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De jeunes années privilégiées

C’est à Cajarc, petite bourgade du Lot, le 21 juin 1935, que naquit, ainsi que sa grand-mère maternelle et sa maman, dans la maison familiale de vacances, une jolie petite Françoise, troisième rejeton de la famille Quoirez . Les deux aînés, Suzanne et Jacques, avaient respectivement huit et sept ans de plus qu’elle . C’est assez dire si cette benjamine, dénommée Kiki, fut une enfant gâtée .

Pierre Quoirez, riche industriel, était un homme spirituel, tolérant, généreux . Il formait avec sa charmante et élégante épouse un couple heureux . Installés à Paris, ils faisaient alors partie de cette bourgeoisie insouciante d’avant-guerre . On avait alors de bons amis, on se recevait souvent, on passait des week-end à Deauville, la vie était facile et attrayante … en attendant septembre 1939 …

Sagan à la montagne
Collections A.R.T.
(photo Paris-Match)

1940, après la démobilisation de Pierre, la famille quitta Paris pour se réfugier tout d’abord à Cahors, Bientôt les occupations de l’ingénieur Quoirez l’obligèrent à s’éloigner du Lot pour s’installer dans le Vercors .

De cinq ans à dix ans, Françoise vécut à la campagne . Séduite par la nature et aimant les animaux, camarades de jeux qu’elle n’oubliera jamais, elle aura, toute sa vie, auprès d’elle chats ou chiens à caresser . Petite fille timide mais parfois casse-cou , elle se montrait alors un vrai garçon manqué. Le père s’efforçait d’être ferme face aux lubies de sa petite dernière, mais il aimait ce petit bout de femme dont l’esprit allait plus vite que la parole et qui, de ce fait, bégayait .

Françoise Sagan
Collections A.R.T.
(photo Paris-Match)

1945, fin de la guerre, Pierre, Marie Quoirez et leurs enfants reviennent à Paris . Ils s’installent dans un grand appartement du boulevard Malesherbes . Le temps est venu pour Françoise d’entrer au collège . Elle fut tout d’abord inscrite au cours Louise de Brétigny . Indisciplinée, après mille incartades, elle se fait renvoyer . Son passage au respectable Couvent des Oiseaux n’est pas plus honorable . Cette fois elle est mise à la porte pour « manque de spiritualité » . À sa décharge il faut noter que dès l’âge de douze ans, l’adolescente assoiffée de lecture dévorait déjà les œuvres de Stendhal, de Sartre, de Camus, de Dostoïevski, de Proust, etc … Il lui était donc impossible de garder intacte, ce que les professeurs appelait « une âme d’enfant », « La lecture la perdrait » disait-on .

À la suite du Couvent des Oiseaux ce sera le cours Hattemer qui accueillera. Elle y fera connaissance de Florence Malraux, la fille du célèbre écrivain . Les deux adolescentes deviendront des amies inséparables pour la vie .

Après avoir aura connu ces trois établissements de bon ton … et échoué néanmoins en juillet 1953 à l’oral de sa seconde partie de baccalauréat, Françoise fut mise en pension, pendant les grandes vacances au cours Maintenon, boîte à bachot, qui enfournait coûte que coûte dans les jeunes cervelles les matières indispensables au bon résultat lors de la session de rattrapage d’octobre .

Bachelière, Françoise s’inscrivit à la Sorbonne pour y obtenir une licence de Lettres . Elle y retrouvera Florence Malraux . Toutes deux découvriront ensemble les plaisirs et les tentations de Saint-Germain des Près . Elles fréquentèrent alors plus souvent la rue Saint-Benoit que les bancs des amphithéâtres de la faculté .

Aussi en juin, Françoise fut-elle refusée à son examen de propédeutique . Au fait qu’en avait-elle à faire de cette licence, elle qui avait toujours déclaré qu’elle serait écrivain . À force de dire à ses amis qu’elle composait un vrai roman, il fallait qu’elle le prouve et abandonne les petites nouvelles, écrites de temps en temps . Aussi, Françoise décida-t-elle de passer la plus grande partie de l’été 1954 à Paris, seule avec son père, afin de se mettre sérieusement au travail .

« Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse » . Cette première phrase, écrite sur une page blanche, fut à l’origine de la carrière d’un grand auteur .

Après six semaines d’écriture, Françoise inscrivit le mot Fin. Il lui restait à trouver un titre à son roman . Le second vers du poème de Paul Eluard La vie immédiate, Bonjour tristesse, lui parut incontestable .

Ayant lu le manuscrit de son amie, Florence Malraux, déclara enthousiaste :  «  Tu es un vrai écrivain ! » .

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