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Extrait

LES PARENTS TERRIBLES

 

Depuis la fin de la guerre de 1914, nombre de mères veuves avait reporté un amour abusif sur leur grand fils. Parfois, le père était encore de ce monde, mais faible et inexistant, d’où les rapports mère-fils toujours excessifs. Quand l’amour se présente au jeune homme sous l’aspect d’une autre femme, celle-ci est naturellement détestée par la mère et si cette belle personne a eu antérieurement des faiblesses pour le père…

SCÈNE VII
YVONNE, LÉO, MADELEINE

Madeleine : Son pouls est très faible... il est égal, mais très faible.

Léo : Je sentais quelque chose... je le sentais.

Madeleine, elle s'écarte du lit : C'est ma faute. Ma place n'est pas ici. Je dois partir.

Léo : Partir ?

Madeleine : Quitter Michel, Madame.

Léo : Ne soyez pas stupide. Restez. Je vous l'ordonne. Du reste, Michel va avoir besoin de vous, comme Georges aura besoin de moi.

Silence.

Yvonne : Je t'entends, Léo.

Léo : Qu'est-ce que tu entends ?

Yvonne : Je t'ai entendue. Tu as oublié que je pouvais t'entendre.

Léo : Entendu quoi ?

Acte III, scène VII

Yvonne : Fais l'innocente. On veut se débarrasser de moi... on veut...

Léo : Yvonne !

Yvonne : Je me suis empoisonnée et je vous empoisonnerai. Je vous empoisonnerai, Léo ! Je vous ai vus... je vous ai vus là-bas, dans le coin, je vous ai vus tous. On voulait me mettre au rancart, on voulait, on voulait... on voulait... Mik ! Mik !

Léo, criant : Georges !

SCÈNE VIII
YVONNE, LÉO, MADELEINE, GEORGES plus MICHEL

Georges, il rentre par le fond à gauche : Le professeur est à la campagne. Ils envoient un interne...

Léo : Georges, Yvonne a le délire...

Yvonne : Je n'ai pas le délire, Léo. On voulait m'évincer, me plaquer, me laisser en plan. J'ai compris. Je par-le-rai.

Georges, il embrasse Yvonne sur les lèvres : Du calme... du calme.

Yvonne : Voilà combien d'années que tu ne m'embrasses plus sur la bouche ? Tu m'embrasses pour me fermer la bouche...

Georges, il essaie de la faire taire en la caressant : Là... là... là...

Yvonne : Je vous empoisonnerai. Je vous dénoncerai. Je dirai à Mik...

Michel, il entre en coup de vent : Personne. On ne répond pas.

Yvonne : Michel ! Écoute-moi... Écoute-moi, Michel ! Je ne veux pas... je ne veux pas... je veux... je veux que tu saches...

Léo, pendant les cris d'Yvonne : Michel, ta maman délire. Retéléphone à la clinique. Ma petite Madeleine, je vous en supplie, aidez-le. Jamais il ne se débrouillera seul. Vite, vite, ne traînez pas.

Elle les pousse dehors, par la porte du fond à gauche, pendant les répliques suivantes.

Acte III, scène IX
YVONNE, LÉO, GEORGES

Yvonne : Restez ! Restez ! Je vous l'ordonne ! Mik ! Mik ! On te trompe ! On t'écarte. C'est un prétexte. Les misérables ! Je ne vous laisserai pas profiter de votre sale besogne !

Léo, au pied du lit, terrible : Yvonne !

Yvonne : C'est toi, toi qui as tout manigancé. Tu voulais ma mort, tu voulais rester seule avec Georges.

Georges : Quelle horreur...

Yvonne : Oui, quelle horreur ! Et je...je...

Elle retombe.

Georges : Pourvu que l'interne arrive... Si Michel prenait une voiture.

Léo : II se croiserait avec l'interne.

Georges : Mais que faire ? que faire ?

Léo : Attendre...

Yvonne, ouvrant les yeux : Mik ! tu es là ? Où es-tu ?

Georges : II est là... il va venir.

Yvonne, d'une voix douce : Je ne serai pas méchante... Je ne voulais pas... je vous voyais tous, dans le coin... J'étais seule, seule au monde. On m'avait oubliée. J'ai voulu vous rendre service. Ma tête tourne, Georges, redresse-moi. Merci... Léo, c'est toi ? Et cette petite... je l'aimerai... Je veux vivre. Je veux vivre avec vous. Je veux que Mik...

Léo : Tu verras ton Mik heureux... Reste tranquille. Le médecin arrive... nous te gardons.

Yvonne, un recul : Quoi ? C'est vous ! C'est encore vous ! Et toi, et Georges ! Qu'on les arrête. Qu'on m'interroge. Ah ! Ah ! Ils crèvent de peur. Vous, ne me touchez pas ! ne m'approchez pas. Qu'ils viennent ! Qu'ils viennent ! Qu'ils entrent !... Michel ! Michel ! Au secours ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! (Elle hurle.) Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Michel ! Mik ! Mik ! Mik ! Mik ! Mik !...

Elle s'immobilise.

Georges et Léo, pendant les cris d'Yvonne : Yvonne, je t'en conjure. Couche-toi. Repose-toi. Tu vas te tuer. Tu vas te tuer de fatigue. Écoute-moi... Écoute-nous... aide-nous...

Léo a saisi un des oreillers tombés par terre pendant qu'Yvonne se débat. Elle veut lui soulever la tête, se redresse lentement, laisse tomber l'oreiller et regarde Georges.

Georges : C'est impossible...

Il se laisse glisser, la figure dans les draps et les châles.

SCÈNE X
YVONNE, LÉO, GEORGES, MADELEINE, MICHEL

Michel, il entre avec Madeleine, par le fond : Impossible d'obtenir quoi que ce soit. Je descends...

Léo : Inutile, Michel.

Michel : Fiche-moi la paix !

Léo, après un grand silence : Ta mère est morte.

Michel : Quoi ?

Il reste frappé de stupeur, avance vers le lit.

Georges : Mik, mon pauvre Mik...

Michel : Sophie...

Léo s'est écartée, seule, jusqu'à l'extrême gauche.

Léo : Le voilà votre milieu. Vous donneriez n'importe quoi pour qu'Yvonne soit vivante... et pour la torturer après.

Michel, dressé vers Léo : Léo !

Georges : Michel ! Tu oublies que tu es chez ta mère.

Acte III, scène X

Michel, frappant du pied : II n'y a pas de mère. Sophie est une camarade. (Il s'élance vers le lit.) Maman, dis­leur. Ne m'as-tu pas répété mille fois...

Madeleine, qui est restée clouée par ce spectacle : Michel ! Tu es fou...

Michel : Dieu ! J'avais oublié... J'oublierai toujours. (Il s'effondre, contre le lit.) Jamais je ne comprendrai. Jamais.

On sonne dans le vestibule. Léo traverse la scène et sort par le fond à droite. Madeleine met sa tête contre celle de Mik.

Madeleine : Michel... Michel. Mon chéri...

Léo, elle rentre : C'était la femme de ménage. Je lui ai dit qu'ici elle n'avait rien à faire, que tout était en ordre.

Rideau

 

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