Pièce en deux actes, créée le 21 novembre 1935, au théâtre de l’Athénée. Interprétation par Mmes Falconetti, Madeleine Ozeray Paule Andral, Marie-Hélène Dasté, Andrée Sertilange, Odette Stuart, Lisbeth Claival, Gilberte Géniat, Jacqueline Morane, Véra Pharès et MM Louis Jouvet, Pierre Renoir, Romain Bouquet, Robert Bogar, José Noguero, Pierre Morin, Auguste Boverio, Alfred Adam, Maurice Castel, André Moreau, Bernard Lancrey, Jacques Terry, Paul Ménager, Henry Libéré, Henri SaintIsles, Yves Gladine, Jacques Perrin.
Mise en scène de Louis Jouvet. Décors de Mariano Andreu. Musique de Maurice Jaubert .
Analyse
Alors qu’à Troie on attend l’envoyé des Grecs au sujet de l’enlèvement d’Hélène par Paris, le pacifiste Hector s’efforce de convaincre Priam, Paris et Hécube que « La Guerre de Troie n’aura pas lieu » et qu’Hélène pourrait retourner auprès de son mari Ménélas. Les deux chefs, Hector le Troyen et Ulysse le Grec s’entendent pour éviter la conflit. Ils croient y réussir, quand Demokos s’interpose et menace à nouveau. Furieux, Hector le tue et les Troyens assassinent le grec Ojax, Comme l’avait annoncé la pessimiste Cassandre, « La Guerre de Troie aura lieu ».
Critiques
« Monsieur Jean Giraudoux vient de nous donner, à travers quelques héros grecs et troyens un poème de désespoir sur et contre la guerre qui comptera certainement parmi ses œuvres les plus fortes (…) M. Giraudoux nous offre à l’heure actuelle l’expression la plus vigoureuse de la poésie dramatique. Parmi beaucoup d’autres noblesses, la pièce qu’il vient de nous offrir a celle du courage ».
Pierre Brisson Le Figaro 24 novembre 1935
« Une fête magnifique de la subtilité, un divertissement d’intellectuel de la qualité la plus rare…Si M. Giraudoux ici insulte à la gloire, vitupère les poètes, enguirlande les survivants de la guerre mais à sa façon anéantit en quelques répliques le monument de l’illusion humaine, c’est qu’il voudrait ramener l’homme à la raison »
M. Armory Comœdia 23 novembre 1935
« Tout ce qui, au théâtre, semble interdit au commun des mortels, le monologue, l’explication du personnage par lui-même, Giraudoux s’en saisit pour nourrir notre illusion. (…) La Guerre de Troie n’aura pas lieu est une satire ? Giraudoux ne dira pas non, pas plus qu’il ne niera que sa pièce est aussi une tragédie traitée légèrement et un drame écrit sur une donnée d’opérette quoiqu’elle n’emprunte à aucun des trois genres. Mais le discours aux morts de la guerre, dit par Jouvet sans inflexion, à voix contenue, pourrait bien devenir d’ici peu de jours « une prière sur l’Acropole » à la mesure de notre temps et de son inquiétude ».
Colette Le Journal 23 novembre 1935
« Lorsqu’on se trouve devant un écrivain qui met autant de pudeur dans les mots et de fine ironie jusque dans l’émoi, on est gêné de parler de son œuvre avec emphase. Et pourtant si j’écris ici qu’il y a des parties de chef-d’œuvre dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu c’est que je le pense… Il y a notamment dans le second acte de la nouvelle pièce de M. Jean Giraudoux des passages d’une grandeur étonnante et l’extrémité de son ouvrage, celle qui en précipite le dénouement et que la dramaturgie appelait la catastrophe, offre des moments les plus élevés du théâtre contemporain.
M. Jean Giraudoux y a rejoint de plain-pied la tragédie et nous en a communiqué l’émotion sacrée ».
Gérard Bauer L’Écho de Paris 23 novembre 1935
ONDINE
Pièce en trois actes, créée le 4 mai 1949, au théâtre de l’Athénée. Interprétation : Mmes Madeleine Ozeray, Raymone, Jeanne Hardein, Jeanne Reinhardt, Odette Talazac Simone Bourday, Guitty Flexer, Marthe Herlin, Wanda Malachowska, Micheline Buire, Jacqueline Ricard, Gilberte Prévost, Janine Viénot, Hélène Constant, Véra Pharès, Nicole Munié – Berny . MM : Louis Jouvet, Félix Oudart, Romain Bouquet , Roger Bogar, Maurice Castel, Auguste Bovério, Jean Parédes, Jean Gournac, Marcel Lupovici, Henri Saint-Isles, Jacques Thiéry, Julien Barrot, Michel Vadet, Emile Villard, Marc Enthony.
Mise en scène : Louis Jouvet. Décors et costumes : Pavel Tchelitchew. Musique : Henri Sauguet.
Analyse
Accueilli par un couple de pauvres pêcheurs, Hanz, chevalier errant fait chez eux la connaissance d’une fille sauvage, « Ondine », divinité des eaux. Ondine tombe amoureuse du jeune homme auquel elle n’est pas indifférente. Le roi des Ondins se montre compréhensif et propose alors un pacte à« Ondine » : elle aura le droit de vivre son amour humain, si Hans, amoureux à son tour, lui est fidèle, sinon il mourra. Or Hanz a une fiancée Bertha qui se rappelle à son bon souvenir. Pressentant que Hans va la trahir et pour lui éviter la punition mortelle, Ondine disparaît. Un pêcheur la coince dans son filet. Mais tandis qu’elle ne cesse de clamer son amour pour Hans, celui-ci prépare ses noces avec Bertha. Alors le chevalier se meurt et Ondine retrouve ses sœurs, les naïades, en ayant oublié son amour.
Critiques
« Ondine, à la suite de Siegfried et d’ Intermezzo dans la travée supérieure de l’œuvre du poète qui cette fois encore, parvient à faire jouer les reflets irisés de l’intelligence sur les mouvantes architectures du songe »
Gabriel Marcel Le Temps présent 26 mai 1939
« Hans et Ondine, c’était le réel et l’irréel ; l’action dont l’union au rêve est fragile, qui finit toujours par une trahison. C’était l’homme géorgique et la nature… Telle est ma perversité que je me composais un mythe politique : Ondine m’apparaissait en nation géorgique, faite pour le soleil, les jeux d’eau, le nudisme - et qui se donne un maître. Il est beau, d’une beauté impérieuse, un peu trop militaire (…) À quoi peuvent vous entrainer les acrobaties de M. Giraudoux ! »
Robert Kemp Le Temps 8 mai 1939 »
« Cette fois, voici tout le monde réconcilié. L’art du spectacle et l’art littéraire ne font qu’un. M. Giraudoux a donné une féérie à M. Jouvet. M. Jouvet a donné au public une admirable féérie. C’est un des plus beaux spectacles qu’on ait vus, un des plus beaux qui se puissent. »
Lucien Dubech Candide 10 mai 1939
« Une féérie ! Nous en avions besoin, grands dieux ! Et nous la méritions. Pour toutes sortes de raisons qui ne relèvent pas toutes de l’envahissante politique, mais du théâtre lui-même, qui, ces derniers temps, ne rêvait guère. »
Maurice Martin du Gard Les Nouvelles Littéraires mai 1939
LA FOLLE DE CHAILLOT
Pièce en deux actes, créée le 22 décembre 1945, au théâtre de l’Athénée. Interprétation Maurice Lagrenée, M. Baconnet, Sybille Gélin, Félix Oudart, Ray Roy, Lucien Bargeon, Jean Dalmain, René Besson, Louis Jouvet, Martial Rèbe, Monique Mélinand, André Moralès, André Berny, Léo Lapara, Georges Riquier, Camille Rodrigue, Véra Silva, Marguerite Moreno, Auguste Bovério, Jean Le Maître, Michel Herbault, Fred Capel, Marguerite Mayane, Raymone, Lucienne Bogaert, Paul Grosse, Michel Grosse, Jean Bloch, René Pontet, Michel Etcheverry, Jacques Monod, Jean Carry, Guy Favières, Paul Rieger, Hubert Rouchon, Wanda, Jean Dalmain, Marc Eyraud, Jacques Mauclair.
Mise en scène Louis Jouvet. Décors et costumes : Christian Bérard. Musique : Henri Sauguet.
Analyse
À la terrasse du café Chez Francis, place de l’Alma, des soi-disant hommes d’affaires prennent l’apéritif tout en décidant de la création d’une « Union bancaire du sous-sol parisien » destinée à prospecter le sous-sol de la colline de Chaillot. Tandis qu’on ranime un jeune homme, qui vient de se jeter à l’eau après avoir été la proie de ces trafiquants, apparaît un chiffonnier, très au fait de la situation et qui en informe la vieille Aurélie, dite « La Folle de Chaillot ». Celle-ci décide de venger le jeune homme et de lui redonner le goût de la vie. Elle réunit ses trois amies : « la Folle de Passy », « la Folle de Saint-Sulpice » et « la Folle de la Concorde » et toutes quatre inventent un subterfuge pour punir les spéculateurs. Aurélie annonce que sous sa cave gît un puits de pétrole. Les trafiquants se précipitent, s’engouffrent dans le souterrain qui en fait est un précipice.
Critiques
« En me rendant à cette soirée, et avant que le rideau se lève, j’avais peur qu’après tant d’imitations, de parodies, de faux et de sous-Giraudoux dont nous avons été abreuvés depuis deux ou trois années, le vrai Giraudoux nous parut désuet. Eh bien ! il n’en est rien, il reste le miracle de l’intelligence. Il est inimitable et nous sommes maintenant convaincus ( moi du moins) que cela n’a pas tellement d’importance qu’on l’imite, qu’on le pille et qu’on le contrefasse, car, tout compte fait, la contrefaçon est impossible ».
Jean-Jacques Gautier Le Figaro 20 décembre 1945
« La Folle de Chaillot n’est sans doute pas du meilleur Giraudoux, mais on y retrouve Giraudoux tout entier. À commencer par ses développements en « acte gratuit » où le mot entraine un autre mot, l’image une autre idée, la phrase une autre réplique et la réplique une autre scène, car rien n’est moins rigoureux que cet art surintellectuel. C’est le triomphe des vues de l’esprit (…) N’est-il pas troublant de se dire que cet art dramatique qui, plus qu’aucun autre, dédaigna les ressources de l’action, de l’acte et même du geste, fut celui qui, plus qu’un autre, réclama le secours et les artifices de la mise en scène ».
Philippe Hériat La Bataille 27 décembre 1945
« Le personnage de La Folle de Chaillot est sans doute – avec l’Isabelle d’ Intermezzo – le seul personnage authentique de tout le théâtre de Giraudoux, le seul qui ait une psychologie personnelle, un caractère singulier ».
Pierre-Aimé Touchard Opéra 26 décembre 1945
« Le Tout-Paris applaudit à tout rompre. Il applaudit Jouvet, Bérard, Giraudoux, Moreno, tout. Parce qu’il s’y connaît ? Non, parce qu’il s’y « reconnaît ». Il retrouve son avant-guerre ».
Roger Grenier Terre des Hommes 22 décembre 1945
« Il est bien certain que la présentation par Louis Jouvet au théâtre de l’Athénée de La Folle de Chaillot, pièce posthume de Jean Giraudoux, est l’événement le plus émouvant qui se soit produit dans le monde du théâtre depuis mettons six ans. En disant « émouvant » plutôt que « important », je pense être juste et ne rien minimiser ».
Jacques Lemarchand Combat 22 décembre 1945