Association de lalogoRégie Théâtrale  

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Le désir d’héroïsme

Août 1914, sonne le tocsin, c’est la guerre, prédite par M. de Montherlant depuis plusieurs années. Lors des premiers revers de l’armée française, celui-ci, du haut de sa certitude infaillible, pérore sans fin :« Avec la République, il ne pouvait en être autrement... Dieu punit la France pour s’être mise en République et pour être devenu païenne ». Malheureusement il n’aura pas le temps d’être détrompé. Il n’a plus que quelques semaines à vivre.

Ajourné pour hypertrophie cardiaque, Henry se sent écarté de la grande aventure guerrière. Fils de son père, il méprise les rodomontades du patriotisme républicain. Mais il aime les guerriers, il voudrait partager avec eux cette sensation d’union à la fois virile et amoureuse face au danger. Un de ses anciens camarades de collège, plus jeune que lui, s’engage, il l’approuve et l’admire. Comme lui, il souhaite partir pour le front. Sa mère, très malade le supplie de renoncer: « Attends que je sois morte » et dans un pauvre sourire, « tu n’auras pas longtemps à attendre ». Henri cède, mais exclu de cette fraternité héroïque, il se sent malheureux. Il écrit alors sa première pièce « L’Exil » 2 dont le héros lui ressemble comme un frère, face à une mère abusive. En août 1915, Mme de Montherlant meurt, « Je suis seul au monde » sanglote l’orphelin, anéanti. Du fond de son chagrin, il se reproche les répliques dures et cruelles de sa pièce - pièce que sa mère avait lue au terme de sa maladie -. Pourquoi lui avoir fait du mal, alors qu’il l’avait toujours aimée si profondément ? Il ne se le pardonnera jamais.

Pendant les deux années qui suivent, l’adolescent en deuil trouve refuge et chaleur auprès de son aïeule, Madame de Riancey, femme de bon sens et de décision.

Henry de Montherlant
Henry de Montherlant à la Guerre
Coll. part.

En 1917, Henry, est requis enfin par le Ministère de la Guerre. Tout d’abord versé dans le service auxiliaire, il oblige sa grand-mère à faire jouer ses relations pour se faire envoyer au front. Montherlant est alors attaché au service du Renseignement à une dizaine de kilomètres des lignes de combat. Quelques mois avant l’Armistice, il est blessé à la cuisse par des éclats d’obus. Décoré en 1919, il est nommé secrétaire de l’Ossuaire de Douaumont.

De retour à la vie civile, Montherlant entreprend son premier grand ouvrage, publié en 1920, à compte d’auteur La Relève du Matin. Ce sont les souvenirs des années de collège, Soutenu par Henri Bordeaux et Paul Bourget, le livre obtient Le Prix Montyon de l’Académie Française. Cet ouvrage sera suivi d’un roman Le Songe. Viendront ensuite Les Olympiques, - deux tomes consacrés à l’exaltation du sport et à la beauté des athlètes en plein effort sur les stades - et Le Chant funèbre pour les Morts de Verdun, un hommage rendu aux soldats tombés au champ d’honneur.

Profitant du succès en librairie de ces deux derniers ouvrages, l’éditeur Bernard Grasset lance, à grand renfort de publicité, Les Bestiaires, à la gloire de combats de taureaux. Le livre consacre son auteur. Cette notoriété, qui lui paraît un peu méprisable par son côté commercial, agace Montherlant et lui ôtera le goût des honneurs.

2 L’Exil ne sera édité qu’en 1929 et ne sera pas interprété du vivant de l’auteur

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