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Les débuts d’une carrière féconde

La paix retrouvée, Roland Dubillard est appelé , comme les autres garçons de son âge, à effectuer un court service militaire à Limoges. Dès son retour à la vie civile, il s’inscrit au cours de théâtre dirigé par Jean-Louis Barrault. Il y rencontre Jean Vilar, le mime Marceau, ainsi qu’une jeune comédienne Michèle Dumésy dont il tombe amoureux. Néanmoins, il s’engage dans le Théâtre aux Armées et s’en va en Autriche jouer devant les troupes d’occupation françaises. Il se produit dans Le Mal court de Jacques Audiberti et dans Les Monstres : Il ne faut pas boire son prochain, l’une de ses propres œuvres.

1947, de retour à Paris, Roland Dubillard fait la connaissance de Jean Tardieu, chargé de l’émission Les Extrèmes se touchent au Club d’Essai de la Radiodiffusion Française. Tardieu est conquis par la tournure d’esprit du jeune auteur.  Il lui commande l’écriture de sketches et crée à la radio L’Art du Mélodrame, la petite pièce signée Dubillard.

Les anciens amis de la Maison des Lettres ne se sont pas oubliés. Alain Resnais, débutant cinéaste, demande à Roland de co-écrire avec un autre camarade, Remo Forlami, le scénario de son court métrage L’Alcool tue et d’y participer en temps que comédien. L’année suivante Romain Weingarten fait engager le comédien Dubillard dans son spectacle Akara, pièce d’avant-garde très controversée : « Une bataille d’Hernani »  dira Jacques Audiberti.

L’année 1949 sera l’année du bonheur. Le 15 janvier Roland épousera Michèle Dumésy, et en juillet naîtra son premier petit garçon, Jérôme, suivi quatorze mois plus tard d’un second enfant, Stéphane. Bien que responsable d’un foyer, Dubillard ne cesse d’écrire. Il rédige les premières esquisses d’une future pièce : ...Où boivent les vaches et signe des textes de présentation d’émissions pour la Télévision Française qui n’est en encore qu’au stade expérimental .

Alors que Roland Dubillard vient de terminer la première version d’une nouvelle pièce Naïves Hirondelles, Jean Tardieu lui commande une œuvre à tendance insolite pour la radio. Se disant inspiré par le dessin imprimé sur les boîtes bleues des Favorites Gitanes, Dubillard raconte l’aventure d’un homme poursuivant en automobile une femme qui prend un bain de lait dans une calèche. Ce sera Si Camille me voyait : « une espèce de comédie, écrite en couplet et jouée sur le ton de l’opérette, mais non chantée. Cependant il y aura quelques accompagnements musicaux pour l’atmosphère» 1 . Jean-Marie Serreau, le courageux directeur du Théâtre de Babylone, s’éprend de ce petit acte farfelu et l’affiche en seconde partie de son nouveau spectacle en mai 1953. Le comédien Dubillard interprète naturellement le rôle principal, le personnage de Laurent de Vitpertuise. La presse est divisée. La Farfeluchade 2 irrite certains mais d’autres comme Georges Lerminier sont conquis : « La pièce offre le charme d’une fantaisie qui semble née de la rencontre inattendue de Musset et de Desnos ». 3

Si Camille me voyait de Roland Dubillard
Si Camille me voyait
Décor de Jacques Noël
maquette originale

Collection A.R.T.

Cette année-là, Roland Dubillard devait rencontrer Philippe de Chérisey, Marquis Philippe de Cherisey, devrait-on écrire, qui , dans un pied de nez, avait quitté sa noble famille pour devenir Amédée, un comédien blagueur et un auteur de canulars. Engagé par la station France-Inter pour animer chaque jour une émission bouffonne de quelques minutes, il fait appel à Roland Dubillard. Ainsi naîtra le célèbre duo Grégoire et Amédée. Tous les soirs de 18h cinquante-cinq à dix neuf heures les postes de radio diffusent cinq minutes d’exubérantes absurdités, pour la joie du plus grand nombre d’auditeurs.

Pris dans un tourbillon de projets plus insolites les uns que les autres, Roland Dubillard ne cesse d’écrire . Il compose La Méditation sur la difficulté d’être en bronze, commence à rédiger La Manufacture qui deviendra son œuvre maîtresse sous le titre de La Boîte à outils. Engagé au théâtre de la Gaîté Montparnasse il joue différents rôles dans Crinolines et Guillotines, comédie d’Henri Monnier, mis en scène par la directrice du théâtre Christine Tsingos.

En 1956, Dubillard écrit une nouvelle L’épisode dont il tirera sa comédie …Où boivent les vaches. Il s’attaque également aux premières répliques d’une nouvelle comédie  : Les Domestiques qui deviendra La Maison d’Os : «  Un petit bout du Journal des Goncourt m’a fourni un prétexte  ». 4

Depuis quelques mois, un nouvel amour est apparu dans la vie de Roland , il s’agit de la jeune Nicole Ladmiral, devenue célèbre en 1950 par son interprétation de Melle Chantal dans le film de Robert Bresson, Le Journal d’un curé de campagne. Ils auront ensemble une petite fille Ariane.

 

Le comédien double l'auteur dramatique

Le bonheur sera de courte durée. Le 11 avril 1958, Nicole Ladmiral meurt brutalement. Le divorce d'avec Michèle est prononcé. Il ne reste plus à Roland que sa petite Ariane.

De 1959 à 1961, le nom Roland Dubillard ne cesse d’être affiché en temps que comédien. Il reprend tout d’abord le rôle de Cesareo Grimaldi dans Tchin-Tchin de François Billetdoux au Théâtre de Poche-Montparnasse. Il rencontre bientôt l’actrice, Arlette Reinerg, directrice du cabaret La Contrescarpe. Celle-ci l’engage ainsi son compère Ph. Cherisey pour interpréter les sketchs de Grégoire et Amédée. Le cabaret est une très bonne école pour le comédien Dubillard. Il apprend alors à être constamment en rapport avec le public et à ne pas le lâcher.

Réalisatrice très active, Arlette Reinerg ne cesse d’avoir des projets. Elle monte au théâtre de Poche-Montparnasse Mademoiselle Julie et Il ne faut pas jouer avec le feu de Strinberg. et ensuite Le Tricycle de Fernando Arrabal. Roland Dubillard est des trois distributions. Il se lance à son tour dans la mise en scène avec La Sainte de Julia Chamorel. Arlette Reinerg le distribue à nouveau dans deux sketchs de René de Obaldia. L’auteur n’était qu’à moitié satisfait de la prestation du comédien : « Roland Dubillard joue, sous le pseudonyme de Grégoire, le rôle du Roi dans Le Grand Vizir : remarquable. Mais lent, trop lent dans l’autre numéro Le Poivre de Cayenne. Manifestement Dubillard avait été créé pour jouer Dubillard .» 5

En octobre 1961, donnant raison à René de Obaldia,   Roland Dubillard aura la joie de tenir le rôle principal dans une de ses propres pièce : Naïves Hirondelles 6. Le spectacle déchaina l’enthousiasme d’André Roussin : « Je lis des pièces toutes les nuits. Je ne sais combien d’âneries me tombent des mains. Je suis prêt à en lire encore beaucoup pour avoir peut-être la joie de découvrir un Roland Dubillard et ses Naïves hirondelles. Pour ce bonheur improbable je donnerai cent nuits !  »7 et celui d’Eugène Ionesco : « Comme je voudrais pouvoir rendre compte de la beauté de cette œuvre avec la précision, la puissance par laquelle Dubillard rend compte de l’atrocité de l’ennui ». 8

Naïves hirondelles de Roland Dubillard
Naïves hirondelles
Décor de Jacques Noël
maquette originale

Collection particulière de Jacques Noël

C’est au théâtre de Lutèce, qu’en novembre 1962 , toujours sous la direction d’Arlette Reinerg, Roland Dubillard interpréta le personnage du Maître dans sa comédie La Maison d’Os .9

De retour à Paris, après une tournée internationale de deux années , au cours de laquelle Dubillard se fit applaudir à la fois dans Naïves Hirondelles et dans La Maison d’os, il se remit au travail et entreprit les dialogues d’ une nouvelle comédie : Le Jardin aux betteraves.

La lecture de Belcher’s luck, ouvrage de l’écrivain anglais David Mercer enchanta Roland. Il décida alors de la traduire sous le titre : La chance de Belcher. Il rencontra à cette occasion Maria Machado la compagne de l’auteur. La pièce ne sera enregistrée et diffusée par France Culture qu’en 1972.

Alors qu’en 1966, le cinéaste Jean-Pierre Mocky avait engagé Roland Dubillard pour tourner un petit bout de film, dans Les Compagnons de la Marguerite, en 1968, il lui confia un rôle plus important - celui du professeur de gymnastique - dans La Grande lessive.

En 1969 au Théâtre de Lutèce, Roland Dubillard met en scène sa pièce Le Jardins aux Betteraves 10, une satire des Maisons de la Culture, dans laquelle il se distribue le personnage du musicien Guillaume, hanté par Beethoven. Ce fut un succès, le public se montra très chaleureux.

Le Jardin aux betteraves de Roland Dubillard
Le Jardin aux betteraves
Décor de Jacques Noël
maquette originale

Collection particulière de Jacques Noël

Toujours à l’affut de découvrir les ouvrages d’auteurs étrangers, Dubillard s’enthousiasma pour l’œuvre de l’américain Mac Lure The Beard et l'adapte sous le titre français de John Harlow contre Billy the Kid. La pièce sera affichée au théâtre de Poche-Montparnasse dans une mise en scène d’ Antoine Bourseiller.

Jean Harlow contre Billy the kid
Collection A.R.T.

1969 -1970, depuis quelques années, la Télévision française a pris son envol. Les programmes proposés sont variés et les soirées théâtrales ont de quoi enchanter les possesseurs de postes émetteurs. Roland Dubillard est engagé pour jouer sur le petit écran le rôle de Moitié Cerise dans L’Été de Romain Weingarten et quelques mois plus tard le personnage de Matamore dans L’Illusion Comique de Corneille

Dans le petit théâtre de la rue Mouffetard, L’Épée de Bois, Dubillard présenta, en 1970, sa nouvelle comédie  : Les Crabes ou les Hôtes et les Hôtes dans laquelle il interpréta le personnage de Monsieur : « C’est une pièce axée sur l’art de manger, sur l’acte d’avaler, de dévorer. Il s’agit d’une villa au bord de la mer qui doit être louée parce que les occupants sont des jeunes gens - une jeune fille et un jeune homme – qui n’ont pas d’argent. Les locataires qui arrivent prennent toute la place, finissent parc créer des désordres graves... 11 » En première partie du programme, Dubillard jouait dans Massacrons Vivaldi la pièce de David Mercer, dont il avait écrit la version française en collaboration avec Maria Machado . Il ne s’en tiendra pas là, en 1971 , il traduit une nouvelle œuvre de l’écrivain américain : Haggerty, où es-tu ? que montera André Barsacq, au théâtre de l’Atelier et dans laquelle, il jouera le principal rôle masculin.

Haggerty, où es-tu ? de David Mercer
Collection A.R.T.

 

1 Le Monde, interview de Roland Dubillard mai 1953
2 Le Figaro Jean-Jacques Gautier 21 mai 1953
3 Le Parisien Libéré 22 mai 1953
4 France-Observateur, entretien de Roland Dubillard avec Claude Sarraute 29 novembre 1962
5 René de Obaldia Revue d’Esthétique, éditions Jean-Michel Place 1998
6 cf Quelques pièces
7 Le Figaro André Roussin 29 novembre 1961
8 Combat Eugène Ionesco janvier 1962
9 cf Quelques pièces
10 cf Quelques pièces

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