Claude-André Puget est né à Nice le 21 juin 1905, premier jour de l’été, saison magnifiée par la poésie, poésie qui allait harmoniser toute sa vie. Il a à peine dix-huit mois lorsqu’il est abandonné par son père, et est élevé par son grand-père maternel, fils naturel d’un gentilhomme breton qui était venu de Paris à Nice à pied en 1845 pour fonder Les Échos de Nice, premier journal du pays rédigé en français.
Claude-André, élève au lycée de sa ville natale, bénéficie d’un remarquable professeur de philosophie qui porte un nom magnifique : Farigoule, possède une barbe assyrienne et publie sous le pseudonyme de Jules Romains. À l’âge de 13 ans et demi, il a la révélation de son talent d’auteur dramatique, à l’occasion d’un devoir de français dont le sujet consistait à réunir et à faire parler les personnages décrits par Célimène dans la fameuse scène des portraits du Misanthrope . Le travail du jeune Puget est tellement apprécié par le professeur que ce dernier déclare devant toute la classe que celle-ci vient de s’enrichir d’un auteur dramatique. La passion du théâtre s’empare alors de tous les élèves, qui organisent des tournées au bénéfice des orphelins de guerre. On joue L’Anglais tel qu’on le parle de Tristan Bernard. Dans la troupe, Marcel Cabridens, devenu plus tard Marc Cab, auteur de revues et d’opérettes, et également un élève tendre et joufflu qui joue les ingénues et qui deviendra juge de paix. En 1918 la troupe écrit et monte son dernier spectacle, une revue intitulée En avant Mars. Bien des années plus tard, à la fin d’une représentation d’une de ses pièces, Puget voit débarquer un ancien camarade de lycée qui lui dit : « Bravo mon vieux. Mais ça ne vaut pas ton devoir sur le salon de Célimène ».
Après sa licence de lettres et sa licence de droit passées à Aix, il commence, comme son ami Georges Neveux, par le Barreau, secrétaire d’un important avocat pour lequel il plaide d’innombrables causes en Correctionnelle. Avocat-stagiaire, sa connaissance relative du droit le fait vivre dans une perpétuelle anxiété. Il se console avec la poésie qui est son véritable univers. Il partage cette passion avec Georges Neveux et Maurice Jaubert, compositeur qui deviendra célèbre et écrira de très courtes pièces de piano que ses deux complices rédigent pour lui afin qu’il les mette en musique. En évoquant son amitié avec Georges Neveux, il dira : « Nous étions impécunieux et plus riches d’illusions que d’espèces ». En 1923, à 18 ans, il publie un recueil de poésie, Pente sur la mer, en 24 Matin aux Oliviers et en 27 un petit livre de poèmes en prose Miracle du dormeur . Dans Pente sur la mer , Jules Romains écrit dans la préface: « Claude-André Puget, poète de 20 ans, publie sa première plaquette. Je souhaite que cette phrase, toute modeste aujourd’hui, prenne dans l’avenir quelque résonance solennelle ».
Jules Romains ne s’était pas trompé sur l’avenir de Claude-André Puget, mais il n’en avait pas prévu l’orientation. En effet, le théâtre l’habite autant que la poésie et il écrit deux pièces Nikibis ou la gloire toute faite et Le Profil de Robespierre . Il reste néanmoins poète, mais poète de théâtre. « Après Matin des Oliviers , sans doute aurais-je continué à poser mes pas dans les traces de MOREAS et de SAMAIN si, à cette même époque, je n’avais fait une découverte bouleversante : le surréalisme. Georges Neveux me révèle les laboratoires de BRETON et TZARA. Je dois tout réviser, et le titre de mon troisième recueil de poèmes Miracle du Dormeur ».