Après La Main de César, il faut toujours vivre, et il mène durant trois ans une carrière de trial
dans des revues et opérettes, à Paris et surtout en province ( Princesse Czardas, Miss Heliett, NoNoNanette ) Dans le même temps, il ne cesse d'écrire des pièces, et se fera la main sur une
dizaine de sujets avant d'être joué. Il participe à une revue de Max Revol au cabaret Eve, où il
fait un numéro comique avec Sophie Daumier et Henri Garcin, figure au cinéma dans
Les Grandes manœuvres et L'École des Cocottes, tient le rôle du domestique de Dany ROBIN
dans Le Secret du Chevalier d'Éon, et joue un petit rôle dans La guerre du sucre aux
Bouffes Parisiens. Il reprend un rôle dans Les Belles Bacchantes de Robert Dhéry au Théâtre
Daunou, spectacle burlesque qui connaît une carrière triomphale.
Mais ses plus grands succès d'auteur ne
lui feront jamais oublier son premier métier de comédien, et il brûlera toujours du désir de monter sur
les planches. Il reconnaîtra que c'est là qu'il connaît le vrai bonheur. L'occasion lui en sera offerte lors
des représentations de Piège pour un homme seul. Christian Alers, qui interprète le rôle principal
se révèle, un après-midi, dans l'impossibilité d'assurer la représentation de la matinée. « Affolement… Jacques Charon me consulte. Je lui proposai de remplacer aussitôt Alers. Je ne dis pas que, trois heures après, le comédien Robert Thomas respecta précisément le texte de l'auteur Robert Thomas mais,
pour le public, la représentation dût paraître normale. Depuis, j'ai appris le texte scrupuleusement ».
Avant le coup de tonnerre de Piège pour un homme seul, dont l'histoire va suivre, Robert Thomas
avait réussi à faire jouer deux de ses comédies à Enghien et à Nice : la première version de Huit Femmes et Madame Trait d'union, ainsi que Que le diable l'emporte, pièce montée par Christian Alers
à son Club du théâtre des quatre jeudis.
Il semble utile de consacrer quelques lignes à ce club
très particulier. Alers avait eu l'idée de fonder un club de théâtre sur les bases suivantes : le client qui
s'y inscrivait versait une cotisation annuelle et pouvait, en retour, assister aux cinq spectacles
montés spécialement pour le Club. L'idée était intelligente et généreuse, mais, au fil des années,
son exploitation a largement contribué à la ruine de son initiateur. Tout d'abord, il n'a jamais été possible
de réunir un nombre suffisant d'abonnés, le français n'aimant pas assez le théâtre, et la gestion
alersienne , aussi débridée, généreuse et farfelue ne pouvait que conduire à la faillite. On peut
dire qu' Alers a été victime de son amour du théâtre, de sa marotte d'innovation et de son
manque d'organisation. Que le diable l'emporte est donc créé le sous l'égide du Club du théâtre des quatre jeudis
au théâtre Gramont, et connaîtra une douzaine de représentations, avec Christian Alers,
Renée Devillers et Anne Wartel.
Interview de Robert Thomas par Paul-Louis MIGNON – L'Avant-Scène n° 268 du 1er Juillet 1962