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La Gloire posthume

Après une tournée de quatre ans au Brésil, en Argentine en Uruguay au Chili, au Pérou, en Équateur, en Colombie, au Vénézuéla, à Cuba en Haïti, au Mexique, en Martinique et en Guadeloupe, le 18 février 1945, Louis Jouvet revint à Paris et retrouva son théâtre de l’Athénée. Son premier soin fut de mettre en répétitions La Folle de Chaillot. La distribution était fort nombreuse : trente-neuf comédiens dont Marguerite Moreno dans le rôle de la « Folle ». Le montage de la pièce, très onéreux, se montra bien au-dessus des moyens financiers de Louis Jouvet. Il n’hésita pas à faire feu de tout bois. Alors qu’il sollicitait une subvention de l’Etat - subvention qu’il s’engageait à rembourser personnellement - , il faisait passer dans la presse une annonce demandant qu’on  « lui vende de vieux vêtements d’il y a quarante ou cinquante ans pour habiller certains interprètes de la pièce de Giraudoux ». 1

Après quatre-vingt-dix-huit répétitions, le spectacle fut enfin prêt. Outre la Répétition Générale et la soirée de Première, qui eurent lieu les 20 et 22 décembre, un Gala en honneur de « la Résistance » fut organisé le 21, sous la présidence du Général de Gaulle.

Marguerite Mayane,Marguerite Moreno, Raymone et Lucienne Bogaert
La Folle de Chaillot
Marguerite Mayane, Marguerite Moreno, Raymone et Lucienne Bogaert

(photo DR)
Collections A.R.T.

La Folle de Chaillot, considérée comme le testament de Jean Giraudoux, remporta un succès exceptionnel. Outre le texte, la mise en scène, l’interprétation, les décors et les costumes firent l’objet d’admiration de la part du public. Des applaudissements sans fin saluèrent Louis Jouvet, Marguerite Moreno, Christian Bérard.

La Folle de Chaillot - décor de Christian Bérard
La Folle de Chaillot
maquette reconstitué du décor de Christian Bérard

Collections A.R.T.

Devant des salles combles, la pièce fut jouée deux cent quatre-vingt dix-sept fois. Elle quitta l’affiche, non par manque de recettes, mais par l’épuisement des comédiens qui tombaient malades les uns après les autres. Marguerite Moreno et Louis Jouvet, eux mêmes succombèrent à la fatigue.

En 1950, Louis Jouvet se proposa de monter la dernière pièce de Jean Giraudoux, Pour Lucrèce. Il prit contact avec Edwige Feuillère, l’actrice pour laquelle l’auteur avait écrit l’un des rôles principaux. Malheureusement, la comédienne et le metteur en scène ne se s’entendirent pas et Jouvet remit son projet à l'année suivante … avec une autre vedette.

Une fois de plus, la vie en décida autrement : Louis Jouvet mourut, presque subitement, le 16 août 1951, dans son théâtre.

Après avoir été refusée par le Comité de lecture de la Comédie Française et son administrateur Pierre-Aimé Touchard, Pour Lucrèce fut affichée le 6 novembre 1953, au Théâtre Marigny, sous la direction de la Compagnie Renaud-Barrault et Edwige Feuillère retrouva le rôle écrit pour elle.

Edwige Feuillère
Pour Lucrèce
Edwige Feuillère
Programme original du Théâtre Marigny

(photo Roger Corbeau)
Collections A.R.T.

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Au soir du 30 avril 1954, la pièce, jouée en alternance avec Le Partage de Midi de Paul Claudel et de La Répétition ou l’amour puni de Jean Anouilh, atteignit la centième représentation. Son succès, moindre assurément que celui de La Folle de Chaillot, fut toutefois très honorable.

Pour Lucrèce au Théâtre Marigny
Collections A.R.T.

Il faut avouer néanmoins qu’en 1953, l’actualité théâtrale était en pleine évolution. Les auteurs à la mode s’appelaient alors Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Arthur Adamov… Certes, le charme de Jean Giraudoux était toujours reconnu et apprécié, mais pour certains il avait déjà le goût d’un autre âge.

1 Le Figaro 30 octobre 1945

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