NAÏVES HIRONDELLES
Pièce en trois actes, créée le 16 octobre 1961, au Théâtre de Poche-Montparnasse, interprétée par Arlette Reinerg, Tania Balachova, Bernard Fresson, et Roland Dubillard ( Grégoire ), mise en scène d’Arlette Reinerg.
Analyse
Un soir d’automne, dans la boutique de bric à braque, d’une vieille dame, Madame Sévérin, vivent deux charmants amis Bertrand et Fernand. Apparition d’une jeune fille, Germaine, qui cherche du travail en vendant des chapeaux. Son arrivée bouleverse l’ambiance et casse la complicité amicale du trio. Le plus jeune des garçons, Bertrand, part avec elle. Madame Séverin et Fernand attendent leur retour en vain…
Critiques
« Vous souvenez-vous de ses paroles radiophoniques avec son complice Amédée ? Si je les évoque aujourd’hui ce n’est pas par manie, mais parce que NaÏves Hirondelles rend à peu près le même son. C’est tout aussi lâché, parfois incohérent, et très bavard ; Et cependant on perçoit une logique interne fondée souvent sur l’absurde, et l’on ne peut être insensible à la récréation véritable, au détour de telle phrase, au hasard de telle situation, du quotidien, du banal. Et c’est fou ce que ça compte en définitive ».
Claude Olivier Les Lettres Françaises 2 novembre 1961
« Ce qui était amusant pendant des émissions de cinq minutes est encore très amusant, un peu à la manière des films des frères Marx, pendant un grand acte. Mais pendant trois heures ? D’autant que lorsque les personnages essaient de prendre un peu de consistance pour durer, c’est la prétention et son ombre, l’ennui , qui s’installe sur la scène ».
Robert Kanters L’Express 26 octobre 1961
« Qu’il y ait dans ces quatre heures quelques passages excellents et qui offrent quelques belles perspectives sur l’imbécillité humaine, sur la vulnérabilité humaine, sur l’impuissance humaine, passages qui auraient pu être signés Henri Monnier, ne suffit malheureusement pas à effacer une impression de fatigue et de lourdeur ».
Pierre Marcabru Arts 23 Octobre 1961
« Roland Dubillard a un humour très spécial et qui, si on n’entre pas d’emblée dans son jeu, risque de demeurer rigoureusement incompréhensible et, par-là même irritant . Pour moi, j’avoue que j’y suis très sensible, et, poursuivant les aveux, je reconnaîtrai que pendant la première demi-heure de ces Naïves Hirondelles, qui se jouent au Théâtre de Poche-Montparnasse, j’ai, très exactement ri aux larmes. Cet humour tire ses plus heureux effets de l’emploi sage et dirigé de la nonchalance. Pendant cette demi-heure où je me suis tant amusé, il ne se passe rigoureusement rien et ce que l’on entend n’est rien d’autre que le tissu de lieux communs et idées reçues.(…) Mais naturellement cela ne peut être drôle, vraiment drôle, pendant beaucoup plus longtemps qu’une demi-heure…
Jacques Lemarchand Le Figaro Littéraire 28 octobre 1961
Critique après reprise :
« … Ces « quatre hirondelles », battant des ailes dans une arrière-boutique finissent par représenter toute la naïve agitation des hommes. Clownerie métaphysique, comme on l’a dit pour les gueux de Beckett, mais allusive, toujours rattachée au sensible, saisie par l’épaisseur bizarre des tracas quotidiens. Plus qu’à l’avant-garde parabolique des années 50, on songe au réalisme burlesque de Pinter , de Schisgal ou d’Albee , avec un grain de folie qui n’appartient décidemment qu’à Dubillard ».
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 2 octobre 1964
LA MAISON D'OS
Pièce en deux parties, créée le 22 novembre 1962 au Théâtre de Lutèce, interprétée par Roland Dubillard, Marc Eyraud, Grégoire ( Philippe de Chérisey ) Jacques Marchais, Denise Péron, Jacques Seiler, Arlette Reinerg, mise en scène par Arlette Reinerg.
Analyse
« Un vieil homme très riche, sans famille, sans enfants, beaucoup de domestiques…Il meurt comme ça, tout seul dans sa maison et les domestiques s’en moquent : ce n’est pas leur affaire. Il est abandonné. Et du fait que le maître disparaît, les serviteurs sont abandonnés à leur tour ».
Critiques
« Le comique de M. Dubillard, c’est celui de la logique qui se déboîte, du raisonnement rigoureux qui déraille, se déroute et nous déroute, celui de la pensée qui ne sait plus ce qu’elle pense. (…) Ce comique, comme celui de M. Ionesco, doit beaucoup à Ubu, à Alphonse Allais, à M. Jean Tardieu, et à l’art anglo-saxon du nonsense, si difficile à acclimater en France. (…) On nous annonçait une grande danse macabre et ce n’est qu’une interminable partie d’osselets ».
Robert Kanters L’Express 28 novembre 1962
« Encourager pareille entreprise, c’es favoriser la dégénérescence de l’art dramatique ; c’est dire à tous ceux qui n’ont pas le souci de construire un ouvrage, de poser clairement une question, d’imaginer une intrigue plausible et captivante, de faire vivre et agir des personnages caractéristiques, c’est leur dire « Vous avez raison : l’expression idéale, c’est le borborygme ! » Je ne peux pas me résoudre à le croire. Je ne puis, dusse-je passer pour le tenant d’une dramaturgie périmée, me résigner à approuver de semblables élucubrations. D’autant plus qu’elles sont monotones et d’une tristesse affreuse ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 23 novembre 1962
« Si l’avant-garde signifie théâtre d’auteur en liberté, Roland Dubillard confirme sa position d’éclaireur de pointe. Avec lui l’obsession personnelle ne se cherche même plus d’alibi dans la métaphore ou le symbole ; elle s’impose à l’état brut, obscure, évidente, géniale, stupide, tyrannique et impunie comme un caprice d’enfant(…) En soumettant totalement le spectacle à ses angoisses secrètes devant l’existence, puis en en masquant l’expression lyrique sous les caprices loufoques, Roland Dubillard semble avoir écrit sa pièce comme on fait une confidence, à la fois avec l’envie de tout dire à tout le monde et la peur d’être trop bien compris. Libre à chacun d’y voir une provocation obscure ou cet aveu de poète effrayé ».
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 23 novembre 1962
« Si je dis que c’est beau comme un dialogue socratique dans lequel s’exprimerait l’univers d’Edgar Poe, cela risque de n’attirer guère le public. Et il y aurait grand dommage, car c’est l’un des plus beaux textes que nous ayons entendus depuis longtemps. (…) Cette parole, apparemment incohérente et nonchalante, mais conduite de main de maître, nous fait entendre une confidence que la pudeur, justement, sous le masque des mots grossiers, rend plus proche et plus poignante. Confidence du personnage ou de Roland Dubillard ? Ne cherchons pas, c’est indiscret. (…)Mais telle qu’est cette pièce c’est l’honneur du Théâtre de Lutèce de l’avoir présentée ».
Gilles Sandier Arts 28 novembre 1962
LE JARDIN AUX BETTERAVES
Pièce en un acte, créée le 20 février 1969, au théâtre de Lutèce, interprétée par Roland Dubillard, Maria Machado, Fernand Berset, Roland Rimbaud, Roger Blin, mise en scène de l’auteur, décors de Jacques Noël.

Collection A.R.T.
Analyse
Quatre musiciens ont été invités par M. Schwartz, directeur d’une Maison de Culture perdue dans un champ de betteraves, pour interpréter un quatuor de Beethoven. À leur arrivée, personne ne les accueille. Ils commencent à répéter. Ils sont dérangés à la fois par un violent orage et par mille bruits provenant de l’étage supérieur. Bientôt, ils sont le jouet d’étranges manifestations : la pièce dans laquelle ils sont rassemblés se transforme en un étui à violon, puis en chemin de fer, puis en sous-marin et en vaisseau spatial. Apparaît alors un curieux personnage, un certain Tirribuyenborrg, tandis que Guillaume le premier violon s’identifie peu à peu à Beethoven C’est alors que plafond s’effondre dans un violent et sinistre craquement.
Critiques
« Il faut beaucoup plus que du talent pour s’évader ainsi de toutes les « règles » de l’art dramatique, et cela sans aucune provocation, sans avoir l’air d’y toucher. Je serais l’un de ces farouches défenseurs du théâtre bien fait, du théâtre clair et bien français, je ne manquerais pas de m’inquiéter grandement de l’irruption de Dubillard sur la scène. Son théâtre est beaucoup plus révolutionnaire, plus à contre-courant de son temps que ne le fut le premier théâtre d’Ionesco ou le Capitaine Bada de Jean Vauthier. Mais il l’est d’une façon insidieuse ; il désarme les inquiétudes ; il y a dans ses bouffonneries lentes quelque chose de très rassurant. Le Jardin aux betteraves a été on ne peut mieux accueilli, ce dont je me réjouis fort ».
Jacques Lemarchand Le Nouvel Observateur 3 mars 1969
« M.Dubillard est un poète, un artiste, un homme plein de délicatesse, de tendresse, d’idées magnifiques et d’idées saugrenues. (…) Le Jardin aux betteraves raconte une histoire aussi féérique que La Tempête, aussi poignante que Hamlet. Quatre musiciens sont enfermés dans une espèce de grande boîte à violon. L’admirable est que M.Dubillard en les faisant simplement causer ensemble pendant trois heures, parvient à donner l’illusion d’une longue destinée, d’une aventure étonnante, d’une traversée de la vie où il y aurait tout ce qu’offre le monde : l’art, l’amour, le surnaturel, l’incompréhensible et toutes les subtiles correspondances de la sensibilité. Décidément, Le Lutèce est l’un des meilleurs théâtres de Paris ».
Jean Dutour France-Soir 22 février 1969
« Cette pièce, ce tohu-bohu de pièce, qui commence comme Anouilh, fait un détour par Huit-Clos , se termine comme En attendant Godot tout en restant imprégnée de la personnalité un peu délirante de Roland Dubillard, cette pièce qui, je le répète, est longue, touffue, non-délabyrinthée, souvent agaçante et souvent « tunnellienne », regorge d’humour, d’un humour singulier ; elle est, en définitive, plus intéressante que rebutante ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 22 février 1969
« Voici une pièce qu’il faudra revoir au moins deux fois pour en débusquer les rêveuses trouvailles, les silences qui parlent, le comique et l’amertume narquoise ».
Matthieu Galey Combat 22 février 1969
« Des passages fulgurants, crypto-géniaux, des passages désopilants, où l’on rit beaucoup comme à des chansonniers devenus dingues, des passages oniriques où l’on ne sait plus du tout la différence entre un quatuor à cordes et un ferry-boat, des passages exquis, où faire la musique et faire l’amour s’attirent et s’opposent comme des aimants rapprochés puis inversés. Et puis des passages franchement longuets, où l’on écoute en imaginant que l’oreille est munie d’un bon crayon rouge qui sabre, qui sabre... Il aurait fallu sabrer trente bonnes minutes, un peu partout, effiler au rasoir tous ces cheveux qui dépassent, toutes ces saillies inutiles qui empêchent de voir et d’entendre les beautés de la pièce, certaines et déjà nombreuses ».
François-Régis Bastide Les Nouvelles Littéraires 27 février 1969
Allusion au duo radiophonique Grégoire et Amédée
Harold Pinter ( 1939 – 2008 ) auteur et metteur en scène britannique
Murray Schisgal ( 1926) auteur et acteur américain.
Edward Albee (1928) auteur américain
France Observateur Entretien de Roland Dubillard avec Claude Sarraute, 29 novembre 1962
Capitaine Bada pièce de Jean Vauthier, créée en 1952 au Théâtre de Poche
Huis Clos pièce de Jean-Paul Sartre, créée en 1944, au théâtre du Vieux Colombier
En attendant Godot pièce de Samuel Beckett, créée en 1953, au Théâtre de Babylone