurée. Il se leva alors, salua la société et  déclara « Messieurs les Censeurs, bonsoir… » en grand seigneur, puis sortit. Stupeur sur le plateau ! On dut interrompre l’émission. Maurice Clave, deviendra un personnage légendaire que l’on n’oubliera jamais…

Le Romancier

Fini les pièces de théâtre ! Clavel se consacra dorénavant au journalisme et à l’écriture de romans. Il publia, aux éditions B. Grasset, Le Tiers des étoiles ou On ne sait pas quel ange pour lequel il obtint le Prix Médicis 1972.

Après avoir quitté Paris et s’être installé dans le village d’Asquins, à quelques kilomètres de Vézelay, il poursuivit sa carrière de romancier. Il signa des ouvrages d’obédience catholique : Ce que je crois en 1975, Dieu est Dieu, nom de Dieu en 1976, Nous l’avons tous tué ou Ce juif de Socrate aux éditions du Seuil, en 1977, Deux chez Lucifer en 1979 et, sentant que la mort n’était pas loin : La Suite appartient à d’autres en 1979.
Maurice Clavel ne se trompa pas. Quelques mois plus tard, le 23 avril 1979, terrassé par une crise cardiaque, il s’éteignit dans sa maison de Bourgogne.

(1) Georges Pompidou.

5. Quelques pièces

Les Incendiaires

Pièce créée le 12 avril 1946, au Théâtre des Noctambules, interprétée par Jacques François, Françoise Gaudray, José Quaglio, Max Palenc. Mise en scène : Jean Vernier.

La pièce obtint le Prix Ibsen.

Analyse
Un homme, blessé et traqué par la Gestapo, cherche refuge chez des amis de son père; une jeune femme jusqu’alors insouciante, sentira s‘éveiller en elle à la fois un sentiment passionné pour l’inconnu et la soif du sacrifice. A la fin, l’homme devra se livrer aux Allemands afin de retrouver la jeune femme qui s’était fait arrêter pour le rejoindre.

Critiques
« La naissance de Maurice Clavel est presque passée inaperçue et pourtant c’est la naissance la plus authentique, la plus troublante et la plus réconfortante que nous ayons eue au Théâtre depuis très longtemps ».
Jean Cocteau Arts  22 mai 1946.

« La pièce que l’on joue tous les soirs au Théâtre des Noctambules est l’œuvre d’un très jeune auteur, Maurice Clavel, qui a été un des as de la Résistance. Elle est écrite dans un style sobre, assuré, pénétrant, qui révèle un tempérament dramatique. Le dialogue est toujours émouvant, intelligent et prend souvent le spectateur à la gorge. Il faut retenir le nom de Maurice Clavel. Ce début excellent nous permet d’attendre beaucoup de ses prochaines œuvres ».
Georges Huisman La France au Combat 9 mai 1946.

« Les personnages sont bien de notre temps, crispés, angoissés, noués et retenus. Il s’agit d’un ouvrage un peu primaire mais attachant, assez bien construit et d’une sobriété souvent émouvante. On attend la deuxième pièce de Maurice Clavel ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro

« La langue dramatique de Maurice Clavel est assez exceptionnelle. Tendue, serrée résonnant comme un cliquetis d’arme, elle nous offre des scènes aussi artificielles que les plus mauvais moments du théâtre de Steve Passeur dont le dialogue est de la même race.».
André Frank Le Populaire 15 avril 1946.

« Les Incendiaires de  Maurice Clavel sont parfaitement à leur place au théâtre des Noctambules en plein Quartier Latin, car c’est le type même de la pièce d’intellectuels ».
Pol Gaillard Les Lettres Françaises 19 avril 1946.

«C’est un ouvrage de début mais qui révèle à n’en pas douter un dramaturge authentique… ».
Gabriel Marcel Les Nouvelles littéraires 2 avril 1946.

« La retenue et la pudeur avec lesquelles Clavel évoque la vie traquée des clandestins nous changent agréablement des grandes machines plus ou moins officielles que l’on nous sort en maintes occasions ».
X…  La Croix 24 avril 1946.

« Il est pénible que la première pièce d’une certaine valeur, placée dans le cadre de la Résistance, nous offre de celle-ci une image dans laquelle la très grande majorité des patriotes refusent heureusement de se reconnaître. Nous attendons toujours l’auteur qui saura traiter ce grand sujet comme il le mérite ».
Pol Gaillard Les Lettres Françaises 19 avril 1946.

Maguelone

Pièce créée le 4 avril 1951 au théâtre Marigny, interprétée par Jean-Louis Barrault, Jean Servais, Élina Labourdette, Silvia Monfort et Madeleine Renaud. Mise en scène de Jean-Louis Barrault.

Analyse

L’action se passe à la fin de l’exode de 1940. Un politicien réactionnaire habitait depuis cinq ans, en pleine campagne, dans une cabane isolée, avec une petite gitane qu’il avait recueillie. Un jour, il fit la connaissance d’un vieil homme, politicien de gauche, juif de surcroît, qui avait une fille de vingt ans. Ils espèrent tous deux trouver un passeur qui leur permette de fuir en Afrique. Un conflit violent s’élève entre les deux hommes. L’un est favorable à la dictature, l’autre l’exècre. L’homme de droite hésite à dénoncer le vieux socialiste.

Critiques
« Notre consternation parviendrait de la faiblesse en soi du texte signé du même qui écrivit Les Incendiaires ».
J. Gandrey-Rety Ce Soir 7 avril 1951.

« Que pensez-vous que puisse donner ce heurt imprévu entre deux vieux adversaires politiques ? Une de ces discussions comme en ont retenti souvent le café du Commerce ou  la buvette de la Chambre et dont les immuables arguments alimentent encore de nos jours, à la radio, la tribune des journalistes parlementaires ».
Max Favalelli Paris-Presse 8 avril 1951.

« On dit que les Résistants sont atterrés par ce spectacle et je ne m’en étonne pas. Provocation ou sabotage ? ».
Charles Mauban Rivarol 12 avril 1951.

« Je respecte les efforts, je mesure la passion d’un Jean-Louis Barrault, mais je suis parfois atterré de ses erreurs. Elles sont à la hauteur de ses enthousiasmes. Il s’agit d’une obscure confrontation entre des schémas de personnages. De cette confrontation naît un choc idéologique d’une verbosité diluvienne et d’une inextricable confusion. Ce dialogue a la clarté d’un poussier ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 7 avril 1951.

« J’aurais mieux fait de ne pas aller à cette soirée ou de rester dans ma baignoire. Il a fallu la complète ineptie de Maurice Clavel et le cabotinage de ses interprètes, Barrault en tête, pour me faire sortir dans les couloirs du théâtre ».
Paul Léautaud, son Journal avril 1951.

« Maurice Clavel, sans lui sacrifier dans ses pièces l’action dramatique, entend conserver sa primauté au verbe. Il ne pouvait nous le prouver audacieusement qu’avec Maguelone, tentative manquée mais courageuse de tragédie moderne en vers. Ceux qui reprochent à son théâtre d’être « littéraire » ou « verbeux » trouvèrent dans cette pièce leur plus large cible ».
Gilles Quéant Théâtre de France N°1.

6. Oeuvres dramatiques

Les Incendiaires, Théâtre des Noctambules, 1946.
La Terrasse de Midi, Festival d’Avignon, 1947.
Snap, Studio des Champs-Élysées, 1949.
Maguelone, Théâtre Marigny, 1951.
Canduela, Théâtre de l’Humour, 1953.
Balmaseda, Théâtre Hébertot, 1954.
Les Albigeois, Arènes de Nîmes, 1955.
La Grande pitié du royaume de France, (Fête de Jehanne d’Arc) Domrémy, 1956.
Saint Euloge de Cordoue, Théâtre du Vieux-Colombier, 1965.