Le 6 août 1907 se mariaient Joseph Odilon Talagrand, fils d’un chef de gare de Lozère et Virginie Gibrac dont le père, journaliste politique, était un fougueux patriote.
Le 10 mars 1908 naissait Marc et, dix mois plus tard, le 1er octobre 1909 la famille fêtait l’arrivée d’un petit frère Jacques.
Joseph, ancien brillant élève de l’Ecole Normale était devenu professeur de lettres ainsi que son épouse qui, après de sérieuses études au lycée Fénelon de Paris, avait été l’une des premières étudiantes de l’École Normale de Sèvres. Tous deux étaient affectés au lycée d’Alès.
Leurs enfants étaient d’autant plus inséparables qu’ils ignorèrent l’école et les petits camarades. Leur père, refusant de les scolariser, leur servait de mentor. Il leur enseigna tout particulièrement l’Histoire de France et la littérature.

Le futur Thierry Maulnier
à gauche et son frère en 1913
in Thierry Maulnier de Étienne de Montesy éditions Juillard 1994
(photo DR)
Coll. part.
À huit ans, Jacques découvrait le théâtre de Sophocle, de Corneille, La Légende des Siècles, ainsi que Les Fables de La Fontaine.
La guerre de 1914-1918 fut pour la famille Talagrand une période d’exaltation patriotique et au soir du 11 novembre 1918, applaudi par ses parents, le petit Jacques de sept ans composa sa première chansonnette :
Fais ta malle, mon vieux Guillaume
Mon vieux Guillaume fais ta malle
Car dans ton royaume on s’emballe
Mais pour éviter qu’on t’emballe
Mon vieux Guillaume fais ta malle…
À onze ans, mettant à profit l’enseignement de son père, Jacques s’attaqua à la tragédie. Respectant la loi des trois unités, il écrivit sa première œuvre en vers, intitulée : Tomyris, reine des Messagètes, Cyrus, les Amazones, les soldats de l’armée des Scytes et de celle des Perses n’avaient aucun secret pour l’enfant. Ces personnages lui étaient bien plus proches que ne l’étaient les célèbres Pieds Nickelés, d’alors.
Puis, Saint-Simon en herbe, Jacques n’hésita pas à écrire ses mémoires, à l’âge de douze ans.
Après seize ans de mariage, en 1923, Joseph et Virginie se séparèrent. Joseph fut muté à Nice emmenant avec lui les deux garçons.
À quatorze ans, en classe de première, Jacques fut inscrit au Concours Général d’Histoire, il se classa deuxième et quelques semaines plus tard fut reçu à sa première partie de bachot.
Alors que Virginie venait de se remarier, les rapports entre le père et ses fils ne cessaient de se dégrader. Il était temps de se quitter. Ce furent les grands parents maternels, habitant à Garches, en région parisienne, qui accueillirent les deux adolescents. Ceux-ci entrèrent alors en classe de philo au lycée Louis le Grand. En fin d’année, après n’avoir obtenu qu’un premier accessit de Grec et d’Histoire Naturelle, Jacques fut reçu au bachot avec la mention « assez bien ». C’en était fini de sa brillance d’enfant modèle.