Retour

Roland Dubillard

par Geneviève Latour

Retour

Roland Dubillard (le Maître) dans "La Maison d'os", Studio des Champs-Elysées, 1979 copyright Photo Germaine Lot

ou Le Triomphe d’une divagation réaliste
(1923 – 2011)

Auteur dramatique, poète, comédien, Roland Dubillard avait reçu le don d’être à la fois tout et son contraire. Dans son regard bleu pâle délavé, on lisait la malice, la douceur, mais aussi le désespoir, la froideur, l’indifférence, la gentillesse, la nonchalance, l’impatience, l’interrogation … Tantôt comparable à un sphinx, tantôt à un clown, il était indéfinissable. Perpétuellement aux aguets, il savait lier la tendresse et l’exaspération, le burlesque et le pathétique. À la fois illogique et rationnel, extravagant et réaliste, musical et prosaïque, son théâtre imposait les évidences et les certitudes de l’auteur à d’un public conquis par le charme de ses mystifications imprévisibles.

  1. Une enfance victime de la crise économique
  2. Les Débuts d’une carrière féconde
  3. Roland Dubillard s’officialise
  4. Le Temps de la consécration et des épreuves
  5. Quelques pièces
  6. Oeuvres dramatiques
  7. Extrait des « Diablogues »

                                             1.Une enfance victime de la crise économique

    L
    e 2 décembre 1923 naquit à Paris, dans l’immeuble bourgeois du 114 rue du Bac, un petit garçon que l’on prénomma Roland. Son père, Henri Dubillard, était un négociant ; un de ses oncles, Monseigneur Virgile Dubillard, évêque de Quimper, deviendra quelque temps plus tard archevêque de Chambéry. Bientôt une petite sœur Christiane naîtra et deviendra la compagne de jeux préférée de son grand frère.
    Ainsi se présentait une famille, on ne peut plus bourgeoise.
    Lorsque l’enfant eut cinq ans, les activités commerciales de M. Dubillard obligèrent les siens à déménager et à s’installer à Marseille.
    1929, la crise économique… Les affaires vont mal, un retour à Paris semble s’imposer. Cette solution n’est malheureusement pas la bonne et deux ans plus tard, la famille Dubillard réintègre Marseille et emménage au 404 rue Paradis.
    Ses affaires ne cessant de péricliter Henri Dubillard ne put éviter la faillite.
    En 1936, il est tué dans un accident d’automobile. Le jeune Roland n’oubliera jamais : « À la mort de mon père, j’avais treize ans. Il était en faillite. Toute la famille – mon grand-père maternel et mes oncles – est venue et j’avais vraiment l’impression que mon père n‘était rien du tout. Et en même temps j’avais une haine féroce contre mon grand-père et mes oncles ». 1
    À la suite de ce drame, M. Dehé, le père de Germaine Dubillard, accueille provisoirement sa fille ainsi que ses deux petits enfants dans sa maison de Saint-Mandé. Bientôt Germaine et sa progéniture s’installeront à Paris au 111, boulevard Saint-Michel. Roland entre alors au lycée Louis le Grand : «  Le parti que j’ai pris de faire une activité complètement superflue et inutile m’est venu en classe de 3ème déjà. J’avais quatorze ou quinze ans, j’ai commencé à m’amuser avec les mots, à faire des dissertations qui parfois choquaient le professeur parce qu’elles étaient bourrées d’astuces et de sous-entendus. Puis après j’ai eu un professeur de français qui m’a encouragé dans cette voie… ». 2

    L’Étudiant et la Maison des Lettres

    Après avoir obtenu son bachot, Roland entre à la Sorbonne pour préparer une licence de philosophie. Dans le même temps, il s’inscrit à la Maison des Lettres et s’y fait de nouveaux amis, Pierre Dumayet, Alain Resnais, le futur dramaturge Romain Weingarten. L’étudiant découvre à la fois les romans noirs américains, l’existentialisme mais aussi les Concertos brandebourgeois. Il participe activement aux animations théâtrales, organisées par le directeur de l’École, Pierre-Aimé Touchard, futur administrateur de la Comédie-Française. C’est avec enthousiasme que le jeune Dubillard écrit ses premières œuvres qui sont mises en scène sur place à la Maison des Lettres. Ce sont de courtes pièces dans lesquelles l’auteur interprète les rôles principaux: X assassine à minuit trenteConjonctureL’Art du mélodrameLe Martyr de Sainte Agnès, Les Noces de Catherine.
    Mais la France est en guerre, Roland ne l’oublie pas et s’engage bientot dans la Résistance avec les Francs-Tireurs.

    1 Entretien avec Robin Wilkinson 5 mai 1979
    2 idem

                                                    2. Les  débuts d’une carrière féconde

    La paix retrouvée, Roland Dubillard est appelé comme les autres garçons de son âge à effectuer un court service militaire à Limoges. Dès son retour à la vie civile, il s’inscrit au cours de théâtre dirigé par Jean-Louis Barrault. Il y rencontre Jean Vilar, le mime Marceau, ainsi qu’une jeune comédienne Michèle Dumésy dont il tombe amoureux. Néanmoins, il s’engage dans le Théâtre aux Armées et s’en va en Autriche jouer devant les troupes d’occupation françaises. Il se produit dans Le Mal court de Jacques Audiberti et dans Les Monstres : Il ne faut pas boire son prochain, l’une de ses propres œuvres.

    1947, de retour à Paris, Roland Dubillard fait la connaissance de Jean Tardieu, chargé de l’émission Les Extrêmes se touchent au Club d’Essai de la Radio diffusion française. Tardieu est conquis par la tournure d’esprit du jeune auteur.  Il lui commande l’écriture de sketches et crée à la radio L’Art du Mélodrame, la petite pièce signée Dubillard.

    Les anciens amis de la Maison des Lettres ne se sont pas oubliés. Alain Resnais, débutant cinéaste, demande à Roland de co-écrire avec un autre camarade, Remo Forlami, le scénario de son court métrage L’Alcool tue et d’y participer en temps que comédien. L’année suivante, Romain Weingarten fait engager le comédien Dubillard dans son spectacle Akara, pièce d’avant-garde très controversée : « Une bataille d’Hernani »  dira Jacques Audiberti.

    L’année 1949 sera l’année du bonheur. Le 15 janvier Roland épousera Michèle Dumésy, et en juillet naîtra son premier petit garçon, Jérôme, suivi quatorze mois plus tard d’un second enfant, Stéphane. Bien que responsable d’un foyer, Dubillard ne cesse d’écrire. Il rédige les premières esquisses d’une future pièce : …Où boivent les vaches et signe des textes de présentation d’émissions pour la Télévision Française qui n’est en encore qu’au stade expérimental .

    Alors que Roland Dubillard vient de terminer la première version d’une nouvelle pièce Naïves Hirondelles, Jean Tardieu lui commande une œuvre à tendance insolite pour la radio. Se disant inspiré par le dessin imprimé sur les boîtes bleues des Favorites Gitanes, Dubillard raconte l’aventure d’un homme poursuivant en automobile une femme qui prend un bain de lait dans une calèche. Ce sera Si Camille me voyait : « une espèce de comédie, écrite en couplet et jouée sur le ton de l’opérette, mais non chantée. Cependant il y aura quelques accompagnements musicaux pour l’atmosphère» 1 . Jean-Marie Serreau, le courageux directeur du Théâtre de Babylone, s’éprend de ce petit acte farfelu et l’affiche en seconde partie de son nouveau spectacle en mai 1953. Le comédien Dubillard interprète naturellement le rôle principal, le personnage de Laurent de Vitpertuise. La presse est divisée. La Farfeluchad2 irrite certains mais d’autres comme Georges Lerminier sont conquis : « La pièce offre le charme d’une fantaisie qui semble née de la rencontre inattendue de Musset et de Desnos ». 3

    Cette année-là, Roland Dubillard devait rencontrer Philippe de Chérisey, Marquis Philippe de Cherisey, devrait-on écrire, qui , dans un pied de nez, avait quitté sa noble famille pour devenir Amédée, un comédien blagueur et un auteur de canulars. Engagé par la station France-Inter pour animer chaque jour une émission bouffonne de quelques minutes, il fait appel à Roland Dubillard. Ainsi naîtra le célèbre duo Grégoire et Amédée. Tous les soirs de 18h cinquante-cinq à dix neuf heures les postes de radio diffusent cinq minutes d’exubérantes absurdités, pour la joie du plus grand nombre d’auditeurs.

    Pris dans un tourbillon de projets plus insolites les uns que les autres, Roland Dubillard ne cesse d’écrire . Il compose La Méditation sur la difficulté d’être en bronze, commence à rédiger La Manufacture qui deviendra son œuvre maîtresse sous le titre de La Boîte à outils. Engagé au théâtre de la Gaîté Montparnasse il joue différents rôles dans Crinolines et Guillotines, comédie d’Henri Monnier, mis en scène par la directrice du théâtre Christine Tsingos.

    En 1956, Dubillard écrit une nouvelle L’épisode dont il tirera sa comédie …Où boivent les vaches. Il s’attaque également aux premières répliques d’une nouvelle comédie  : Les Domestiques qui deviendra La Maison d’Os : «  Un petit bout du Journal des Goncourt m’a fourni un prétexte  ». 4

    Depuis quelques mois, un nouvel amour est apparu dans la vie de Roland , il s’agit de la jeune Nicole Ladmiral, devenue célèbre en 1950 par son interprétation de Melle Chantal dans le film de Robert Bresson, Le Journal d’un curé de campagne. Ils auront ensemble une petite fille Ariane.

    Le comédien double l’auteur dramatique

    Le bonheur sera de courte durée. Le 11 avril 1958, Nicole Ladmiral meurt brutalement. Le divorce d’avec Michèle est prononcé. Il ne reste plus à Roland que sa petite Ariane.

    De 1959 à 1961, le nom Roland Dubillard ne cesse d’être affiché en temps que comédien. Il reprend tout d’abord le rôle de Cesareo Grimaldi dans Tchin-Tchin de François Billetdoux au Théâtre de Poche-Montparnasse. Il rencontre bientôt l’actrice, Arlette Reinerg, directrice du cabaret La Contrescarpe. Celle-ci l’engage ainsi son compère Ph. Cherisey pour interpréter les sketchs de Grégoire et Amédée. Le cabaret est une très bonne école pour le comédien Dubillard. Il apprend alors à être constamment en rapport avec le public et à ne pas le lâcher.

    Réalisatrice très active, Arlette Reinerg ne cesse d’avoir des projets. Elle monte au théâtre de Poche-Montparnasse Mademoiselle Julie et Il ne faut pas jouer avec le feu de Strinberg. et ensuite Le Tricycle de Fernando Arrabal. Roland Dubillard est des trois distributions. Il se lance à son tour dans la mise en scène avec La Sainte de Julia Chamorel. Arlette Reinerg le distribue à nouveau dans deux sketchs de René de Obaldia. L’auteur n’était qu’à moitié satisfait de la prestation du comédien : « Roland Dubillard joue, sous le pseudonyme de Grégoire, le rôle du Roi dans Le Grand Vizir : remarquable. Mais lent, trop lent dans l’autre numéro Le Poivre de Cayenne. Manifestement Dubillard avait été créé pour jouer Dubillard .» 5

    En octobre 1961, donnant raison à René de Obaldia, Roland Dubillard aura la joie de tenir le rôle principal dans une de ses propres pièces : Naïves Hirondelles 6. Le spectacle déchaîna l’enthousiasme d’André Roussin : « Je lis des pièces toutes les nuits. Je ne sais combien d’âneries me tombent des mains. Je suis prêt à en lire encore beaucoup pour avoir peut-être la joie de découvrir un Roland Dubillard et ses Naïves hirondelles. Pour ce bonheur improbable je donnerai cent nuits !  »7 et celui d’Eugène Ionesco : « Comme je voudrais pouvoir rendre compte de la beauté de cette œuvre avec la précision, la puissance par laquelle Dubillard rend compte de l’atrocité de l’ennui ». 8

C’est au théâtre de Lutèce, qu’en novembre 1962 , toujours sous la direction d’Arlette Reinerg, Roland Dubillard interpréta le personnage du Maître dans sa comédie La Maison d’Os .9
De retour à Paris, après une tournée internationale de deux années, au cours de laquelle Dubillard se fit applaudir à la fois dans Naïves Hirondelles et dans La Maison d’os, il se remit au travail et entreprit les dialogues d’ une nouvelle comédie : Le Jardin aux betteraves.

La lecture de Belcher’s Luck, ouvrage de l’écrivain anglais David Mercer enchanta Roland. Il décida alors de la traduire sous le titre : La chance de Belcher. Il rencontra à cette occasion Maria Machado la compagne de l’auteur. La pièce ne sera enregistrée et diffusée par France Culture qu’en 1972.
Alors qu’en 1966, le cinéaste Jean-Pierre Mocky avait engagé Roland Dubillard pour tourner un petit bout de film, dans Les Compagnons de la Marguerite, en 1968 il lui confia un rôle plus important – celui du professeur de gymnastique – dans La Grande lessive.

En 1969 au Théâtre de Lutèce, Roland Dubillard met en scène sa pièce Le Jardins aux Betteraves 10, une satire des Maisons de la Culture, dans laquelle il se distribue le personnage du musicien Guillaume, hanté par Beethoven. Ce fut un succès, le public se montra très chaleureux.
Toujours à l’affut de découvrir les ouvrages d’auteurs étrangers, Dubillard s’enthousiasma pour l’œuvre de l’américain Mac Lure The Beard et l’adapte sous le titre français de John Harlow contre Billy the Kid. La pièce sera affichée au théâtre de Poche-Montparnasse dans une mise en scène d’ Antoine Bourseiller.

1969 -1970, depuis quelques années, la Télévision française a pris son envol. Les programmes proposés sont variés et les soirées théâtrales ont de quoi enchanter les possesseurs de postes émetteurs. Roland Dubillard est engagé pour jouer sur le petit écran le rôle de Moitié Cerise dans L’Été de Romain Weingarten et quelques mois plus tard le personnage de Matamore dans L’Illusion Comique de Corneille

Dans le petit théâtre de la rue Mouffetard, L’Épée de Bois, Dubillard présenta, en 1970, sa nouvelle comédie  : Les Crabes ou les Hôtes et les Hôtes dans laquelle il interpréta le personnage de Monsieur : « C’est une pièce axée sur l’art de manger, sur l’acte d’avaler, de dévorer. Il s’agit d’une villa au bord de la mer qui doit être louée parce que les occupants sont des jeunes gens – une jeune fille et un jeune homme – qui n’ont pas d’argent. Les locataires qui arrivent prennent toute la place, finissent par créer des désordres graves… 11 » En première partie du programme, Dubillard jouait dans Massacrons Vivaldi, la pièce de David Mercer, dont il avait écrit la version française en collaboration avec Maria Machado. Il ne s’en tiendra pas là, en 1971 , il traduit une nouvelle œuvre de l’écrivain américain : Haggerty, où es-tu ? que montera André Barsacq au théâtre de l’Atelier et dans laquelle il jouera le principal rôle masculin.

1 Le Monde, interview de Roland Dubillard mai 1953
2 Le Figaro Jean-Jacques Gautier 21 mai 1953
3 Le Parisien Libéré 22 mai 1953
4 France-Observateur, entretien de Roland Dubillard avec Claude Sarraute 29 novembre 1962
5 René de Obaldia Revue d’Esthétique, éditions Jean-Michel Place 1998
6 cf Quelques pièces
7 Le Figaro André Roussin 29 novembre 1961
8 Combat Eugène Ionesco janvier 1962
9 cf Quelques pièces
10 cf Quelques pièces

                                                                  3. Roland Dubillard s’officialise
C’est alors que la pièce des débuts : Si Camille me voyait a l’honneur d’entrer au répertoire de la Comédie- Française dans une mise en scène de Jean Piat.
En décembre de l’année suivante, ce sera au théâtre Récamier que la comédie, écrite en 1956 … Où boivent les vaches sera affichée. Interprétée par la compagnie Jean-Louis Barrault – Madeleine Renaud, et mise en scène par Roger Blin : « Mon héros est un grand artiste, peintre , architecte , sculpteur. Un jour on lui fait une farce : on lui offre une lyre en lui disant que c’est une hache. C’est le point de départ de son désarroi. Tout ce qui l’entoure devient faux à ses yeux et à ses oreilles. Le langage perd son sens. Il voudrait se détacher de tout, se débarrasser même de son nom. Il se réfugie à la campagne, où boivent les vaches, mais la nature se métamorphose en square… ». 12

En novembre 1973, Roland Dubillard reçoit de l’Académie du cinéma le Grand  Prix d’interprétation pour son rôle dans le film de Yannick Bellon : Quelque part, quelqu’un…, tourné l’année précédente, et en 1974, il obtient le Grand Prix de l’Humour noir Xavier Forneret, à l’occasion de la sortie de sa nouvelle Olga, ma vache 13.

L’année 1975 sera une année heureuse et très féconde. Le 26 février Roland Dubillard épouse Maria Machado. En outre, il réalise enfin un projet qui lui tient à coeur depuis des années : la mise en scène d’un spectacle composé d’un patchwork de sketches en chantier depuis 1947. En fait, ce sont des dialogues farfelus que les fantaisistes Grégoire et Amédée auraient pu échanger. Jacques Seiler, admirateur du comédien Dubillard : « … Sa présence et le caractère inattendu de son jeu, je ne vois qu’un acteur qui le dépasse en cela, Buster Keaton »14 avait présenté au Théâtre Montparnasse quelques numéros du manuscrit,sous différents titres : Le Gobe-DouilleAfter Show. Cette fois c’était un tout, une véritable représentation intitulée Les Diablogues. La création eut lieu au Théâtre de la Michodière, sous la direction de Jean Chouquet 15 Roland Dubillard eut pour partenaire Claude Piéplu. Le spectacle connut un grand retentissement

Les metteurs en scène de cinéma Jacques Baratier et Pierre Lecomte font bientôt appel au talent de Dubillard ; le premier lui confie le rôle d’un gardien d’immeuble HLM dans La Ville Bidon et le second l’engage pour le rôle d’un receveur d’autobus dans Les Vécés étaient fermés de l’intérieur. La même année, le réalisateur de télévision Michel Genoux tourne Naïves Hirondelles avec Maria Machado, Tatiana Moukhine, Bernard Fresson et l’auteur.
Le 22 janvier 1977, à la sortie du théâtre de l’Atelier, le critique Matthieu Galey écrivait dans le Quotidien de Paris : «  On n’est pas très sûr que cette croisière en Absurdie eût un terme. Peut-être n’aurait-elle jamais de fin. Nous étions sur un vaisseau spatial en route pour Bételgeuse, par les chemins vicinaux d’un espace illimité… ». Il venait d’assister à la répétition générale du nouveau spectacle : Bain de Vapeur, réunissant les comédiens Darry Cowl, Yvonne Clech, André Dussollier et l’auteur Roland Dubillard.

Écrire une pièce par-ci, écrire une nouvelle par-là, écrire des vers par ailleurs, pourquoi ne pas ne composer une œuvre qui serait à la fois un long poème, un film, un roman et un opéra? C’était un beau programme de Dubillard qui ne verra jamais le jour.

Par contre, tandis qu’il est engagé à la radio pour jouer dans La Soirée des Proverbes de Georges Schéhadé, avec l’accord de François Billetdoux, Guy Foissy, Jean-Claude Grumberg, Eugène Ionesco, René de Obaldia, Robert Pinget et Romain Weingarten, Dubillard décide de créer le mouvement  : Théâtre d’auteurs et de le faire reconnaître par le Ministère de la Culture.

L’année suivante, Roland Dubillard se consacre à la radio. Dans un premier temps, il décide avec son ami Romain Weingarten d’inventer une histoire : Aller-Retour. Alternativement chacun écrit une scène et les deux auteurs prennent un grand plaisir à leur collaboration. Vient ensuite l’écriture d’un scénario  Chiens de conserve : Par une lettre anonyme, le vieux Garbeau apprend le meurtre de sa fille. Il se saisit d’un révolver et tue son gendre. Or la fille n’est pas morte… suspens… Après être passée le 30 novembre 1978 sur la station de France-Culture, la pièce sera adaptée à la scène et jouée en 1996, au théâtre de la Passerelle de Gap puis, à Paris au théâtre 13.

En 1979, aidé de Maria Machado, Dubillard traduit l’œuvre de Carl Sternheim, La Culotte d’une jeune femme pauvre, qui sera affichée au Théâtre Saint-Georges. Après des démêlés avec le metteur en scène allemand, Roland Dubillard interprète du rôle principal de Scaron, décide de reprendre la direction de la pièce au lendemain de la première représention et d’en faire un succès.
1983, tandis que Roland Dubillard tourne dans le film La Belle Captive d’Alain Robbe-Grillet, Roger Planchon fait répéter sa pièce : … Où boivent les Vaches au T.N.P.
En 1986 sera créée au théâtre Lucernaire Des Chiens sous la minuterie.
Interviewé sur le comportement de l’auteur et du comédien Dubillard, le metteur en scène Charles Reale est plus qu’élogieux : « Je dois dire que je n’ai jamais vu meilleur interprète de son propre théâtre. Alors que dire aux autres acteurs pour qu’ils approchent au plus près, non seulement d’une bonne compréhension de l’œuvre de Dubillard, mais aussi de cette qualité d’interprétation qui lui donnait un côté humain si attachant ? La compréhension de son œuvre est accessible car Dubillard donne – au compte-goutte certes, mais finalement en abondance – toutes les indications nécessaires à ses acteurs ». 16

11 Roland Dubillard ( Texte du programme, lors de la reprise au Théâtre de la Bastille, en 1995 )
12 Présentation de Roland Dubillard pour la presse
13 Xavier Forneret humoriste (1809-1884) Le prix d’Humour noir – Xavier Forneret fut créé en 1954. Le jury de base était composé de Raymond Queneau, Pierre Dac, Eugène Ionesco,.. Le prix était décerné chaque mardi gras, à l’issue d’un déjeuner au restaurant Le Procope.
14 Jacques Seiler La Revue Esthétique Editions J.M. Place 1998
15 Jean Chouquet, (1926 -2009) producteur et réalisateur d’émissions radiophoniques
16 Charles Reale Revue d’esthétique Editions Jean-Michel Place 1998

                                                        4.   Le Temps de la Consécration et des Épreuves

1987, après avoir reçu le Léopard de bronze au Festival de Locarno pour son interprétation dans Poisons, film de Pierre Maillard, Roland Dubillard a le chagrin de perdre sa sœur bien-aimée, Christiane, dont le décès précèdera celui de sa mère.
À quelques temps de là, victime d’un accident vasculaire, Dubillard restera hémiplégique pour le restant de ses jours…
Handicapé, Roland ne se déplacera plus qu’en fauteuil roulant et ne jouera plus jamais la comédie. Retiré avec son épouse dans un village de l’Essonne, parfois il se force à travailler : « Après l’accident, j’ai recommencé à écrire par nécessité, pour me mettre en moi-même, une petite pièce. Mais cela me demandait trop de temps. Et puis, il faut y croire… ». 19
Néanmoins le nom de Dubillard ne quittera guère l’affiche des théâtres parisiens. Ses pièces seront reprises régulièrement.
En 1993, ce sera La Maison d’Os dans le cadre du Festival d’Automne et Les Diablogues, à la Maison de la Culture de Bobigny
En 1994 : Naïves Hirondelles par les Comédiens Français, au Vieux-Colombier.
En 1995, Dubillard se laisse convaincre de remettre lui-même en scène une reprise de sa comédie Les Crabes au Théâtre de la Bastille. Quelques mois plus tard, l’auteur reçoit Le Grand Prix du Théâtre de l’Académie Française.
En 1996 est adapté pour la scène du Théâtre 13 l’émission radiophonique des Chiens de Conserves.
En 1997, Pierre Chabert met en scène à La Maison de la Poésie La Boîte à Outils d’après le recueil de poèmes dont la rédaction avait débuté en 1954 et qui avait publiée aux éditions de l’Arbalète en 1985 .
L’année suivante, Roland Dubillard accepte de se rendre au Festival d’Avignon pour mettre en scène un montage de textes poétiques et dramatiques, intitulé Je dirai que je suis tombé.

Et puis… et puis… en 2003 ce sera une reprise de … Où boivent les Vaches et des Crabes ; en 2004 du Jardin des Betteraves dans une nouvelle mise en scène signée Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées; en 2005 reprise de Si Camille me voyait et représentation de Nouveaux Diablogues.
De 2007 à 2010, Les Diablogues seront affichés, à diverses occasions, sous la direction de différents metteurs en scène : Anne Bourgeois, Anne-Marie Pons, Eric de Staercke, Jean-Michel Ribes, Stéphane Eichenholc….
En 2008, Roland Dubillard reçoit le Molière du Meilleur Auteur.

Le mercredi 14 décembre 2011, le rideau tombait définitivement sur la scène. Roland Dubillard s’éteignait, entouré de son épouse Maria et de sa fille Ariane, comédiennes toutes deux qui veilleront sur le répertoire de l’auteur disparu.

19 Libération 30 mai 1995 interview de Roland Dubillard par Jean-Pierre Thibaudat

                                                                                         5. Quelques pièces

NAÏVES HIRONDELLES

Pièce en trois actes, créée le 16 octobre 1961, au Théâtre de Poche-Montparnasse, interprétée par Arlette Reinerg, Tania Balachova, Bernard Fresson, et Roland Dubillard ( Grégoire ), mise en scène d’Arlette Reinerg.

Analyse
Un soir d’automne, dans la boutique de bric-à-brac d’une vieille dame, Madame Sévérin, vivent deux charmants amis Bertrand et Fernand. Apparition d’une jeune fille, Germaine, qui cherche du travail en vendant des chapeaux. Son arrivée bouleverse l’ambiance et casse la complicité amicale du trio. Le plus jeune des garçons, Bertrand, part avec elle. Madame Séverin et Fernand attendent leur retour en vain…

Critiques
« Vous souvenez-vous de ses paroles radiophoniques avec son complice Amédée 1 Si je les évoque aujourd’hui ce n’est pas par manie, mais parce que Naïves Hirondelles rend à peu près le même son. C’est tout aussi lâché, parfois incohérent, et très bavard ; Et cependant on perçoit une logique interne fondée souvent sur l’absurde, et l’on ne peut être insensible à la récréation véritable, au détour de telle phrase, au hasard de telle situation, du quotidien, du banal. Et c’est fou ce que ça compte en définitive ».
Claude Olivier Les Lettres Françaises 2 novembre 1961

« Ce qui était amusant pendant des émissions de cinq minutes est encore très amusant, un peu à la manière des films des frères Marx, pendant un grand acte. Mais pendant trois heures ? D’autant que lorsque les personnages essaient de prendre un peu de consistance pour durer, c’est la prétention et son ombre, l’ennui , qui s’installe sur la scène ».
Robert Kanters L’Express 26 octobre 1961

« Qu’il y ait dans ces quatre heures quelques passages excellents et qui offrent quelques belles perspectives sur l’imbécilité humaine, sur la vulnérabilité humaine, sur l’impuissance humaine, passages qui auraient pu être signés Henri Monnier, ne suffit malheureusement pas à effacer une impression de fatigue et de lourdeur ».
Pierre Marcabru Arts 23 Octobre 1961

« Roland Dubillard a un humour très spécial et qui, si on n’entre pas d’emblée dans son jeu, risque de demeurer rigoureusement incompréhensible et, par-là même irritant. Pour moi, j’avoue que j’y suis très sensible, et, poursuivant les aveux, je reconnaîtrai que pendant la première demi-heure de ces Naïves Hirondelles, qui se jouent au Théâtre de Poche-Montparnasse, j’ai très exactement ri aux larmes. Cet humour tire ses plus heureux effets de l’emploi sage et dirigé de la nonchalance. Pendant cette demi-heure où je me suis tant amusé, il ne se passe rigoureusement rien et ce que l’on entend n’est rien d’autre que le tissu de lieux communs et idées reçues.(…) Mais naturellement cela ne peut être drôle, vraiment drôle, pendant beaucoup plus longtemps qu’une demi-heure…
Jacques Lemarchand Le Figaro Littéraire 28 octobre 1961

Critique après reprise :

« … Ces « quatre hirondelles », battant des ailes dans une arrière-boutique finissent par représenter toute la naïve agitation des hommes. Clownerie métaphysique, comme on l’a dit pour les gueux de Beckett, mais allusive, toujours rattachée au sensible, saisie par l’épaisseur bizarre des tracas quotidiens. Plus qu’à l’avant-garde parabolique des années 50, on songe au réalisme burlesque de Pinter 2, de Schisgal 3 ou d’Albee 4, avec un grain de folie qui n’appartient décidement qu’à Dubillard ».
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 2 octobre 1964

LA MAISON D’OS

Pièce en deux parties, créée le 22 novembre 1962 au Théâtre de Lutèce, interprétée par Roland Dubillard, Marc Eyraud, Grégoire ( Philippe de Chérisey ) Jacques Marchais, Denise Péron, Jacques Seiler, Arlette Reinerg, mise en scène par Arlette Reinerg.

Analyse
«Un vieil homme très riche, sans famille, sans enfants, beaucoup de domestiques…Il meurt comme ça, tout seul dans sa maison et les domestiques s’en moquent : ce n’est pas leur affaire. Il est abandonné. Et du fait que le maître disparaît, les serviteurs sont abandonnés à leur tour ». 5

Critiques
« Le comique de M. Dubillard, c’est celui de la logique qui se déboîte, du raisonnement rigoureux qui déraille, se déroute et nous déroute, celui de la pensée qui ne sait plus ce qu’elle pense. (…) Ce comique, comme celui de M. Ionesco, doit beaucoup à Ubu, à Alphonse Allais, à  Jean Tardieu, et à l’art anglo-saxon du nonsense, si difficile à acclimater en France. (…) On nous annonçait une grande danse macabre et ce n’est qu’une interminable partie d’osselets ».
Robert Kanters L’Express 28 novembre 1962

« Encourager pareille entreprise, c’est favoriser la dégénérescence de l’art dramatique ; c’est dire à tous ceux qui n’ont pas le souci de construire un ouvrage, de poser clairement une question, d’imaginer une intrigue plausible et captivante, de faire vivre et agir des personnages caractéristiques, c’est leur dire «  Vous avez raison : l’expression idéale, c’est le borborygme ! » Je ne peux pas me résoudre à le croire. Je ne puis, dusse-je passer pour le tenant d’une dramaturgie périmée, me résigner à approuver de semblables élucubrations. D’autant plus qu’elles sont monotones et d’une tristesse affreuse ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 23 novembre 1962

« Si l’avant-garde signifie théâtre d’auteur en liberté, Roland Dubillard confirme sa position d’éclaireur de pointe. Avec lui l’obsession personnelle ne se cherche même plus d’alibi dans la métaphore ou le symbole ; elle s’impose à l’état brut, obscure, évidente, géniale, stupide, tyrannique et impunie comme un caprice d’enfant(…) En soumettant totalement le spectacle à ses angoisses secrètes devant l’existence, puis en en masquant l’expression lyrique sous les caprices loufoques, Roland Dubillard semble avoir écrit sa pièce comme on fait une confidence, à la fois avec l’envie de tout dire à tout le monde et la peur d’être trop bien compris. Libre à chacun d’y voir une provocation obscure ou cet aveu de poète effrayé ».
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 23 novembre 1962

« Si je dis que c’est beau comme un dialogue socratique dans lequel s’exprimerait l’univers d’Edgar Poe, cela risque de n’attirer guère le public. Et il y aurait grand dommage, car c’est l’un des plus beaux textes que nous ayons entendu depuis longtemps. (…) Cette parole, apparemment incohérente et nonchalante, mais conduite de main de maître, nous fait entendre une confidence que la pudeur, justement, sous le masque des mots grossiers, rend plus proche et plus poignante. Confidence du personnage ou de Roland Dubillard ? Ne cherchons pas, c’est indiscret. (…)Mais telle qu’est cette pièce,  c’est l’honneur du Théâtre de Lutèce de l’avoir présentée ».
Gilles Sandier Arts 28 novembre 1962

LE JARDIN AUX BETTERAVES
Pièce en un acte, créée le 20 février 1969, au théâtre de Lutèce, interprétée par Roland Dubillard, Maria Machado, Fernand Berset, Roland Rimbaud, Roger Blin, mise en scène de l’auteur, décors de Jacques Noël.

Le Jardin aux betteraves
Collection A.R.T.

Analyse
Quatre musiciens ont été invités par M. Schwartz, directeur d’une Maison de Culture perdue dans un champ de betteraves, pour interpréter un quatuor de Beethoven. À leur arrivée, personne ne les accueille. Ils commencent à répéter. Ils sont dérangés à la fois par un violent orage et par mille bruits provenant de l’étage supérieur. Bientôt, ils sont le jouet d’étranges manifestations : la pièce dans laquelle ils sont rassemblés se transforme en un étui à violon, puis en chemin de fer, puis en sous-marin et en vaisseau spatial. Apparaît alors un curieux personnage, un certain Tirribuyenborrg, tandis que  Guillaume le premier violon s’identifie peu à peu à Beethoven. C’est alors que plafond s’effondre dans un violent et sinistre craquement.

Critiques
« Il faut beaucoup plus que du talent pour s’évader ainsi de toutes les « règles » de l’art dramatique, et cela sans aucune provocation, sans avoir l’air d’y toucher. Je serais l’un de ces farouches défenseurs du théâtre bien fait, du théâtre clair et bien français, je ne manquerais pas de m’inquiéter grandement de l’irruption de Dubillard sur la scène. Son théâtre est beaucoup plus révolutionnaire, plus à contre-courant de son temps que ne le fut le premier théâtre d’Ionesco ou le Capitaine Bada6 de Jean Vauthier. Mais il l’est d’une façon insidieuse ; il désarme les inquiétudes ; il y a dans ses bouffonneries lentes quelque chose de très rassurant. Le Jardin aux betteraves a été on ne peut mieux accueilli, ce dont je me réjouis fort ».
Jacques Lemarchand Le Nouvel Observateur 3 mars 1969

« M.Dubillard est un poète, un artiste, un homme plein de délicatesse, de tendresse, d’idées magnifiques et d’idées saugrenues. (…) Le Jardin aux betteraves raconte une histoire aussi féérique que La Tempête, aussi poignante que Hamlet. Quatre musiciens sont enfermés dans une espèce de grande boîte à violon. L’admirable est que M.Dubillard en les faisant simplement causer ensemble pendant trois heures, parvient à donner l’illusion d’une longue destinée, d’une aventure étonnante, d’une traversée de la vie où il y aurait tout ce qu’offre le monde : l’art, l’amour, le surnaturel, l’incompréhensible et toutes les subtiles correspondances de la sensibilité. Décidément, Le Lutèce est l’un des meilleurs théâtres de Paris ».
Jean Dutour France-Soir 22 février 1969

« Cette pièce, ce tohu-bohu de pièce, qui commence comme Anouilh, fait un détour par Huit-Clos 7, se termine comme En attendant Godot 8 tout en restant imprégnée de la personnalité un peu délirante de Roland Dubillard, cette pièce qui, je le répète, est longue, touffue, non-délabyrinthée, souvent agaçante et souvent « tunnellienne », regorge d’humour, d’un humour singulier ; elle est, en définitive, plus intéressante que rebutante ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 22 février 1969

« Voici une pièce qu’il faudra revoir au moins deux fois pour en débusquer les rêveuses trouvailles, les silences qui parlent, le comique et l’amertume narquoise ».
Matthieu Galey Combat 22 février 1969

« Des passages fulgurants, crypto-géniaux, des passages désopilants, où l’on rit beaucoup comme à des chansonniers devenus dingues, des passages oniriques où l’on ne sait plus du tout la différence entre un quatuor à cordes et un ferry-boat, des passages exquis, où faire la musique et faire l’amour s’attirent et s’opposent comme des aimants rapprochés puis inversés. Et puis des passages franchement longuets, où l’on écoute en imaginant que l’oreille est munie d’un bon crayon rouge qui sabre, qui sabre… Il aurait fallu sabrer trente bonnes minutes, un peu partout, effiler au rasoir tous ces cheveux qui dépassent, toutes ces saillies inutiles qui empêchent de voir et d’entendre les beautés de la pièce, certaines et déjà nombreuses ».
François-Régis Bastide Les Nouvelles Littéraires 27 février 1969

1 Allusion au duo radiophonique Grégoire et Amédée
2 Harold Pinter ( 1939 – 2008 ) auteur et metteur en scène britannique
3 Murray Schisgal ( 1926) auteur et acteur américain.
4 Edward Albee (1928) auteur américain
5 France Observateur Entretien de Roland Dubillard avec Claude Sarraute, 29 novembre 1962
6 Capitaine Bada pièce de Jean Vauthier, créée en 1952 au Théâtre de Poche
7 Huis Clos pièce de Jean-Paul Sartre, créée en 1944, au théâtre du Vieux Colombier
8 En attendant Godot pièce de Samuel Beckett, créée en 1953, au Théâtre de Babylone