Association de lalogoRégie Théâtrale  

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Une adolescence aux émois interdits

Puis un beau matin, arrive au collège Philippe, un nouvel élève de deux ans plus jeune qu’Henry. Un trouble inconnu naît au coeur de l’adolescent. Irrésistiblement attiré vers cet enfant, il se sent responsable de cette âme toute neuve. Il veut l’éloigner du graveleux, lui faire connaître le Sublime. Encore tout naïf, Philippe accueille sans malice cette affectueuse attention.

Henry a dix sept ans, l’âge où se réveillent de concert le cœur et les sens. Sans bien comprendre ce qui lui arrive, il tombe amoureux. Ses nobles pensées sont submergées par un désir irrésistible. Adieu l’amitié platonique. Philippe reçoit une lettre enflammée, puis deux, puis trois. Heureux, en toute innocence il y répond. À partir de cet instant, les deux garçons ne se quitteront plus. A l’étude, assis l’un à côté de l’autre, ils mêlent leurs jambes sous le pupitre et leurs doigts en tournant les pages d’un manuel qu’ils n’arrivent pas à lire, ils échangent leurs crayons mouillés de leur salive, ils communient sans se quitter des yeux. Ils sont seuls au monde, élèves et professeur se sont évanouis. Bientôt pendant les récréations, ils osent s’enfuir du collège, hèlent un cocher et montent à l’intérieur de son fiacre ou bien ils se dissimulent à l’abri d’une remise pour s’étreindre et s’embrasser. Un jour, ils se font prendre. Et pour Henry c’est la mise à la porte de Sainte-Croix.

Ce renvoi douloureux est un évènement majeur dans la vie de l’écrivain. Il ne se guérira jamais de ce premier amour brisé mais restera fier d’avoir été le héros d’une aventure qu’il juge pathétique .

Après son bac de philo. Montherlant s’inscrit à l’Institut Catholique de la rue d’Assas, section Droit. Il échoue à son diplôme de première année et abandonne ses études sans regret. Engagé comme secrétaire à la Compagnie Générale d’Assurance que dirige l’un de ses oncles, il se montre un employé médiocre. Les contrats de polices le laissent indifférent.

À ses moments perdus, le jeune Montherlant traverse une période mondaine. Inscrit à la fois dans un club sportif et dans une académie de dessins, il y rencontre des beautés accueillantes et peu farouches. Il prend plaisir à dessiner ces gracieux modèles qui tournent autour de lui comme les esclaves d’un pacha. Mais ces demoiselles sont de basse extraction. Raisonnablement, il lui faut changer de milieu. Il apprend à danser et fait son entrée dans les salons. La noce, la bringue dégoûtent le jeune dandy. Les cocottes ne l’intéressent pas, par contre il est attiré par des jeunes filles innocentes, naïves et bien élevées. De temps à autre, il n’hésite pas à leur conter fleurette et à entreprendre avec l’une ou l’autre, un flirt sans conséquence.

Mme de Montherlant, atteinte de tuberculose, se sait condamnée. Si son fils, quoique très jeune, entrait dans une famille bien sous tous les rapports et riche de surcroît, elle partirait plus tranquille. Elle a si peur de laisser seul sur terre, cet enfant qu’elle aime tant. Hélas, Henry n’est pas prêt pour le mariage. Certes, il joue à l’amoureux mais lorsqu’il se confie, à sa grand mère, Mme de Riancey, il se moque de ses conquêtes et les traite de « jeunes pintades ».

En dépit de ses distractions mondaines, Henry est malheureux. La blessure causée par la séparation d’avec Philippe ne se cicatrise pas. Meurtri, il ne trouve à sa douleur qu’un seul remède: Écrire et encore écrire pour se mettre en scène. Dans un conte bucolique Thrasylle il raconte les déchirantes amours de deux adolescents qui s’aiment et que la vie sépare.

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