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Un auteur dramatique percutant

Depuis quelque temps Boris Vian avait l’habitude de prendre des notes en vue d’éventuels romans En se relisant, il découvre un sujet qui l’amuse : À la campagne pendant la guerre, cinq fils se font parachuter à la ferme. L’un est sous l’uniforme américain, l’autre allemand, le troisième français le quatrième russe, le cinquième « eskimo ». Conseil de famille et ils se tueront tous à la fin. Boris décide de retravailler l’intrigue de cette histoire et d’en faire un vaudeville pacifiste, intitulé L'Équarrissage pour tous : « Il m’a semblé, déclare-t-il, qu’il valait mieux faire rire aux dépends de la guerre ». 1

L' Équarissage pour tous
L' Équarissage pour tous
Dessin de Jean Boullet
Édition originale

Après avoir reçu les encouragements de Jean Paulhan et du critique dramatique Jacques Lemarchand, Boris présente sa pièce à plusieurs directeurs de théâtre dont André Barsacq 2 et Jean-Louis Barrault qui refusent le manuscrit. Finalement la pièce sera jouée à partir du 11 avril 1950 au théâtre des Noctambules dans une mise en scène du comédien André Reybaz. Le succès dépassa les espérances de Boris : « Quand le rideau se fut enfin immobilisé, des connaisseurs sautèrent sur la scène, nous embrassèrent. Je revois Ducreux et Barsacq augurant que nous serions « le succès du siècle  ( les gens du spectacle, quand ils sont heureux, voient grand ) »… Le lendemain, les critiques se reboutonnèrent. Des bourgeois qui, après une nuit d’égarement, reprennent l’uniforme de la bienséance et se désinfectent du péché en le fustigeant… Une froide rage animait Vian : « Je le sentais au calme menaçant qui précède les orages, à un sourire un peu fixe, à un teint qui n’était plus blême, mais absinthe ; son grand visage de cheval de race était coupé par une bouche au carmin étranglé, comme une crête de coq de combat ». 3

L'Équarrissage pour tous ne durant qu’une heure et demi, il fallait compléter le programme par une autre courte pièce d’un acte. Vian écrivit alors Le dernier des Métiers, au sous-titre : Saynète pour patronages. 4 Le sujet est particulièrement scabreux . Il ne s’agissait plus cette fois à s’en prendre à la notion de patriotisme, mais à celle de religion ou plus précisément de ses ministres : un révérend père, orateur de son état, plus coquet, plus ostentatoire, plus vaniteux qu'une star de cinéma, puis un vieux sacristain quelque peu efféminé, et de jeunes boyscouts tant soit peu voyous. Cette fois Vian était allé trop loin. La pièce refusée, ce fut Sa Peau un acte de Jacques Audiberti qui compléta le programme.

1 Opéra interview de Boris Vian, 12 avril 1950
2 André Barsacq, directeur du théâtre de l’Atelier
3 Têtes d’Affiches André Reybaz , éditions de La Table ronde1975
4 Le dernier des Métiers sera créé au Café-Théâtre de la Grande Séverine en 1964
1 Libération Pierre Lagarde 24 avril 1948

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