La fin de la guerre était proche. La défaite de Stalingrad avait été pour les Allemands le début de leur débâcle. Après que les anglo-américains aient débarqué en Normandie, l’armistice était imminente. Sans perdre un jour, le nouveau gouvernement français instaura «l’Epuration » et les dits «collaborateurs » furent arrêtés. Après les lettres et des coups de téléphone de menace, au matin du 28 août, cinq hommes, révolver en main, vinrent se saisir de Sacha Guitry, sans lui laisser le temps de s’habiller. Vêtu simplement de son pyjama, chaussé de ses seules mules, il fut conduit à pied jusqu’à la mairie du 7ème arrondissement, sous les huées des passants. Il dut attendre le soir pour être conduit, en voiture blindée, au dépôt. Il fut reçu par un fonctionnaire qui, s’adressant à ses subordonnés, leur annonça : « Pour ce salaud-là, jugement demain matin et exécution immédiate » et fit conduire le suspect dans une cellule. Le 25 août, Paris fut libéré. Les Allemands vaincus, Sacha crut en la fin de ses malheurs. En fait, il fut réveillé en pleine nuit et conduit dans une autre cellule, minuscule celle-là où logeait déjà un autre détenu. Le 31, il se retrouva au Vel d’hiv, là où les Allemands avaient parqué les Juifs avant de les envoyer dans les camps de la mort. Sacha retrouva certains artistes, politiciens, hommes d’affaires français qu’il avait fréquentés pendant l’Occupation.
Faute de preuve tangible, Sacha fut inculpé « d’intelligence avec l’ennemi ». On fit paraître dans la presse une annonce promettant une récompense aux personnes qui pourraient apporter des arguments compromettants. Ceux-ci étaient grotesques : les Allemands auraient nourri Sacha Guitry pendant la guerre... dans son bureau, trônait le buste de Mussolini, en fait il s’agissait de celui de Lucien Guitry ressemblant quelque peu au Duce... et d’autres accusations de même acabit.

Sacha Guitry en prison :
« - La soupe. - Qu'elle entre ! »
Dessin de Gus
À court d’idées, le juge dut reconnaître que son prévenu était pratiquement innocent. Le 24 octobre Sacha fut relâché, bien que l’enquête fût poursuivie.
Sorti de prison, afin de ne pas être importuné, Sacha Guitry se cacha, quatre mois, dans une clinique, sous un faux nom. Cette nouvelle épreuve fut très pénible pour l’homme célèbre qu’il avait été.
Malheureusement, il n’en avait pas fini d’être humilié : ses pièces, ses films étaient interdits et la radiodiffusion avait rayé son nom de ses programmes. Il pouvait, d’autre part, compter parmi ses anciens amis ceux qui lui étaient restés fidèles. Ainsi en fut-il pour l’historien Alain Decaux, et les comédiens Maurice Teynac et José Noguero qui organisèrent un dîner dans la galerie de peinture Ror Volmar, à l’occasion de ses soixante ans. Mais les autres ???

Chez Ror Volmar le 21 février 1945 pour les soixante ans de Sacha Guitry
(photo DR)
Sans de nouvelles rentrées d’argent, le cœur brisé, Sacha dut mettre en vente ou hypothéquer une partie de ses collections d’œuvres d’art auxquelles il était tant attaché.