Association de lalogoRégie Théâtrale  
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Extrait

LA CAGE AUX FOLLES

 

1er Acte

Décor unique.

Un living dans l'appartement directorial d'un night-club spécialisé dans le travesti d'hommes, sur la Côte. La pièce est prolongée par une ter­rasse. La boîte est adjacente, mais nous n'en pre­nons conscience que par les interventions sporadiques d'employés qui viennent consulter le pa­tron. L'ensemble est d'une grande préciosité. Le style boudoir d'un goût exquis est tellement équivoque qu'il finit par ne plus l'être. Des bustes d'hommes, des gravures. C'est l'été, le soir. Une femme de dos, à sa coiffeuse, finit de se maquiller. Un homme d'une quarantaine d'années : George. est visiblement énervé par sa lenteur.

Georges : Presse-toi ! Tu sais, qu'un jour, les gens en auront marre, et se fâcheront. Jamais, jamais tu ne trouves le moyen d'être à l'heure. Au lieu de traîner au lit avec tes « Séries Noires », tu commencerais à t'apprêter plus tôt, tu n'aurais pas à courir comme tu le fais, et tu épargnerais mes nerfs ; parce que, finalement, c'est moi que ça rend malade ! Ne réponds surtout pas ; ne te donne pas la peine de me répondre. Tu t'étioles au lit ! Tu avais des épaules ravissantes, regarde ce qu'elles sont devenues. De la pâte ! Un gigot en croûte ! (L'autre continue à se maquiller sans rien dire.) Un jour, je me lasserai, tu sais ! Qu'est-ce que tu feras, ce jour-là ? Oui, allez ! ils sont bien tes cils ; ça suffit.

À ce moment, une porte dérobée s'ouvre, et Francis, un garçon de 35-40 ans, fait irruption dans la pièce. La porte, restée ouverte, permet d'entendre les échos d'une chanson, provenant du cabaret.

Francis (s'adressant au personnage de dos) : Tu te magnes, Zaza, oui ?

Zaza : Oh !

Georges Francis) : Vous n'avez pas à parler sur ce ton-là à Monsieur.

La dénommée Zaza se retourne en ôtant le foulard de dessus sa tête; c'est un homme : Albin.

Francis : Mercédès va encore pousser une gueulante,

Albin : Mercédès n'est pas la petite amie du patron ; alors, qu'elle la boucle ! Et puis, un mot de plus et je ne descends pas, C'est simple. C'est pas le jour, vous savez !

Georges : Tu ne vas pas encore faire un caprice !

Albin : D'ailleurs, pour ce que j'ai à faire dans cette revue, je pourrais rester là.

Georges : Oh ! la mauvaise foi! Tu fais tout dans la revue ! Alors, ne recommence pas.

Albin : Tu ne m'écris plus des rôles comme tu m'écrivais avant. C'est parce que tu m'aimes moins : c'est normal ! Après tant d'années de vie commune : tu me regardes comme un pot au feu, plus comme une reine du théâtre.

Georges : Allez, ça y est ! C'est parti. Ah, Dieu !

Albin : Qu'est-ce que tu me fais jouer maintenant ? Manouche, La Folle de Chaillot et Elisabeth la femme sans homme. Tu crois que c'est galant de faire jouer Elisabeth la femme sans homme à une dame ? Où est-il le temps où tu me faisais danser la nymphe au cœur fidèle avec une petite culotte en jonquilles et un soutien-gorge en orchidée.

Georges (embarrassé) : Ben oui, mais, le public en a marre des nymphes ; ce n'est plus la mode des nymphes.

Albin : Tais-toi donc ! le public adorait ça ! Je n'ai jamais eu autant de succès que dans la nymphe au cœur fidèle. C'était un tableau ravissant. Tendre, émouvant. Quand je mourrais, je voyais les gens aux tables en larmes, avec leur mouchoir dans la bouche.

Georges : Oui, mais les gens veulent rire ouvertement maintenant sans se mettre de mouchoir dans la bouche.

Albin : Qu'est-ce que tu veux dire ?

Georges : Rien, mais on ne peut pas tout le temps faire des scènes de nymphe.

Albin : De toute façon il n'y a plus de corps pour jouer les nymphes. Ce ne sont pas des minets comme Monsieur Ghislaine de Guermantès ou Monsieur Salomé Von Liebig avec leurs cuisses rachitiques qui peuvent se permettre de jouer les nymphes. À propos, fais-le donc monter Monsieur Salomé. J'ai deux mots à lui dire.

Georges : Tu lui diras en bas ce que tu as à lui dire.

Albin : Non ! Non ! Je veux te montrer ce qu'il se permet de faire en scène, Monsieur Salomé, pendant que je chante. Apelle-le.

Georges : Non !

Albin : Si !

Georges : Ah ! (Ouvrant la porte de la boîte.) Francis, faites monter Salomé une seconde. Tu nous feras casser la baraque un jour avec tes retards ! Tu seras content ce jour-là.

Albin : Je ne ferai pas n'importe quoi. Je suis une vraie professionnelle, moi ! J'ai un public qui vient pour moi. Engage des débutantes, si tu veux, mais qu'elles ne gênent pas les vrais artistes.

Georges : Ah tu sais, les vraies artistes, par moment !

Il fait un geste pour montrer sa lassitude. Salomé paraît, venant de la boîte. C'est une assez jolie personne au sexe indéfini, à l'apparence de
garçon, s'ingéniant, avec des allures de dame, à composer un personnage d'homme.

Albin : Ah ! Arrivez un peu ici, ma petite. J'aimerais bien que Monsieur Georges vous règle vos gestes pour le tableau de La Reine de Broadway, parce que vous faites n'importe quoi, maintenant.

Georges : Bon, alors, allons-y ; que je vois ça!

Albin Georges) : Envoie le play-back. Au début de Sranges thé night.

Georges fait démarrer une mini-cassette.

Georges : Au moment d'entrer en scène ! Je vous jure !

Albin : C'est très joli d'avoir vingt ans et la cuisse longue. Ça ne suffit pas pour vous donner du talent, vous comprenez, mon petit loup. (La musique démarre. Albin fait quelques pas dans une chorégraphie simpliste qui a été réglée visiblement à la mesure de ses moyens, sur le mode vamp. Il va enjôler le jeune homme qui prend, pour la circonstance, des allures de ténébreux. Puis Albin s'arrête net.) Là, stop ! Arrête la musique. Tu as vu ? Tu as vu ce qu'il fait ?

Georges : Qu'est-ce qu'il fait ?

Albin : Tu n'as pas vu? Tu le fais exprès : il fait des bulles avec son chewing-gum pendant que je chante.

Salomé : Et alors ?

Albin : Il dit « Et alors ? ». Je vais lui taper dessus. Il n'a pas à attirer l'attention de la salle avec sa langue pendant que je chante. Surtout que c'est déjà très dur à chanter.

Georges : Oh ! en play-baek !

Albin : Et alors ! Le sentiment, les intentions, les mimiques que je mets dessus, tu crois que ce n'est pas fatiguant ? Alors qu'il m'aide bon Dieu !

Georges (à Salomé) : En tout cas, tu n'as pas à faire des bulles avec ton chewîng-gum. Un peu de tenue, bon Dieu, quoi !

Albin : Il ne joue pas du tout avec moi. Comment veux-tu que je sois bien.

Georges : Pense à la situation un peu, bon sang. Ce n'est pas parce que nous jouons une revue de travestis qu'il n'y a pas de situation. Tu es un jeune homme perdu dans la nuit, dans le brouillard. Et soudain, qu'est-ce que tu vois ? Cette femme qui apparaît... qui est... (Il cherche des mots qui tenteraient de décrire la grâce, la beauté, et visi­blement Albin ne les lui inspire pas, alors, il se contente de dire :) ... qui est... une femme. Alors tu es là, sous le charme...

Salomé essaie de rectifier l'attitude, sans conviction.

Albin : ... Il se demande s'il rêve.

Georges : Ben oui, il y a de quoi !

Albin : Il n'aime pas les femmes, qu'est-ce que tu veux ! Et ça, ça se sent !

Georges (conciliant) : Ce n'est peut-être pas à nous de lui jeter la pierre.

Albin : Non, je sais bien, mais enfin... il y a des limites ! Une vraie femme, je comprends, mais moi !!!

Georges : Il l'a bien vu, maintenant, il va le faire. Il l'a bien vu !

Georges se dégage, prend la mini-cassette et arrête la bande.

Albin : Oui, oh ! « il a bien vu », tu penses ! Ce sont des amateurs tout ça ! En tout cas, qu'il ne recommence pas à faire des bulles, sinon je le gifle en scène.

Francis surgit du bas.

Francis : Mercédès a remis quatre chansons.

Georges : Tu te rends compte!

Francis : Et vous savez, plus elle en remet, plus ça devient scabreux.

Georges : Je lui dis.

Francis : Elle va attaquer Les Filles de Pont-à-Mousson !

Le seul énoncé de ce titre suffit à affoler Georges.

Georges (à Albin>) : Mon chéri, à genoux, je t'en supplie, presse-toi ; qu'elle ne chante pas Les Filles de Pont-à-Mousson.

Albin : Mon manteau ! Le théâtre crève de l'amateu­risme. Je suis la dernière grande professionnelle. Après moi, le néant.

Georges : Sois bien.

Albin : Mon éventail ! Je n'ai pas mon éventail !

Georges : Oh ! Ton éventail...

Albin : Je ne peux pas chanter sans mon éventail.

Georges : Je te le fais descendre par Jacob. (Albin sort en faisant des vocalises. Georges referme la porte de communication. Il crie vers la coulisse :) Jacob, tu descendras l'éventail de Monsieur. (Il branche le haut-parleur-témoin qui retransmet le spectacle. On entend les bribes d'une chanson as­sez vulgaire chantée par une voix de femme rocail­leuse. Georges retient son souffle. La chanson, par bonheur, se termine rapidement. Quelques ap­plaudissements, et on enchaîne sur l'annonce de Zaza Napoli. Applaudissements à son entrée. Baratin de Zaza-Albin qu'on discerne vaguement. Pendant que Georges écoute, un superbe noir est entré dans la pièce. Il est simplement vêtu d'un pagne, mais presque totalement dissimulé derrière un grand éventail de plumes, semblable à celui qui a fait la gloire de Joan Warner. Il se glisse derrière Georges. Il ondule autour de lui.) Jacob, perds cette habitude de te promener toujours, tout nu.

Jacob : Tu aimes pas ?

Georges : Pas pendant le service. Il peut entrer n'importe qui.

Jacob : Y'a que des folles qui entrent ici, alors !

Georges : Non, il n'y a pas que des folles. Monsieur Tabaro n'est pas une folle.

Jacob : Il y viendra.

Georges : Pauvre Monsieur Tabaro ! À soixante-douze ans !

Jacob : Pourquoi tu veux pas que je fasse un numéro moi aussi ?

Georges : Parce que tu fais très bien la cuisine et le ménage, et que je ne tiens pas à te laisser filer.

Jacob : Je continuerai à faire la cuisine et le ménage.

Georges : Non, non, je vous connais vous autres. Dès qu'on vous colle sur un plateau avec deux projecteurs roses dans la gueule, vous avez la tête qui enfle, et vous vous tirez avec un armateur grec au bout de huit jours.

Jacob : Moi, je serai fidèle.

Georges : J'en ai eu des soubrettes auxquelles j'ai mis le pied à l'étrier. Elles m'ont toutes fait le coup : Albert, Eric, Roberto. Les ennuis que j'ai eu avec Roberto, tiens ! Elle avait levé un petit commerçant, un cordonnier, qui était venu là prendre un verre, un soir, avec sa femme, pour fêter leur trentième anniversaire de mariage. Le malheureux. À cinquante-cinq ans : la révélation ! Alors, les bonniches, maintenant, elles restent à l'office.

Jacob : Esclavagiste ! Faulkner ! T'as bien fait faire un tour de chant à ta bonne femme.

Georges : Albin est entré ici comme maître d'hôtel, pas comme cuisinier.

Jacob : Oui, eh bien ! Attends, ta cuisine ! Tu vas voir, ta cuisine ! Je crache dans ta cuisine ; je crache dans ta choucroute.

Georges : Oui oh ! la choucroute ! Tu ne sais faire que ça, la choucroute !

Jacob : C'est un plat de mon pays.

Georges : Eh bien, retournes-y, dans ton pays si tu n'es pas content !

Jacob : Tu sais bien que je ne peux pas vivre a Bruxelles, il fait trop froid.

Georges : Alors, tiens-toi, sinon, je te réexpédie dans tes brumes.

Jacob : Vilain Diable blanc.

Georges : Allez, descends Sale Belge!

Il ouvre la porte de communication, et se heurte à une plantureuse fille rousse qui se rue comme une furie dans la pièce. Jacob disparaît.

Mercédès : J'en ai marre, j'en ai marre de ta gonzesse. On est toutes ses bonnes, à cette pétasse.

Georges : Mercédès ! Un ton au-dessous, tu veux : tu as une camarade qui travaille.

Mercédès : Je m'en fous. Pourquoi est-ce qu'elle est descendue ? Fallait même pas qu'elle se dérange. Au point où j'en étais, j'aurais fini la soirée.

Georges : Tu devrais être contente, tu te plains toujours de ne pas en chanter suffisamment.

Mercédès : Oui mais, pas en bouche-trou. Ou j'en chante huit tous les jours, ou j'en chante quatre. Pas selon les humeurs de Madame. Elle n'a qu'à moins traîner au lit, ce gros veau.

Georges : Mercédès, tu oublies devant qui tu parles.

Mercédès : Elle te fait du tort, Georges, elle fait du tort à la boîte. Tu veux absolument en faire une vedette. Ce n'est pas une vedette. Elle n'est pas excitante, elle n'est pas féminine. « La nouvelle Marlène » !!! Tu parles ! elle ne peut même pas montrer ses jambes, ses deux malheureux boudins !

Georges : Tu: es une aigrie, Mercédès ! Voilà ce que tu es !

Mercédès (éclate en sanglots) : Comme tu es dur ! Comme tu es blessant ! Elle a tout Zaza : les bijoux, les toilettes. Tu lui as dessiné les plus jolies robes du spectacle. Moi, regarde comme je suis attifée. Une pauvresse !

Georges : Tu es ravissante.

Mercédès : Elle ne fait rien de la journée. Elle chante. Elle bouffe. Un peu trop, parce qu'elle commence à être sérieusement enveloppée, Zaza. Elle se couche. Moi, je ne suis jamais au lit avant trois heures et à six heures je suis au volant de mon arroseuse municipale.

Georges : C'est de la folie.

Mercédès : C'est de la folie ! C'est pas avec le salaire de famine que tu me donnes ici que je peux m'en sortir.

Georges : Si tu n'avais pas le train de vie que tu as, tu pourrais. (Les larmes de Mercédès redoublent.) Qu'est-ce qu'il y a encore? Qu'est-ce que tu as? Tu as quelque chose? (Mercédès fait signe que oui, dans les larmes.) Tu as fait une bêtise ?

Mercédès : J'attends un enfant.

Georges : Encore ! Tu as encore fait un enfant à Louise ! Mais tu vas la tuer, la malheureuse ! Ça fait le septième.

Mercédès (pleurant toujours) : J'aime tellement les enfants.

Georges : Mais elle, est-ce qu'elle les aime ?

Mercédès : Moins.

Georges : Comment veux-tu faire une carrière ? Tu t'épuises ! Tu t'épuises à procréer. Tu es usée avant l'âge. Regarde-toi, tu es cadavérique. Ce n'est pas raisonnable ; allons, allons ! Est-ce que Bardot a sept enfants ? Est-ce que Sapritch a sept enfants ? (On frappe à la porte de communi­cation. Georges ouvre et introduit un vieux mon­sieur, à la mine respectable. Il a un dossier sous le bras et porte une cassette.) Entrez, Monsieur Tabaro. (Puis à la cantonade :) Jacob, qu'est-ce que je t'ai dit ? Je ne veux pas que tu traînes en coulisse. Remonte ! Pas de grossièretés, Jacob ! Tu veux que je descende te chercher ? (Jacob réapparaît et passe devant Georges comme un gosse pris en faute.) Allez, le Flamand, à la cuisine.

Jacob (révolté) : Je suis Wallon.

Georges : Eh bien ! le Wallon mettra le couvert ici, avec du Champagne.

Jacob va se frotter voluptueusement à Tabaro et l'embrasse dans le cou. L'autre se laisse faire; on sent qu'il est habitué et qu'il en a vu d'autres.

Jacob : Bonjour Tata. (Puis il avise Mercédès, le mouchoir sur les yeux.) Qu'est-ce qu'il y a ma chérie ? Tu as du chagrin? (Il vient câliner Mercédès.)

Georges : Ne tripote pas, ne tripote pas les artistes.

Jacob : Sudiste !

Georges : Et va préparer le souper! Il sort.

Tabaro vient à Mercédès qui l'embrasse à son tour.

Mercédès : Bonjour, Tata.

Georges : Mon pauvre Monsieur Tabaro, Mercédès a encore fait des siennes. Sa femme est enceinte à nouveau.

Tabaro (réprobateur) : Oh ! Oh ! Ce n'est pas sérieux !

Georges : Je ne vous le fais pas dire. Je ne vais pas pouvoir te garder.

Mercédès : Georges, tu ne peux pas me renvoyer.

Georges : Je ne peux plus te faire faire la salle.

Mercédès : Pourquoi ?

Georges : Rends-toi compte : un client qui me fait une grosse addition, qui essaie de t'embarquer, et qui apprend que tu as sept enfants !...

Mercédès : Mais il ne le saura pas.

Georges : Mais si, ma pauvre fille. Nous sommes à Saint-Tropez, ici, pas à Paris. Tout se sait ici. Il faut compter avec la mentalité de la campagne. Je n'ai pas raison, Monsieur Tabaro ?

Tabaro : Tout à fait.

Georges : J'ai une responsabilité, ma petite enfant, comprends-tu? Je ne peux pas tromper ma clientèle, c'est trop grave. Or, si tu ne fais plus la salle, si tu ne fais pas déboucher au moins ses six bouteilles par soir, je ne m'y retrouve pas ! Tu deviens un poids mort pour moi. N'est-ce pas, Monsieur Tabaro ?

Tabaro : Ah ! Absolument !

Mercédès : Mais, syndicalement, tu n'as pas le droit de me congédier ; ma femme est enceinte.

Georges : Alors, je te garde, mais comme boy.

Mercédès : Oh ! non ! C'est plus humiliant que tout. Et mes perruques ? Et mes bijoux ? Qu'est-ce que je vais en faire?

Georges : Il fallait y penser avant de te vautrer dans l'orgie.

Mercédès : Je ne pourrai pas ; je ne pourrai pas me montrer en scène en veste et en pantalon. J'aurais trop honte.

Georges : Maintenant, tu nous laisses, Henri. Nous avons les comptes à faire.

Mercédès : Henri ! Tu m'as appelé Henri ! Oh ! Quelle horreur ! (Les sanglots redoublent. Henri-Mercédès se dirige vers la porte.) J'aime mieux faire les patronages. Mais en femme !

II est sorti.

Georges : Donnez-moi vite les bordereaux, je n'ai pas beaucoup de temps. (Il regarde sa montre, nerveux. Tabaro ouvre son dossier, dispose les bordereaux devant Georges et pose la cassette sur la table. Georges ouvre la cassette, et compte la recette.) C'est mieux que lundi dernier, non ?

Tabaro : Nous avons fait dix couverts de plus. Et la table du Prince Philippe en est à sa dix-huitième bouteille.

On frappe.

Georges : Allez voir Tabaro.

Francis (fait irruption) : Oh là là !...

Georges : Qu'est-ce qu'il se passe encore ?

Francis : Il y a un type qui s'est mis nu. Il veut monter sur scène pour faire la danse du voile, avec des nappes.

Georges : Videz-le ! Où se croit-il ? Qui est-ce ?

Francis : Un Américain.

Georges : Bon. Eh bien alors ! Cinq minutes, pas plus. Quel genre d'Américain ?

Francis : Un journaliste ! De Vogue !

Georges : Redonnez-lui des nappes, s'il n'en a pas assez.

Francis : Et Zaza, qu'est-ce qu'elle va faire pendant ce temps-là ?

Georges : Qu'elle danse avec lui !

Francis : Vous parlez d'une commission. (Il sort.)

Georges : Allez-y, Tabaro, et dès qu'elle a fini son tour, dites-lui d'aller présenter ses devoirs au Prince Philippe.

Tabaro : On fait quelque chose pour l'addition du Prince ?

Georges : Elle est importante ?

Tabaro : Environ cinq cent mille.

Georges : Ne comptez pas les cafés. (Tabaro va sortir.) Ah Tabaro ! Vous donnerez un chèque à Mercédès pour la layette, et vous enverrez des fleurs à sa femme. Mais demain, Mercédès, en homme ! Je n'ai pas raison ?

Tabaro : Absolument. Moi, quand j'ai eu mon premier enfant j'ai arrêté le travesti; pour m'occuper de l'administration. C'était à Berlin en 28. Depuis, je ne me suis jamais remis en robe.

En ouvrant la porte, il se heurte à un homme qui, visiblement, écoutait derrière. Il passe et descend.

Georges (au nouveau venu) : Qu'est-ce que vous faites là, Zorba?

Zorba : Je m'étais perdu ; je cherchais la sortie.

Georges : Je vous ai interdit vingt fois de foutre les pieds dans cette boîte. Je n'aime pas le ton de votre canard. Mous sommes une grande famille unie : il n'y a rien à glaner pour vous ici.

Zorba : Je suis journaliste : j'informe. Vous ne pou­vez pas m'empiêcher d'informer.

Georges : Ce n'est pas la peine de rôder; vous n'avez qu'à me demander. Je résume. Je suis bien le fils naturel de Roger Peyrrefitte, en revanche, il n'y a plus rien entre Eddy Merckx et moi. Maintenant, pour ne pas perdre les saines traditions, si vous permettez...

Il l'attrape, d'une main par le col, de l'autre par le fond du pantalon et le pousse vers la porte d'entrée. On sent que c'est une sorte de rite. Zorba ouvre lui-même la porte, en disant :

Zorba : La plage ?

Georges : C'est tout droit. (Et il est éjecté. Georges reste songeur, regarde sa montre, passe sur la terrasse, de plus en plus fébrile. Il appelle :) Jacob, tu apportes tout ; et puis tu peux t'en aller. (Jacob entre en poussant une table roulante char­gée de plats recouverts, et de vaisselle. Il est toujours quasiment nu, mais au lieu de pagne, il arbore maintenant un tablier blanc de soubrette ; il a mis une perruque blonde bouclée dans laquelle il a épingle un bandeau de soubrette également.) Tu as vraiment une âme de putain. Je t'interdis de mettre les perruques d'Albin.

Il marche sur Jacob, qui se dérobe.

Jacob : Attrape-moi si tu peux! (Il le défie.) Viens! viens m'attraper. (Il se fait lascif.)

Georges : Tu finiras en «. maison ». A Brest.

Jacob : On fait un petit souper fin, un petit souper d'amoureux, avec la diva, après son triomphe. (Georges met la nappe et le couvert lui-même.) On prépare la table avec amour pour la diva ? Tu veux que je reste pour servir ? Tu veux que je danse nu, avec des plumes, pour vous deux pendant le repas ?

Georges : Je veux que tu me foutes la paix, que tu t'habilles décemment, et que tu ailles faire le tapin sur le port si ça te fait plaisir.

Jacob : Un jour, je te laisserai tomber ; je me ferai écrire une pièce par Monsieur Genêt. Je deviendrai une grande comédienne noire, et j'adopterai douze petits enfants.

Georges : Et je t'achèterai une ceinture de bananes, idiote ! (Jacob lui tire la langue, et sort. Georges va fermer à clé la porte de la cuisine, puis celle de communication avec la boîte.) Je me demande parfois si ce garçon n'est pas un peu nymphomane. (Il retourne sur la terrasse, scrute la nuit, aperçoit quelque chose ou quelqu'un. Alors il re­descend a la table sur laquelle il dispose avec amour des fleurs, change la disposition des couverts pour les rapprocher, contrôle la température du Champagne. On sonne. Georges se précipite pour ouvrir. Entre un garçon d'une vingtaine d'années, plein de charme. Il porte un sac de voyage qu'il pose rapidement pour se jeter dans les bras de Georges. Ils restent un moment embrassés, joue contre joue. Georges le contemple.) Tu vas bien ?

Laurent : Très bien. -

Georges : Mets-toi à l'aise. Assieds-toi. Qu'est-c.e que tu veux boire ? Whisky ? Champagne ?

Laurent : Champagne ! Je ne dis pas non.

Georges le sert. Ils se regardent avec tendresse.

Georges : Tu es beau ! Tu es dans une forme ! Tu as un teint !

Laurent (souriant) : Je te plais ?

Georges : Ah ! Je dois dire !

Il lui porte son verre, et en profite pour l'embras­ser à nouveau, puis il s'assied près de lui.

Laurent : Il est en scène ?

Georges : Oui : avec son tour et la revue, il en a pour deux heures. Avec ses changements, il n'a pas le temps de remonter.

Georges : Et Jacob?

Georges : Je lui ai donné sa nuit. Tu m'as beaucoup manqué. Si, c'est vrai.

Laurent : Oh ! Allons !

Georges : Nous n'étions jamais restés séparés si longtemps. (Laurent a un petit sourire gêné.) C'était beau, l'Irlande?

Laurent : Merveilleux! De la brume! De la pluie ! Le rêve quand on sort d'ici !

Georges (insidieux) : Et... ça s'est bien passé ?

Laurent : Très.

Georges : Tu as faim?

Laurent : Un peu. (Ils s'installent à la table, tout près l'un de l'autre.) Tu as l'air en forme, toi aussi.

Georges : Quand tu es là, toujours! (Laurent commence à beurrer un toast. Georges le lui prend des mains.) Non. C'est moi qui tartine.

Il le sert. Le visage de Laurent s'assombrit.

Laurent : Tu sais... Je ne vais peut-être pas pouvoir rester très longtemps.

Georges : Ce soir ?

Laurent : En général.

Georges : Et pour quelle raison ?

Laurent : Je vais me marier. Un silence.

Georges (faussement désinvolte) : Eh bien ! Voilà une nouvelle !

Laurent : Je voulais te l'écrire, seulement... dans une lettre...

Georges : Muriel ? La petite Dieulafoi ?

Laurent : Oui.

Georges : Ce n'est pas sérieux !

Laurent : C'est très sérieux.

Georges : Il y a quatre mois que vous vous connais­sez, vous partez deux mois ensemble, vous rentrez et vous vous mariez ! Ce n'est pas sérieux.

Laurent (gentil, mais net) : Cette fois, si ! J'en ai bien l'impression.

Georges : Je n'aurais pas dû te laisser aller en Irlande ; c'est un climat trop aphrodisiaque.

Laurent (ne peut s'empêcher de rire :. C'était décidé avant. (Un silence. Laurent s'est mis à manger de bel appétit. Georges fait des efforts pour en faire autant, mais sans conviction.) Je suis soulagé. Je vais manger de meilleur cœur. Je craignais tellement de te faire de la peine.

Georges : Alors que, là tu vois, c'est l'euphorie.

Il essaie à nouveau d'avaler une bouchée sans y parvenir.

Laurent : Tu ne vas pas me gâcher ma joie.

Georges : Tu as un dialogue de roman-photos, mon pauvre garçon.

Laurent : Et puis, je vais te dire : j'en ai assez de passer pour ton gigolo.

Georges : Tu ne passes pas pour mon gigolo.

Laurent : Mais si, papa, crois-moi.

Georges : Je te présente à tout le monde : « Voilà mon fils ! Vous connaissez mon fils ! » D'ailleurs, la façon dont tu te comportes avec les filles devrait ôter toute équivoque. Parce que, dis donc, comme cavaleur !...

Laurent : C'est toi qui me les as mises dans mon lit. À dix ans, j'en avais partout, des filles ; sous mon oreiller, et dans mon coffre à jouets.

Georges : On ne s'y prend jamais trop tôt !

Laurent : Alors, ne te plains pas d'avoir trop bien réussi.

Georges : Je ne me plains pas. Je trouve seulement que tu es bien jeune pour te marier. Tu n'as pas vingt-deux ans. Et elle, cette bonne femme, quel âge a-t-elle ?

Laurent : Elle n'a pas vingt-deux ans non plus.

Georges : Oui, mais une fille à vingt-deux ans, est beaucoup plus mûre. Tu attendrais cinq ans...

Laurent : Elle en aurait vingt-sept et elle serait encore beaucoup plus mûre. Ça, il faut s'y faire : le même âge pour un couple, c'est un écart qui ne se rattrape pas.

Un temps.

Georges : Et... tu comptes t'installer par ici ?

Laurent : Oh ! Papa, ce n'est pas possible.

Georges : Pourquoi?

Laurent : Ce n'est pas possible! Avec la boîte !

Georges : Pourquoi, elle sort du couvent, ta petite amie ?

Laurent : Ce n'est pas pour elle ; c'est pour ses parents.

Georges : Ses parents sont dans les ordres ?

Laurent : Son père se présente aux prochaines élections législatives.

Georges : Et alors ?

Laurent : Ici, dans le Var.

Georges : C'est très bien, nous l'aurons sous la main.

Laurent : Sous l'étiquette S.P.C.

Georges : S.P.C. ?

Laurent : Sociaux Paysans Chrétiens.

Georges : C'est très sain comme étiquette. Cela fait campagne.

Laurent : Leur devise est : « Famille, Morale et Progrès ». C'est difficilement compatible avec La Cage aux Folles.

Georges : Je ne vois pas pourquoi ! La Famille, nous l'avons ! Le Moral, nous l'avons ! Quant au Progrès, nous sommes à la pointe.

Laurent : Je parlais « Morale », au féminin.

Georges : À plus forte raison.

Laurent : Leur groupe a demandé la fermeture des boîtes de strip-tease, c'est te dire !

Georges : Ah ! Tu fréquentes du beau monde ! Bravo! Après tout, nous ne sommes pas obligés de nous rencontrer avec ta belle famille.

Laurent : Malheureusement...

Georges : Quoi ?

Laurent : Il va falloir les rencontrer.

Georges : Il faudrait savoir ce que tu veux : tu me caches, ou tu me montres ; je ne comprends plus.

Laurent : Je te montre un petit moment.

Georges : Que je n'aie pas le temps de faire des bêtises. C'est vraiment indispensable ?

Laurent : Ils veulent connaître ma famille; c'est normal.

Georges : Parfait ! J'irai me prosterner où tu me diras.

Laurent : Eh bien, tu n'auras pas à te déranger.

Un temps pendant lequel les deux hommes se regardent. Georges hésite à comprendre.

Georges : Je vais essayer de comprendre. Je vais prendre du temps, mais je vais y arriver.

Laurent : Je n'ai pas pu faire autrement. Il préside un meeting à Toulon le jeudi et un autre à Saint-Raphaël le dimanche. Ils m'ont dit : « nous aimerions en profiter pour rencontrer vos parents ». Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Il faut bien qu'ils passent la nuit quelque part.

Georges (de plus en plus éberlué) : Qu'ils passent la nuit quelque part ?

Laurent : Il n'y avait plus une seule chambre libre dans tout Saint-Tropez.

Georges : Tu m'as dit, il y a une minute, qu'une fois marié, tu ne pourrais pas venir t'installer dans les environs ?

Laurent : Oui.

Georges se lève et va à la porte qui mène à la boîte.

Georges (montrant la porte) : Qu'est-ce que c'est que ça ?

Laurent (ne comprenant pas où son père veut en venir) : C'est une porte.

Georges : Et elle mène où, cette porte ?

Laurent : A la boîte.

Georges : Alors, qu'est-ce qu'on va en faire, de cette porte ?

Laurent : On va la condamner.

Georges : On va la condamner, cette pauvre porte ?

Laurent : On va mettre un meuble devant, et la condamner.

Georges : Et pour descendre à la boîte ?

Laurent : On ne descend plus à la boîte. Il n'y a plus de boîte. Pendant trois jours.

Georges : Ah ! C'est trois jours, maintenant ?

Laurent : Enfin ! Deux ou trois.

Georges : J'ai enfanté un dément.

Laurent : Tu peux bien, pendant trois jours, laisser la baraque marcher seule. La maison par elle-même fait bon genre ; les entrées sont indépendantes. Une fois cette porte condamnée, personne ne peut se douter que cet appartement a un rapport avec une maison de travestis. Cela dit...

Georges : Cela dit quoi?

laurbnt. Il y aura peut-être quelques aménagements à faire.

Georges : Ah ! Bien ! Il y a des choses qui sont susceptibles de ne pas plaire ?

Laurent : Des détails ! Ça ! Ça ! Ça !

II désigne différents objets, d'un esprit particulièrement orienté.

Georges : Tu me feras une liste.

Laurent : Oui, papa. (Il l'embrasse.)

Georges : Et moi, dans cette histoire, quel rôle joue-je ?

Laurent : Comment? Eh bien/tu es là, tu les reçois.

Georges : Oui mais, pas en tant que patron de La Cage aux Folles. Je suppose ?

Laurent : Non, bien sûr.

georges : Alors ! Comment m'as-tu évoqué auprès de tes amis. Ne me cache rien.

Laurent : Je leur ai dit...

Il hésite.

Georges : Vas-y. Je serai fort.

Laurent : Je leur ai dit que tu étais au Quai d'Orsay.

Georges : C'est bien d'avoir de l'ambition pour ses parents. Et qu'est-ce que je fais au Quai d'Orsay ?

Laurent : J'ai laissé dans le vague ; un membre du Quai d'Orsay.

Georges : Je serais incapable de dire quelle est la capitale de la Bulgarie.

Laurent : Il n'y a aucune raison pour qu'ils te demandent quelle est la capitale de la Bulgarie.

Georges : Non. D'ailleurs, cela ne les regarde pas.

Laurent : Il fallait te trouver une situation qui les impressionne favorablement.

Georges : Ah ! Parce que, en plus, il faut impressionner favorablement ?

Laurent : C'est préférable. Ils pèsent quand même un milliard.

Georges : Fichtre.

Laurent : Alors il y a de la concurrence chez les prétendants.

Georges : Je me serais mieux vu en officier de carrière. Armée d'Afrique. J'aurais bien aimé l'Armée d'Afrique.

Laurent : Il est antimilitariste. Ce n'était pas une bonne note. Crois-moi, le Quai d'Orsay, c'est très bien. Au Quai d'Orsay, on peut être obscur et im­portant. La carrière auréole tout.

Georges : Et quand ces messieurs-dames débarquent-ils ?

Laurent : Vendredi.

Georges : Quatre jours, c'est court.

Laurent : C'est amplement suffisant. Je te demanderai simplement...

Georges : Quoi ?

Laurent : Pardon papa - moi personnellement ça ne me gêne pas - mais si tu pouvais un peu contrôler - oh ! rien !.. tes gestes... ta démarche... ta façon de parler... et ton vocabulaire.

Georges : Je vais aller me recycler à Berlitz.

Laurent : Tu peux très bien t'observer quand tu veux. Nous vivons une époque où l'on ne peut plus s'encroûter dans son milieu ; il faut voir ce qui se fait ailleurs.

Georges : Quoi d'autre ?

Laurent (très gêné) : Albin.

Georges : Quoi ?

Laurent : On ne peut pas garder Albin. Toi seul, tu donneras le change, mais avec Albin ce n'est pas possible. Si, en plus de ça, ils aperçoivent Jacob, ils repartent dans la minute.

Georges : Tu ne vas pas briser le ménage de ton père parce que des étrangers débarquent. Je les invite, ils viennent chez moi ; ils me prennent comme je suis.

Laurent : Oui mais, c'est moi qu'ils ne prendront pas.

Georges : Mais qu'est-ce que c'est que ces gens-là ? Ils ne sortent pas, ils n'ont pas vu Le Dernier Tango à Paris ?

Laurent : Ils sont comme ça !

Georges (s'emportant) . Mais enfin, la môme ! Elle a quand même son mot à dire. C'est une gourde ? Ou quoi?

Laurent : Je t'en prie.

Georges : C'est vrai ça ! Tu l'enlèves, tu lui fais un gosse, comme tout le monde. Et les beaux-parents iront se faire voir.

Laurent : Non papa.

Georges : Comment, non ?

Laurent : Elle ne me suivra pas;

Georges : Elle t'aime?

Laurent : Elle m'aime, mais elle ne peut pas faire ça.

Georges : Et pourquoi?

Laurent (réticent) : Parce que sa sœur aînée est déjà en ménage avec une sage-femme israélienne. Ça a failli briser la carrière politique de son père.

Georges : Le monde n'est qu'un égout sans fond.

Laurent : Alors, deux fois, ce n'est pas possible.

Georges : Mais elle, elle sait d'où tu sors ?

Laurent : Je n'ai pas osé lui avouer.

Georges : Mon fils est un demeuré. À l'époque où sa génération remet le monde en question, mon propre fils s'incline devant les plus vieux tabous. Au lieu de crier ta fierté d'avoir un père sexuelle­ment libéré, tu as l'air de t'excuser. Non, mille fois non ! Je n'ai pas à payer pour la sage-femme israélienne.

Laurent : Étant enfant, je ne t'ai jamais demandé ni une sucrerie ni un tour de manège; j'aurais dû persévérer dans cette voie. Pardonne-moi de t'avoir dérangé. Je n'épouserai pas Muriel. C'est d'ailleurs beaucoup mieux comme ça ; quand on vient au monde dans une famille de tradition, il vaut mieux suivre cette tradition. Dors bien, papa. (Laurent se lève, prend sa valise et sort.)

Georges : Laurent ! Écoute, Laurent ! (Georges reste un moment dans l'expectative, puis :) Alors, abandonner la boîte, murer les portes, viriliser la décoration, répudier Albin, masculiniser Jacob, et me recycler moi-même. Tout ça pour vendredi. J'ai quand même quatre jours devant moi.

Il sort.

NOIR

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