Naïvement, sans aucun apprentissage, Jean se présenta au concours d’entrée du Conservatoire d’Art Dramatique, dans une scène d’Angelo, tyran de Padou de Victor Hugo. Naturellement, il échoua. Sans se décourager, Monsieur Poiré rechercha une autre école pour son fils et découvrit un nouveau centre dramatique qui venait d’ouvrir à l’intention d’apprentis comédiens, metteurs en scènes, techniciens ou décorateurs. Jean n’eut de cesse de s’y inscrire en novembre 1941. Les professeurs s’appelaient Jean Le Goff, pensionnaire de la Comédie Française, Julien Bertheau et Pierre Dux, tous deux sociétaires de l’illustre maison. Jean commença par étudier les rôles de raisonneurs, alors qu’à son jeune âge, il aurait dû s’attaquer aux amoureux comme Fortunio du Chandelier d’Alfred de Musset.
Néanmoins, Jean était heureux au point d’avoir oublié que la France vivait en pleine Occupation. Pour la première fois, il tomba amoureux. L’élue de son cœur, Loleh Bellon, était une élève du centre comme lui. Son meilleur ami, Paul-Emile Deiber, futur sociétaire du Théâtre Français, partageait avec lui l’amour de la musique classique.
Avide d’apprendre, Jean lisait beaucoup. Son auteur préféré était Shakespeare et il rêvait de travailler le rôle du traître Iago, dans la pièce Othello. Son professeur Julien Bertheau le trouvait : « très gentil, un peu timide, très discret. Il regardait la vie et écoutait beaucoup (...) Je lui disais : « Tu sais, Jean, mon sentiment - je peux me tromper, est que tu feras rire tes contemporains. Il me répondait : Je ne veux pas, ça n’est pas mon truc. Mon truc c’est de jouer la tragédie... ».
Après avoir encore échoué au concours d’entrée au Conservatoire, Jean participa à celui organisé par Jean Meyer, pour les seuls élèves de la rue Blanche. Parmi les membres du jury, Jean retint l’attention d’Henri Varna, directeur du théâtre Mogador. Ce dernier lui proposa de l’engager dans son prochain spectacle : Madame Sans Gêne. L’apprenti comédien était ravi. En fait de rôle, il s’agissait de celui d’un jeune tambour, surnommé : Vinaigre qui n’apparaissait que pendant le prologue, c’est à dire trois minutes. Au moment de signer son premier contrat, Jean Poiré décida d’ajouter un T à la fin de son nom. Cela lui paraissait ainsi plus artiste et sans équivoque.
Après trois ans d’études et deux nouveaux échecs au Conservatoire, Jean Poiret quitta le Centre de la rue Blanche... alors que Michel Serrault y entrait.