Fils d’un père pharmacien, votant à droite, Maurice Clavel naquit le
10 novembre 1920 à Frontignan, petite bourgade de l’Hérault célèbre pour son muscat. Rien ne semblait prédisposer l’enfant à une
carrière d’écrivain. Sa destinée, comme celle de la plupart des jeunes frontignanais, le prédestinait à devenir un petit commerçant
dans sa ville natale. Épicier, boulanger, fruitier, poissonnier, etc... Tel était apparemment son avenir.
Brillant élève, après avoir été reçu au baccalauréat, l’adolescent entra à l’École Normale
Supérieure de la rue d’Ulm où il prépara son agrégation de philosophie. En 1940, tandis qu’il préparait une thèse sur Kant, influencé
par sa famille, le jeune homme, s’inscrivit au Parti Populaire Français (P.P.F) sous la houlette du fasciste Jacques Doriot qui lui
fit rencontrer le journaliste maurassien Pierre Boutand. Nommé au secrétariat de l’Instruction Publique, ce dernier engagea le jeune
Clavel à venir travailler avec lui au service du Maréchal Pétain. Cette offre fut acceptée avec grand enthousiasme. Les jours passant,
en 1942, Clavel perdit ses illusions et sans aucune hésitation se jeta à corps perdu dans la Résistance, sous le nom d’emprunt de Sinclair.
Il fit alors la connaissance d’une future jeune comédienne de seize ans, Silvia Monfort, qu’il entraîna avec lui. Tous deux
participèrent à la Libération de Chartres où fut accueilli le Général de Gaulle en août 1944.
L’Armistice signée, le vent tourna. Il ne s’agissait plus de rechercher et de condamner les
résistants, mais de punir les anciens collaborateurs : ce fut l’odieuse « épuration’’. Quoique très admirateur du Général de Gaulle,
Clavel n’était pas d’accord au sujet de cette décision, considérant que les partisans de Vichy, durant la guerre, avaient pour excuse
leur bonne foi. Certes, ils s’étaient trompés de chemin en voulant servir leur pays, mais il fallait les pardonner. Lorsque Robert
Brasillach, ancien rédac teur en chef de Je suis partout, organe pro-nazi, fut
condamné à mort, Maurice Clavel fut l’un des premiers écrivains à signer la pétition de recours en grâce adressée au Général de
Gaulle. Devenu président du gouvernement provisoire, ce dernier refusa d’accorder la demande et Robert Brasillach fut fusillé le 6
février 1945, à l’âge de trente et un ans. Le suicide d’un autre écrivain fort apprécié lui aussi, Pierre Drieu La Rochelle, qui
préféra se donner la mort plutôt que d’être traîner devant le tribunal, bouleversa profondément Clavel.
La guerre terminée, Maurice et Silvia, de plus en plus amoureux l’un de l’autre, se marièrent. Épris
de sa jeune épouse, Maurice Clavel écrivit à son intention sa première pièce : Les Incendiaires , une magnifique et dramatique histoire d’amour se passant sous la Résistance. Mise en scène
par Jean Vernier, la pièce fut montée au Théâtre des Noctambules, en avril 1946. Le spectacle, fort applaudi, fut récompensé par les
prix Ibsen et Lugné-Poë de la S.A.C.D . Le
premier rôle revint, évidemment, à Silvia. Malheureusement la jeune actrice, victime d’un grave accident pendant une répétition, dut
être remplacée par Françoise Gaudray.

Les Incendiaires
Jean Vernier, Silvia Monfort et Maurice Clavel
in Petites scènes grands théâtre de G. Latour
(photo DR)
Dans les années d’après-guerre, le Parti Communiste était considéré comme le premier parti de
France. Sollicité, Clavel se refusa d’y adhérer. Il fut alors accusé par le PCF « d’être la voix de Goebbels » . Il était temps pour le jeune écrivain de s‘expliquer en ayant
son propre journal. Ce fut L’Essor, en collaboration avec l’ancien Compagnon de la Libération, le royaliste Henri d’Astier de
La Vigerie.
Alors que Jean Vilar, qui fondait en 1943 le Festival d’Avignon, confia le poste de Secrétaire
Général de sa nouvelle compagnie à Maurice Clavel et mit en scène sa seconde pièce : La Terrasse de Midi. Clavel présentait
ainsi son œuvre : « Je me suis demandé ce que pourrait devenir le personnage d’Hamlet dans le monde moderne. A l’heure où toutes
les lois morales, religieuses et sociales, qui soutenaient les liens de Shakespeare, sont pratiquement abolies, à
l’heure où l’on ne parle même plus des «droits de la chair » tant ils ont perdu leur forme revendicatrice pour s’installer dans la
consécration, il semble qu’il y ait entre Hamlet et sa mère une situation nouvelle qui vaut la peine d’être traitée
dramatiquement ».
Bien que Jean Anouilh ait conseillé à d’éventuels spectateurs d’aller voir cette pièce : « Dans
dix ans, vous serez fiers d’être de ceux qui l’ont découverte ! », le spectacle ne rencontra pas le succès espéré. Ce demi
échec, d’une part, et la séparation avec Silvia Monfort, de l’autre, plongèrent Maurice Clavel dans une tristesse qu’il croyait
inconsolable.