Association de lalogoRégie Théâtrale  
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Les premières œuvres

Tout en ayant perdu la Foi de ses jeunes années, l’adulte gardera de son éducation religieuse un processus de rituels religieux dont il nourrira son théâtre.

Trop jeune pour être appelé sous les drapeaux lors de la Grande Guerre, Adémar n’effectuera son service militaire que de 1919 à1921. Pendant ce temps, déjà attiré par le théâtre, il commença à coucher sur le papier quelques projets de pièces.

De retour à la vie civile, il assura la chronique artistique dans des revues spécialisées : Le Carillon d’Ostende, La Flandre littéraire et dans l’hebdomadaire financier Mercredi bourse et fut engagé comme commis dans une librairie. Il y rencontra l’amour de sa vie, Jeanne-Françoise Gérard, qu’il épousera civilement en 1924. Elle se montrera une épouse au dévouement plus qu‘admirable : « … Ronde ménagère dont rien ne peut altérer la placidité, la serviabilité. Ses braves grosses bourdes ne provoquent jamais l’ombre d’une gêne, d’un reproche chez son mari; il l’écoute gravement, semble opiner et repart harmonieusement vers ses sommets ». 1

Michel de Ghelderode

Le théâtre était la vraie vocation d’Adhémar et il eut l’opportunité de faire la connaissance du comédien-dramaturge Fernand Crommelynck, grâce auquel il fut accueilli dans les cercles de poésie et vit s ‘ouvrir devant lui les portes des cafés littéraires bruxellois. Il donna une conférence sur Edgard Poë et fit jouer sa première pièce La Mort regarde à la fenêtre, inspirée de Maeterlinck. L’essai ne fut pas un coup de maître et la critique l’accusa d’avoir produit un drame « lugubre et incohérent ». Alors il se tourna vers le théâtre de marionnettes . En 1924, ce fut : Le Mystère de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en 1925, Develor ou la Farce du diable vieux et La Farce de la Mort qui faillit trépasser et en 1926 Le Massacre des Innocents.

Mais très vite, il ne put s’empêcher de s’essayer de nouveau à la scène.

Sa première pièce, jouée à Paris en 1927, sous l’égide du mouvement Art et Action 2, fut Fastes d’Enfer, affichée dans le peu fréquenté petit théâtre Maubel, sis à Montmartre, rue de l’armée d’Orient, sans grand succès.

Quelque mois plus tard, un des plus célèbres critiques bruxellois, Camille Poupeye, ayant pris connaissance de la dernière œuvre du jeune auteur, une tragédie en forme de music-hall : La mort du Docteur Faust, inspirée en partie par l’œuvre de Goethe et dont les dialogues étaient souvent interrompus par des numéros de mime et de cirque, soumit le texte aux Autant-Lara. Ceux-ci s’enthousiasmèrent et, le 27 janvier 1928, ils affichèrent la pièce. Le spectacle remporta un succès magistral, tel que M. Bragaglia, directeur du Teatro degli independenti très intéressé, reprit la pièce, cinq mois plus tard, dans son théâtre de Rome.

En octobre 1929, les Autant-Lara, toujours sous le charme de leur jeune auteur, firent répéter sa nouvelle œuvre. Il s’agissait, cette fois, d’une féérie en trois tableaux : Christophe Colomb. Le montage fut très difficile, car les complications qu’exigeait la mise en scène durent être simplifiées.

Entre temps Adémar Adolphe Louis Martens avait décidé d’abandonner son nom de famille pour celui de Michel de Ghelderode, patronyme de Ghelrode, village où était née sa mère. Il se sentit alors devenu un véritable auteur dramatique et commença par rédiger ses œuvres en langue française quitte à les traduire ensuite en flamand.

Si heureux d’écrire pour le théâtre, qu’entre 1918 et 1939, Michel de Ghelderode signa environ quarante pièces plus sulfureuses les unes que les autres. La Mort en majesté y tenait le rôle principal. Il était à croire que l’auteur répondait au désir impérieux de mettre en scène des personnages étranges, malsains, grotesques, torturés, effrayants, monstrueux, hallucinés, blasphématoires, mais souvent truculents. Était-ce une drogue , une thérapie ? Bien malin qui le dirait !

Tout à coup, après avoir été un auteur prolifique, Ghelderode décida, au début de la guerre, de ne plus écrire pour le Théâtre. Il ne se tint pas parole, car il produisit encore deux pièces qu’il antidata : L’École des Bouffons composée en 1943 et déclarée de 1937 et Le Soleil se couche, écrite également en 1943 et datée de 1933. Pourquoi ? Allez savoir ! On se perdait en conjectures. C’était l’Occupation en France comme en Belgique, peut-être Ghelderode se sentait-il isolé, s’aigrissait-il et se croyait-il mort virtuellement ?

1 André Reybaz Tête d’Affiche Éditions La Table Ronde 1975
2 Le couple formé par le photographe Edouard Autant et l’ancienne sociétaire du Théâtre Français Louise Lara anima le mouvement Art et Action: un « Laboratoire de Théâtre pour l’affirmation et la défense des œuvres modernes ». Ce furent les parents du cinéaste Claude Autant-Lara.

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