VICTOR OU LES ENFANTS AU POUVOIR
Pièce créée à la Comédie des Champs-Élysées, sous l’égide du Théâtre Alfred-Jarry, le 24 décembre 1928 ( 3 représentations ), interprétée par Marc Darnault, Robert Le Flon, Elisabeth Launay, Edith Farnèse, Jeanne Bernard, Auguste Bovério, Germaine Ozler, Maxime Fabert, Domenica Blazi, Max Dalban, mise en scène et décor d’Antonin Artaud.
Analyse
C’est le jour anniversaire de Victor. Il a neuf ans et mesure 1 mètre 8O. Esther, une petite fille de six ans vient jouer avec lui. Elle lui apprend, en toute innocence, que sa maman, à elle, n’est pas indifférente à son papa, à lui. Victor découvre alors la vie telle qu’elle est pour les adultes et ne la supporte pas.
Critiques
« On a écouté tout cela silencieusement avec un sourire de pitié, un peu triste, celui qu’on aurait à Sainte-Anne ou à Bicêtre pour examiner, dans le cabinet du médecin – chef, les élucubrations graphiques des aliénés incurables. »
Paul Reboux Le Journal du Peuple 26 décembre 1928
« La seule chose qui m’ait paru naturelle dans cette œuvre saugrenue, c’est le bruit postérieur que fait émettre par l’héroïne chaque fois qu’elle éprouve une émotion. Je vous assure que ce trouble d’esprit qui semble frapper M. Vitrac a quelque chose de contagieux. »
Paul Reboux Paris-Soir 26 décembre 1928
« Vitrac n’a pas découvert un second Ubu Roi, mais une imitation un peu folle de On purge Bébé, avec la verve de Feydeau en moins. »
Pierre Lazareff Paris-Midi 26 décembre 1928
« L’auteur ne perd aucune occasion d’attaquer l’armée. Il met en scène un général ridicule ( … ) M. Roger Vitrac veut s’en prendre au Patriotisme.
Fernand Nozière L’Avenir 26 décembre 1928
« L’auteur rassemble un certain nombre de personnages sous le regard de Victor. Ce sont des échantillons lamentables que nous côtoyons constamment. Leur laideur morale explique la malveillance déployée contre eux par Victor. On rit pourtant par instants et le spectateur se dit avec satisfaction : « Tout de même, je ne suis pas comme ça ! »
Léon Béranger L’Auto décembre 1928
« Roger Vitrac a écrit un drame incroyable, un drame incroyablement insolent et dans les détails incroyablement comique. ( … ) Ce fut la représentation théâtrale la plus curieuse qu’il m’ait été donné de voir pendant les huit années de ma nouvelle vie d’après –guerre à Paris. »
Paul Block Berliner Tageblatt
Reprise de la pièce en 1946
Pièce jouée au Théâtre Agnès-Capri par la Compagnie du Thyase, le 12 novembre 1946, interprétée par Michel de Ré, André Besse, Mylène Georges, Christiane Lénier, Anna Ratière, Ivan Peuck, Marie - Juliette Greco, Georges Malkine, Jean Imbert, mise en scène de Michel de Ré, décor de Christiane Lénier, musique d’Henri Sauguet
Critiques
« Dans ce drame bourgeois, les valeurs les plus respectueuses sont bafouées et quatre années de « Travail, Famille, Patrie » que nous avons récemment vécues, rechargent la pièce d’une substance explosive que l’auteur n’avait peut-être pas voulu y mettre. C’est ce qui risque de compromettre le succès de la Compagnie du Thyase. On cherchera des allusions, on s’offusquera. À maintes joues montera la pourpre et de la colère et du ressentiment. On oubliera de s’amuser, sans arrière-pensée à cette pièce amusante. »
Georges Marester Combat 6 novembre 1946
« Cette bouffonnerie amère, au cours de laquelle un garçon terrible et précoce, après avoir jugé les grands , a eu la révélation de la vie comme elle est et se laisse tout simplement mourir, a gardé, malgré ses outrances périmées, une saveur de haute qualité. »
Gustave Joly L ’Aurore 14 novembre 1946
« Quelques-uns de mes confrères ont cru trouver des rides, mais c’est je pense, leur propre vieillesse qui les a mordus au moment même où ils se trouvaient incapables d’entrer carrément dans le jeu. Ainsi Victor prouve qu’il a gardé un caractère d’avant-garde »
Jean Rougeul Spectateur 3 décembre 1946
« Depuis longtemps, je n’avais autant ri qu’à la représentation de Victor… Quelle richesse ! Quelle splendeur verbale ! Quelles trouvailles ! Ici un merveilleux poème, là un jaillissement de mots cocasses. C’est du grand art. »
André Frank Le Populaire 21 novembre 1946
Reprise de la pièce en 1962
Pièce jouée au Théâtre de l’Ambigu, le 3 octobre 1962, interprétée par Claude Rich, Uta Taeger, Alain Mottet, Hubert Deschamps, Marie-Claire Chantraine, Monique Mélinand, Nelly Benedetti. Mise en scène de Jean Anouilh et Roland Piétri, décors de Jacques Noël.

Collections A.R.T.
Critiques
« Victor est une des trois ou quatre pièces pour lesquelles je donnerai la moitié de ce que j’ai fait… Elle aurait dû être un tournant. C’était le comique moderne . Les gens qui ne l’ont pas entendue nous ont fait perdre trente ans en attendant Ionesco »
Jean Anouilh Le Figaro Littéraire 6 octobre 1962
« Il était simplement exquis, l’autre soir, de voir cette salle, emplie des contemporains de Roger Vitrac et qui avaient condamné Roger Vitrac vivant ou l’avait aidé en sourdine et estimé du bout des lèvres, triompher soudain en remarquant que le fameux « nouveau théâtre » était déjà contenu dans l’œuvre de Vitrac, que « nos jeunes auteurs » n’avaient rien inventé et ceux-là mêmes qui avaient méconnu Vitrac prenaient un évident plaisir à applaudir en ce Vitrac ressuscité ce qui les choque et ce qu’ils blâment dans le « nouveau théâtre ». »
Jacques Lemarchand Le Figaro Littéraire 13 octobre 1962
« En réparant l’injustice de 1928 et vengeant l’échec d’Antonin Artaud vous donnez une soirée qui est pour moi la plus grande soirée de théâtre depuis trois ans exactement, depuis Les Nègres. »
Gilles Sandier Le Figaro 5 octobre 1962
« Vitrac a mêlé les larmes aux rires, shakespearien à sa manière avec cet Hamlet intimiste. Ceux qui seront pris au piège de la farce lui reprocheront d’avoir gâté l’irrésistible numéro d’affreux jojo, amorcé au premier acte par d’inutiles interventions surnaturelles et par de trop longues scènes d’insomnies dans la chambre des parents. C’est qu’ils n’auront rien compris à la pièce. Toute la tendre vérité de Victor tient précisément dans cette progression qui mène l’enfant, en un seul soir d’anniversaire, du fou rire innocent à l’imitation espiègle, de la révélation au chagrin, de la connaissance à la mort »
Bertrand Poirot-Delpech Le Monde 5 octobre 1962.
À la suite de la mise en scène de Jean Anouilh, Victor ou les enfants pouvoir deviendra une pièce culte. En 1982, elle entrera au répertoire de la Comédie Française, dans une mise en scène de Jean Bouchaud ; elle sera jouée, en septembre 1998, à la Cartoucherie de Vincennes, dans une mise en scène de Philippe Adrien, en 2008 au Théâtre Antoine dans une mise en scène d’Alain Sachs et en 2012, au Théâtre de la Ville, dans une mise en scène d’Emmanuel Demarcy- Mota.
Désormais, il n’est pas de saison théâtrale sans que la pièce ne soit présentée par une jeune compagnie théâtrale.
LE COUP DE TRAFALGAR
Comédie créée au Théâtre de l’Atelier par la Compagnie du Rideau de Paris, le 8 juin 1934, interprétée par Agnès Capri, Renée Tamary, Alain Baranger, Alice Reichen, Pierre Devaux, Sylvain Itkine, Jeanne Burnay, Jean-Louis Barrault, Eve Cazalis, Daniel Gilbert, Etienne Decroux, Claire Gérard, Jean Marchat, Marcel Herrand, Fernand Bercher, Paule Dagrève, Maryse Bousquet. Mise en scène de Marcel Herrand.
Analyse
La pièce se passe en 1914. Les locataires d’un modeste immeuble de la rue Montorgueil ont l’habitude de se rencontrer dans la loge de la concierge puis, lorsque la guerre est déclarée dans le cave à l’abri des bombardements. En attendant que revienne la paix , tout ce petit monde vit dans des moments de frousse ou d’indifférence ne s’intéressant alors qu’à ses petites affaires personnelles, s’attaquant sans vergogne aux notions du mariage, de l’armée, de la religion, du travail, de la famille, de la patrie.
Critiques
« Après quelques années de silence fort opportun, car on était sursaturé de cette pseudo - littérature bizarre et volontairement loufoque, le mouvement surréaliste ou Dada, se manifestant soudain à nouveau, est arrivé à produire, malgré ses procédés anciens et déjà périmés, l’effet de quelque chose de presque neuf. Ubu Roi continuera longtemps encore de hanter l’imagination des jeunes auteurs à la recherche d’une formule anarchiste. »
Lugné-Poe L’Avenir 16 juin 1934
« Le Coup de Trafalgar fut-il écrit récemment ou demeure-t-il en carton depuis les brèves années durant lesquelles le Surréalisme eut une apparence de nouveauté ? Nous y trouvons toutes les caractéristiques de cette tendance, c’est-à -dire la suite de Lautréamont, d‘ Ubu Roi, des Mamelles de Tirésias, mais les obsessions littéraires et parodies livresques firent place à des rappels de chansons de Fragson , de romans policiers ou d’aventures et d’anarchisme anticlérical et antimilitariste à deux sous, enfin tout ce qui surexcita les potaches que Le Diable au corps de Radiguet semble avoir murés dans leur adolescence. »
Lucien Farnoux-Reynaud L’Ordre 10 juin 1934
« Aimez-vous les films américains dont la cocasserie dépasse celles des « charlots » ? Goutez-vous ces chefs d’œuvre extravagants qui s’appellent Million dollar legs, International follies, Le Président phantom, Dollars et whisky ? Non, alors fuyez Le Coup de Trafalgar ! Si oui, alors courez à l’ Atelier. Car M. R. Vitrac porte au théâtre ce que nous n’avons jamais vu que dans certains films « made in U.S.A. ». M. R. Vitrac a des traits de génie. Si j’étais cinéaste, je lui confierai immédiatement la mise en scène d’un film bouffon. »
Pierre Audiat Paris-Soir 10 juin 1934
« Il ( R. Vitrac) se livre à des moqueries parfaitement déplacées et plus frivoles qu’odieuses. Car enfin, il faut regarder la vérité en face. Ce dilettantisme et cette désinvolture, M. Roger Vitrac ne se les verrait pas tolérer en Allemagne, ni en Italie, ni en U.R.S.S. En aucun de ces pays, il ne lui serait permis de ridiculiser les notions qui sont indispensables à tout grand peuple pour vivre selon une unité forte et protectrice. Ces sophismes sont des balivernes indignes d’un esprit cultivé comme le sien. »
Max Frantel Comœdia 13 juin 1934
LE SABRE DE MON PÈRE
Comédie en trois actes, créée au Théâtre de Paris, le 17 février 1951, interprétée par Pierre Dux, Max Palenc, Claire Gérard, Noël Roquevert, Jean Lagache, Charles Dechamps, Anne Vitrac, Luce Clament, Serge Lecointe, Sophie Desmarets, Marcelle Arnold, Geneviève Berney, Jean-Jacques Duverger, Janine Liezer, René Génin. Décors de Félix Labisse, costumes de Rosine Delamare.
Analyse
Nous sommes en mai 1910. Bien que la vie des habitants d’une petite ville du Quercy soit perturbée à la fois par le passage de la comète de Halley dans le ciel et par la visite-éclair d’une Sociétaire de la Comédie Française, le train-train quotidien se poursuit. Pathétiques à force de médiocrité, les personnages vivotent dans le mensonge, la lâcheté, la cupidité, les amours frelatées ou maladroites, sous le regard du jeune Simon qui aimerait comprendre pourquoi son père n’est pas le héros dont il rêve.
Critiques
« Roger Vitrac dont on se souvient le mordant caricatural du Coup de Trafalgar et de Victor ou les enfants au pouvoir, révolutionnaire satirique en flirt avec le surréalisme, s’est assagi avec Le Sabre de mon père auquel il a pourtant réservé sa cinglante et spirituelle ironie. ( … ) Cette verve un peu acidulée et qui hume bon le volcan des passions concentrées, des colères rentrées, s’épanouit avec cent inventions cocasses un peu cruelles et très agréables à suivre. »
François Ribadeau-Dumas Une semaine à Paris
« Il est rare qu’un divertissement de cette finesse nous soit offert, surtout dans une salle de spectacle bien inspirée mais que ses dimensions ne mettent guère en mesure de cultiver une telle exigence. Il faut donc féliciter chaleureusement Pierre Dux et Marcel Karsenty de leur courage. Se verront – ils récompensés autant qu’ils le méritent ? C’est une autre affaire.(….) C’est une sorte de vaudeville que nous donne Roger Vitrac avec Le Sabre de mon père. Mais évidemment un vaudeville très raffiné. Plein de sous-entendus. De références. Enigmatique, savant et quelque peu mélancolique. Comme dans un vaudeville c’est le mouvement qui les emporte qui fait la pièce, beaucoup plus que les personnages, eux-mêmes, confinés à l’état de marionnettes. »
Marc Beigbeder Le Parisien libéré
« Je ne sais pourquoi j’ai le sentiment que dans Le Sabre de mon père M.Roger Vitrac a transposé sur le plan de la farce, une aventure vécue sinon par lui, du moins par des personnes de sa connaissance, en une petite ville du Lot où il pourrait bien avoir conservé des attaches. Car seuls, des évènements de la vie réelle peuvent avoir de ces points de départ burlesques, seule la vie peut être à ce point excessive, seuls les épisodes d’un drame véritable peuvent paraître aussi chargés que certains traits de cette bouffonnerie ; seule l’existence peut nous réserver un pareil mélange de vaudeville, de jeux de mots, de demi – poésie, de verts propos. »
Jean-Jacques Gautier Le Figaro
« Œuvre issue du surréalisme ? Disons plutôt que c’est du « pointillisme » théâtral. On aime ou on n’aime pas ça. Mais un esprit curieux ne saurait y rester indifférent. »
André Ransan Ce Matin-Le Pays
Les Nègres, pièce de Jean Genet
Fragson, chanteur fantaisiste des années 1900
Pierre Dux et Marcel Karsenty, directeurs du Théâtre de Paris, de 1948 à 1951