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L'Association de la Régie Théâtrale et l'Université

Les Colloques de Cerisy la Salle

L'Association de la Régie Théâtrale a commencé, dès 1917, la conservation des relevés de mises en scènes dramatiques et lyriques en ayant conscience de leur importance historique.

Longtemps gérée sous le seul contrôle de ses membres, cette collection a connu une vaste renommée, souvent internationale.

Depuis son arrivée, en 1969, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, la totalité du fonds de documentation de l'association est sous le contrôle des conservateurs de la ville.

Les mises en scènes dramatiques antérieures à 1945 représentent environ 6500 dossiers de spectacles.

À l'initiative de la Bibliothèque historique, ce vaste ensemble a fait l'objet, d'un projet de trois années entre 2011 et 2014, mené en collaboration entre l'Université de Marne-la-Vallée et l'Université de Montréal, l'Association de la Régie théâtrale et la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Jean-Marc Larrue de l'Université de Montréal et Giusy Pisano de l'Ecole nationale Supérieure Louis Lumière, ont reconnu dans ce fonds un vaste champs d'investigation pour les chercheurs et ont suscité l'organisation d'un premier colloque au Centre International de Cerisy en 2013.

Ce lieu privilégié de Normandie permet une grande concentration et facilite les échanges entres les diverses disciplines.

Depuis plusieurs années déjà, Serge Bouillon et Danielle Mathieu-Bouillon avaient été en contact avec Jean-Marc Larrue qui avait recueilli leurs expériences, notamment concernant la régie du son.

Ils furent donc conviés à ce colloque afin d'apporter le témoignage des praticiens face aux universitaires venus du monde entier.

Ce premier colloque s'est déroulé en juin 2013 et donne lieu à une publication qui paraîtra en décembre 2014 aux éditions du Septentrion/Presses Universitaires

 

Témoignage

Le Relevé de mise en scène témoin de l'évolution du Théâtre de 1950 à 2000

par Serge Bouillon et Danielle Mathieu-Bouillon


Cerisy 2013
premier rang de gauche à droite : Pascale Alexandre, Université Paris-Est Marne la Vallée-LISAA, Jean-Marc Larrue, Université de Montréal, Danielle Mathieu-Bouillon, A.R.T., Serge Bouillon A.R.T., Catherine de Gandillac, Centre culturel de Cerisy la salle, Giusy Pisano, École Nationale supérieure Louis Lumière
deuxième rang de gauche à droite : Frédéric Tabet, Université Paris-Est Marne la Vallée-LISAA, Stéphane Tralongo, Université de Lausanne

« Puisque vous avez si gentiment accepté d'entendre, au fil de vos savants travaux, les voix de deux saltimbanques, souffrez qu'en propos liminaire, ils évoquent ces temps, pas si lointains, puisque dans les années 50, les échos et les témoignages en étaient toujours vivants, où se tenait faubourg Saint-Martin, une brasserie nommé Le Batifol. Cet établissement était, avant guerre, le point de rencontre des artistes dramatiques et lyriques en attente d'un organisateur de spectacle qui lancerait depuis la porte : « J'ai vendu un gala Corneille à Maubeuge ! ( ou n'importe où ailleurs ). Il me faut une distribution pour Horace. Alors, on va procéder par ordre : Horace ? ». Et les réponses fuseraient. - « Je l'ai joué ! » - « As-tu le costume ? » - « Malheureusement non. » - « Moi je l'ai ! » - « D'accord, viens par ici. - Curiace ? » - « Je l'ai joué ! » et ainsi de suite.

En 48 heures on rassemblerait les heureux élus pour bricoler un semblant de mise en place.

« Alors, voyons, toi, tu rentreras par le jardin. »

- « Mais c'est par le fond, que je rentrais ! »

- « Soit, si tu veux. »

- « Ah ! Non, c'est moi qui rentrais par le fond, Curiace entrait par la cour ». etc.

Et chacun de déclamer son rôle à l'avant-scène, comme il avait appris à le faire dans l'aventure précédente.

Ce qui surprend le plus dans cette évocation, c'est que le public se satisfaisait de ces déclamations et que ce n'est pas de lui qu'en viendrait le refus, mais des héritiers spirituels d'un obscur employé du gaz et de comédiens passionnés.

Dans les années 60, aux mains de certains acteurs moins connus sur les plateaux de théâtre que dans leur milieu relationnel, certains Festivals était encore montés avec une comparable désinvolture. On décrochait d'abord un contrat, on se mettait d'accord sur une programmation, on promettait la participation d'un ou d'une sociétaire de la Comédie-Française, flanqué ( e ) si possible de deux ou trois noms de moindre importance mais pas tout à fait inconnus... et il ne restait plus qu'à procéder à un travail d'assemblage, comme celui de ces Restaurateurs dont la cuisine doit tout aux plats préparés et aux surgelés des grandes surfaces. Pour la Maison de Molière, le Sociétaire parti cachetonner de la sorte « était allé faire un ménage ».

Notons encore pour l'anecdote, se souvient Serge Bouillon, que Marcelle Tassencourt, racontait dans les années 1960 ( elle n'avait pas 50 ans ) comment elle avait participé, en province, dans ses débuts, à une représentation de Britannicus dont le titulaire du rôle, avait raté son train.

Nous ne nous reconnaissons pas le droit de rejeter ces histoire car elles constituent notre histoire.

Il convient maintenant de préciser que les carrières respectives des signataires de ce propos se sont déroulées pour leur plus grande partie dans le secteur privé, sans exclusive d'ailleurs, puisque, en plusieurs occasions, le secteur public a bien voulu requérir nos services et que nous avons avec plaisir répondu à son appel. Du théâtre traditionnel au théâtre de recherche, petites compagnies ou grande structure, tournées diverses, variété, comédie musicale, grandes créations contemporaines, opéras, quel qu'en soit le secteur de référence, quelques trois cents spectacles ont rempli nos vies professionnelles.

De multiples thèses ont été rédigées sur les metteurs en scène et leurs réalisations du secteur public, ( théâtres nationaux ou scènes nationales qui gèrent avec d'autres moyens, leurs propres archives, lesquelles sont, le plus souvent, déposées à la BNF ). C'est pourquoi, notre propos portera sur la mise en scène dans les théâtres privés parisiens, lesquels, sont restés majoritaires jusqu'en 1960.

C'est en effet, au sein du théâtre privé, qu'eut lieu, au tout début du siècle, la révolution théâtrale menée par Antoine, 1 Gémier, Lugné-Poe, Copeau et consorts.

C'est de leur exemple que sont nés, Jouvet, Baty et Dullin que devait rejoindre Pitoëff. Les deux premiers furent membres de notre association. Et c'est ainsi qu'en 1946, par conventions collectives interposées, dès la naissance du premier syndicat des metteurs en scène, Gaston Baty, son Président, conscient de l'importance du relevé de mise en scène, confia à l'A.R.T. son dépôt obligatoire. Ce sera le seul document à même de prouver juridiquement l'originalité de la création.

Désormais, les successeurs des Dullin, Baty, Jouvet, Pitoëff, au service de l’œuvre écrite, vont être reconnus comme auteurs du spectacle.

Dès lors, de décennie en décennie, le metteur en scène allait affirmer son pouvoir.

 

Le Théâtre Privé:

Le théâtre à Paris, à l'exception des Théâtres Nationaux, de Vilar 2 au T.N.P. et de la Compagnie Barrault, était essentiellement privé. De grands Directeurs et animateurs produisaient leurs spectacles, choisissant pour la plupart la pièce, le metteur en scène, le décorateur, les acteurs, contrôlant enfin, tout le processus de création du spectacle.

Trois types de théâtre co-existaient : un théâtre de divertissement dans les grandes salles, ( Jacques Hébertot l'appelait ironiquement « théâtre de digestion » ), ces spectacles réjouissaient en effet un public aisé, car ses places n'étaient pas vraiment bon marché.

Un théâtre plus ambitieux dans les salles moyennes, qu'on pourrait qualifier de théâtres d'auteurs, Montherlant, Camus, Sartre, Anouilh, Salacroux, Pagnol, Aymé, Cocteau... ainsi que quelques confrères slaves ou nordiques.

L'un des Directeurs de ces salles créa, tout au long de sa vie, les œuvres de douze Prix Nobel de littérature. 3

Enfin un théâtre d'art et d'essai dans les plus petites salles, «nos laboratoires» diront les Présidents successifs du Syndicat des Directeurs des Théâtres Privés.

Dans la passion et le plus souvent l'indigence, les « petites salles » privées 4 ( Théâtres de Babylone, des Noctambules, de Poche-Montparnasse, Lutèce, Lancry... ), pour la plupart improvisées, animées par de nouveaux metteurs en scène, Roger Blin, Jean-Marie Serreau, Nicolas Bataille, Jacques Mauclair, Marcel Cuvelier... allaient révéler à un public de leur âge, c'est à dire d'une extrême jeunesse, un théâtre tout entier à l'image du désarroi plus ou moins nihiliste de l'après-guerre, balançant entre l'absurde et le dérisoire, celui de non moins jeunes auteurs, Ionesco, Adamov, Beckett... Puis, révélé par le Concours des Jeunes Compagnies, Georges Vitaly construisait la salle de la Huchette pour y créer les œuvres poétiques d'Audiberti, Schéadée, Pichette...

Nombre des œuvres alors créées dans la misère absolue sur quelques mètres carrés sont aujourd'hui devenues des classiques, joués dans le monde entier, souvent à grands frais, sur les plateaux sur dimensionnés des « scènes nationales ».

Quelques grands tourneurs se partagent les succès de l'époque et les présentent - la décentralisation n'en est qu'à ses débuts - dans les Préfectures : France-Monde Production – Les Galas Karsenty - les Tournées Herbert ( qui reprendra Karsenty jusqu'en 1995 ), tandis que les Tournées Baret se réservent les villes de moindre importance. 5

De fin septembre à la fin de l'année, puis de janvier à fin avril, ces tournées, totalisent chaque trimestre 80 représentations. Vient le moment ou certains préparent qui, une saison d'été, qui une tournée de casinos, qui un ou plusieurs festivals.

Sur tous ces plateaux, le metteur en scène se veut le maître d’œuvre du spectacle, le maître d'ouvrage étant le Directeur, puisqu'il est, le plus souvent, le Producteur. Personne encore ne conteste à l'auteur la paternité de la pièce.

Il reste que les indications, les mouvements, les intentions définis par le metteur en scène sont d'autant plus volatiles qu'au cours d'une série de représentations, il arrive qu'un comédien ajoute au texte, déplace tel ou tel mouvement ou ne respecte pas les intentions qui lui ont été fixées pour la continuité du spectacle. Il arrive aussi qu'un comédien défaillant soit remplacé par un autre qui n'a pas participé au travail des répétitions et puis, la pièce peut être interrompue ou reprise sous d'autres cieux avec une autre distribution, elle peut partir en tournée. Si l'on veut conserver la cohésion exigée depuis le début du siècle, il faut se référer à un relevé de mise en scène. Juridiquement, ce relevé est l'écho d'un travail ; il est la propriété du metteur en scène, il a date certaine, celle de son dépôt à l'A.R.T. 6

Établir un relevé de mise en scène, c'était en un premier temps, prendre en note, tout au long des répétitions, chaque indication du metteur en scène, chaque mouvement de l'acteur, chaque déplacement et bien entendu les modifier au fur et à mesure, jusqu'à ce qu'ils deviennent définitifs, du moins pour la répétition en cours, car bien entendu, ils étaient appelés à évoluer le lendemain, et, des jours de répétitions, on en compterait 30 à 50 pour chaque spectacle.

Les crayons s'usaient, les gommes s'amenuisaient, et la brochure sur laquelle toutes ces notes avaient été consignées, se trouvait sur le point de tomber en lambeaux.

Il faudrait maintenant qu'un rédacteur mette au propre toute cette manière, qu'il en soigne la clarté et la présentation et qu'il remette ce nouvel exemplaire enfin abouti, à son propriétaire, le metteur en scène. 7

À la fin de la décennie 1950-1960, la charge du travail du Régisseur, rédacteur jusque là du sacro-saint relevé de mise en scène, allait se trouver alourdi des fantastiques progrès de la technique ; notamment des éclairages, avec la multiplication des sources, et surtout du son, dont depuis 1954, l'apport du magnétophone, multipliait l'usage, aussi bien en répétition qu'en représentation et requérait le concours attentif du «maître Jacques» qu'était le susnommé régisseur. Le metteur en scène dut s'adjoindre un assistant qui serait spécialement chargé du relevé de mise en scène.

Déjà se profilait, dans les théâtres parisiens, une importante évolution des rôles.

Avec la complicité des auteurs, le metteur en scène, s'était mis en quête d’œuvres originales et les ayant adoptées, procédait lui-même à la recherche du Directeur à qui, après un entretien circonstancié, il la ferait lire et probablement monter. Énorme avantage pour le Directeur qui ne devrait plus sélectionner parmi les quelques trente manuscrits qu'il recevait chaque mois, celui qui retiendrait son attention. Énorme avantage pour le metteur en scène qui ne pourrait voir lui échapper le texte qu'il avait élu ; énorme avantage pour l'auteur qui saurait que son dernier opus ne dormirait pas, en mal de lecture, dans une pile de manuscrits.

Le « metteur en scène maison » disparaissait au profit d'une collaboration souvent renouvelée. Il ne restait plus à quelques comédiens passionnés, qu'à trouver les œuvres qui leur permettraient de faire leurs premières armes de metteur en scène.

Ils n'y manquèrent pas et leur nombre progressa en même temps que leur pouvoir.

Comment à cette époque était assuré le financement de ces théâtres ?

Pour les deux premières catégories, par apport personnel de leur Directeur, déjà éprouvé par l'acquisition du fond de commerce, et, qui, ayant à sa charge les frais de loyer d'entretien du bâtiment, du montage du spectacle, des salaires des personnels administratifs, artistiques et techniques et de la publicité, n'avaient aucune chance d'amortir son activité à moins de 150 représentations triomphales, 8 dont ils n'étaient pas certains qu'elles ne seraient pas suivies de deux ou trois cuisants échecs. Si bien que son entreprise, après quelques acrobatiques années d'exploitation, devrait déposer le bilan, sauf si un comédien sans le sou, mais trop sûr de son talent, ne venait le décharger de ses dettes, qu'il tenterait de négocier auprès des créanciers, en échange du droit au bail de l'établissement. Les Directions se succédaient dans l'espoir d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur leur grande indigence et le mérite de leur programmation. Ils étaient très rarement entendus et l'aide qu'ils obtenaient exceptionnellement, relevait plus de l'aumône que de la subvention.

Pour la troisième catégorie, les petites salles, 9 il semble qu'une économie drastique et le bénévolat soient les seules explications possibles.

C'est alors, qu'en 1959, l'espoir se lève avec la création d'un Ministère de la Culture, disposant d'un véritable budget, ayant à sa tête un Prix Goncourt, dont l’œuvre maîtresse, adaptée par Thierry Maulnier, avait atteint difficilement 100 représentations dans un de ces théâtres privés, dits d'auteurs.

Comprenant sans doute la difficulté de durer avec des recettes moyennes, dans un théâtre qui vivait de ses seules ressources, André Malraux réserva ses libéralités à une nouvelle génération de metteurs en scène en herbe pour lesquels, il prit en charge, outre leur établissement et leur pléthorique équipement, 80 % de leurs frais de fonctionnement ; 10 ce qui leur permettrait, non seulement de réduire le prix des places, mais leur donnerait la possibilité de créer un abonnement dont une ou deux pièces serait choisies pour constituer un fond de salle important, les suivantes pourraient ainsi être, moins attractives mais plus ambitieuses au plan culturel.

Ainsi naquit ce qu'on appelle aujourd'hui, le secteur public.

Ces explications éclairent une expérience vécue dans un théâtre du secteur public par Serge Bouillon, qui voyant sa subvention réduite à la portion congrue, dut remplacer les 57 membres du personnel permanent, mutés dans un autre établissement national, par un effectif total de 12 personnes assumant les mêmes tâches.

Pour répondre aux instances des théâtres privés qui souffraient singulièrement de la concurrence des salles subventionnées, en 1964, la Direction du Théâtre au Ministère de la Culture, dans le but d'apporter aux théâtres une aide financière, sous forme de « garantie de déficit », fonde et gère l'A.S.T.P. 11 l'Association pour le Soutien du Théâtre Privé, - dont le financement sera tripartite : une subvention de l'Etat, une subvention de la ville de Paris, une participation des théâtres eux-mêmes, sous la forme d'une taxe parafiscale prélevée sur la billetterie. Cette bouffée d'oxygène, même modeste, va permettre à ceux qui s'adonnent à la création d’œuvres nouvelles, de poursuivre leur effort. Il est intéressant de noter, que tous les auteurs dramatiques révélés avant 1980 ont vu leur première pièce crée dans un théâtre privé. Elles furent, le plus souvent apportés par des metteurs en scène : Claude Régy, Peter Brook, Laurent Terzieff, Jorge Lavelli... qui ouvriraient largement les scènes parisiennes au théâtre étranger, anglo-saxon, hispanique, russe... ainsi qu'à des auteurs francophones.

Le Ministère confie la gestion de l'Association pour le Soutien du Théâtre Privé aux Directeurs eux-mêmes, dès 1971.

 

1968 : Plus de pères rien que des fils !

1968, voudra réinventer l'avenir. Un avenir qui serait en rupture totale avec le passé, qui offrirait à l'homme, non seulement le pouvoir, mais la liberté d'en user, sans contrainte et sans retenue, avec la possibilité de dire, de crier, de hurler son originalité, dans la recherche des voies nouvelles en rupture totale avec le respect des règles, celui des convenances et celui de la mesure.

Pourquoi au Théâtre, ne contesterait-on pas l'auteur ? Certains se coifferont de sa casquette, d'autres s'empareront de son œuvre pour lui faire dire ce qu'eux-mêmes ont choisi de faire entendre.

Ne focalisons pas sur cette période tumultueuse, notons plutôt, au début des années 60, l'entrée en force au théâtre de l'Université, et, celle en scène du dramaturge. 12

Des cafés-théâtres ouvrent leurs portes, de jeunes compagnies imposent leur présence, aussi joyeuses qu'iconoclastes.

 

1971 : Où comment l'arrivée de la TVA put bouleverser l'évolution du spectacle.

L'appropriation de l’œuvre par le metteur en scène se trouvera encouragée dès 1971 par l'assujettissement du Théâtre à la TVA au taux de 7%, abaissé à 2,10% pendant les 140 premières représentations, s'il s'agit de la création d'une œuvre nouvelle, certificat de la SACD à l'appui. Dès 1975, la sémantique fait son œuvre, le mot création ne qualifiera plus la première représentation d'une pièce nouvelle, mais celle d'une nouvelle présentation de l’œuvre. C'est ainsi qu'en changeant simplement de metteur en scène, on pourra créer Marivaux, Shakespeare ou Racine.

Le metteur en scène n'est plus simplement l'auteur de la présentation de l’œuvre d'un auteur dramatique, il est le créateur de cette présentation.

On peut imaginer à quoi tout cela va conduire...

Dès lors plus de reprises, rien que des créations.

Le secteur privé continue pourtant sa quête d'auteurs nouveaux, tandis que surgissent, ailleurs, de nouveaux metteurs en scène de talent cherchant l'originalité à n'importe quel prix.

L'âpre volonté du metteur en scène de s'approprier l'ensemble du marché de la création de spectacle, recevait alors le meilleur accueil du Directeur, heureux de faire l'économie d'une partie de la TVA.

Au siège de l'Association des Régisseurs de Théâtres, les dépôts de mises en scène, à la charge des assistants, deviennent moins fréquents.

Une autre révolution doit tout à la manne qui s'était abattue sur le secteur public, c'est la révolution des équipements.

La première moitié du 20ème siècle ne connaissait en effet que deux entreprises de matériel électrique, d'ailleurs plus tournées vers l'usager lambda, que vers la salle de spectacle. De même, le plateau ignorait les éclairagistes, disposant d'électriciens issus, comme les machinistes ( menuisiers ou serruriers ), du bâtiment ; Molière n'évoquait-il pas « ses ouvriers » ? Tout cela allait changer, une véritable industrie du matériel de théâtre était née avec le nouveau marché du secteur culturel. Et des écoles seraient créées ou spécialement refondées, pour former les personnels appelés à succéder aux machinistes et aux électriciens. L'ensemble des techniques du plateau, tombaient enfin entre les mains de techniciens du spectacle.

L'association des Régisseurs de Théâtre, directement concernée par ces évolutions, va s'ouvrir alors, sous la Présidence de Serge Bouillon, initiateur de ce nouvel enseignement, à tous les cadres techniques, administratifs et artistiques du spectacle, en devenant Association de la Régie Théâtrale. Il obtiendra, en outre, après trois années de tractations, l'accord de toutes les instances professionnelles, pour capter sur support vidéo, les œuvres aussi nombreuses qu'importantes de la création contemporaine. À partir de 1975, les relevés de mises en scène seront filmés, et la « Théâtrothèque » constituée.

Cependant le relevé de mise en scène vidéo, plein cadre n'est pas tout et la conservation de documents périphériques ( photos, livre de bord, conduites du spectacle ) s'avère indispensable.

Le témoignage vidéo plein cadre renseigne sur le décor, la plantation, les déplacements, l'instant précis des entrées et sorties de scène. Il peut éventuellement, permettre de reconstituer la mise en scène, voire, de retrouver un texte inédit ou jamais retranscrit dans sa version définitive. Il peut certes beaucoup, mais il montre un produit fini, abouti, présenté au public et ne dit rien des indications de la mise en œuvre ni de l'ordonnancement de l'opération. Seule la Comédie-Française a les moyens de s'offrir des secrétaires transcripteurs qui notent tout, enregistrent tout ce qui se dit, tout ce qui se déroule, dans la Maison de Molière.

Mais alors, comment percer le secret de l'élaboration du spectacle ?

Dans de nombreux théâtres traditionnels, ( Antoine, Atelier, Comédie des Champs-Élysées, Hébertot, Montparnasse... ) subsistent encore des régisseurs-directeurs de scène qui conservent les manuscrits annotés des indications scéniques. Subsistent aussi quelquefois, et c'est là que les archives des tourneurs sont importantes, les multiples conduites de tous les postes nouveaux qui se sont développés parallèlement à l'évolution des techniques : « conduite son », « conduite lumières », « conduite régie du plateau ». Chacune suivant une typologie héritée de la tradition orale, ou enseignée dans les établissements spécialisés comme l’École de la Rue Blanche qui deviendra École Nationale des Arts et Techniques du Théâtre ( ENSATT ), 13 dont les auteurs de ce propos ont été l'un et l'autre enseignants. Dès le début des années 1980, le coefficient du relevé de mise en scène, toujours au programme de BTS des Régisseurs-Administrateurs, va baisser notablement. Par ailleurs, le CFPTS Centre de Formation Professionnelle des Techniciens du Spectacle que Serge Bouillon a repris et installé à Bagnolet dans un ancien entrepôt de séchage de bois de plaquage, totalement modifié et transformé par ses soins, mettra en forme un nouveau cursus de l'enseignement de la régie théâtrale, retenu par les établissement d'enseignement technique de France et d'Europe. Ce cursus s'exemptera de l'enseignement du relevé de mise en scène, cette dernière ne faisant plus l'objet d'une reprise, mais d'une création.

Totalement irréprochable, quasi parfait par la précision et l'exhaustivité des éléments qu'il apporte, le relevé établi par notre collègue, Robert Deslandes, est pratiquement l'ultime témoignage de ce fameux relevé.

Il s'agissait de la reprise d'une pièce de Luigi Pirandello, Chacun sa vérité à la Comédie des Champs-Élysées, avec une distribution prestigieuse ( Suzanne Flon, Robert Hirsch et Guy Tréjan ). Robert Deslandes était le Régisseur de François Périer quand il dirigeait la Michodière. C'est probablement ce dernier qui rémunéra ce travail. La conscience professionnelle de l'auteur de ce relevé transparaît à chaque page. 14 Les images que nous vous proposons à titre d'exemple, sont sur le site de l'association.

L'obsolescence du relevé traditionnel ayant imposé, un changement de support, c'est après d'incertains balbutiements techniques, que d'une manière totalement artisanale, la « Théâtrothèque », commence à filmer. Quelques menus crédits du Ministère de la Culture avait permis l'achat d'un matériel qui semblerait aujourd'hui, où le téléphone fait office de caméra, totalement ante-diluvien. Les conditions de tournage se révélaient draconiennes puisque, enregistrant en cours de représentation, au milieu du public, il fallait se contenter des lumières du spectacle. L'esthétique d'alors appelant de plus en plus de projecteurs pour donner de moins en moins de lumière, nous avons du, pour obtenir quelque chose sur l'image, faire bricoler notre caméra, noir et blanc. Nous enregistrions sur les premières cassettes, format VCR, développé uniquement par Philips. C'est dire les difficultés que nous connaissons aujourd'hui, pour faire recopier sur support numérique, ces quelques merveilles que pour la plupart j'ai tournées moi-même, trimbalant seule, bénévolement, que ce soit clair, le matériel que j'installais dans les théâtres. Il fallait aussi compter avec les réactions de certains acteurs, qui, au dernier moment, persuadés que nous allions tirer bénéfice de leur image, privaient par caprice ou par bêtise, la postérité, de la survie d'un beau spectacle.

Plusieurs expériences notables ont été sauvées ( l'image n'est guère brillante ) mais, de ces spectacles, ce sont, à notre connaissance, les seules traces authentiques ( Le Péril Bleu de Victor Lanoux – Monsieur Klebs et Rozalie de René de Obaldia – Comme avant de Pascal Jardin – Equus de Peter Shaffer - et certaines reprises Comme il vous plaira 15 de Shakespeare – La Folle de Chaillot. 16

Les seules créations d’œuvres exigeantes nouvelles retiennent notre attention, car c'est là que convergent toutes les énergies créatives ; ce qui nous incite à dire, après Minelli 17 : « Nous sommes arrivés ici avec des rêves, nous en sortirons avec un spectacle. »

La vidéo a totalement supplanté cette technique devenue obsolète. Malheureusement notre budget ne nous permet pas de tourner la totalité des répétitons, aussi, dans les théâtres privés, comme en tournées, ce sont « les conduites », « conduite régie plateau mobilier et accessoires », « conduite Régie du son », « conduite lumières » qui portent témoignage de l'élaboration du spectacle.

 

1981 : La montée en puissance des productions lourdes.

En 1981, Jack Lang passionné de Culture et de Théâtre, obtient le doublement de la subvention de son ministère. La moitié de cette subvention va se trouver par conséquent, sans affectation préalable. Comme toujours il y a le bon et le mauvais côté des choses. C'est à partir de cette date que l'on voit fleurir de multiples spectacles, produits quelquefois dans des salles privées, louées ou associées pour l'occasion, de grandes productions, souvent prestigieuses, mais terriblement onéreuses.

Les services du Ministère appellent les théâtres pour obtenir les coordonnées de troupes, de compagnies ou metteurs en scène en mal de subventions qui permettraient de réaliser leurs projets. D'où un gigantesque appel d'air à des gens qui deviendront bientôt intermittents du spectacle. Ces gens qui pratiquaient le théâtre en amateur, sont aujourd'hui des intermittents en grande difficulté.

Les Directeurs de la décentralisation avaient souvent commencé de manière artisanale, tel Roger Planchon 18 au Théâtre de la Cité à Lyon. Pourtant lorsqu'il présente L'Avare dans un théâtre privé, l'enseigne lumineuse affiche : L'AVARE de PLANCHON ! Il semble en outre, les bruits circulent vite à Paris, que le seul décor ait coûté les yeux de la tête ! Michel Serrault, Annie Girardot s'y partageaint la vedette.

L'établissement privé ne peut rivaliser. Cependant, son public ne faisant pas la différence entre les deux secteurs, il va devoir donner à ses décors et à ses costumes un aspect plus flatteur et donc plus onéreux. Il devra aussi subir la surenchère des cachets des comédiens qui se révélaient bien plus avantageux en province qu'à Paris. Comment s'étonner de la multiplication des «one man show », qui ne nécessitent qu'une scène vide, des rideaux déjà en place et des lumières, et, où l'artiste empoche quelque 60% de la recette.

Cependant l'ASTP, 19 gérée par la profession sous le contrôle de ses Tutelles, en connaît les difficultés. Elle ajoute à la garantie de déficit de caractère « assurantiel » un certain nombre d'aides, notamment une à la création d'oeuvres nouvelles et une autre à l'emploi lorsque l'importance de la distribution l'exige. Toute ces dispositions ont reçu l'approbation de la Cour des comptes qui a récemment apprécié ce modèle économique si particulier.

Avec un budget modeste, l'Association de la Régie théâtrale, poursuit, dans le bénévolat, son travail de mémoire du théâtre contemporain, avec d'autres techniques certes, mais avec la même passion soucieuse de transmettre, et, d'éviter à la mémoire d' artistes de tous genres qu'elle a côtoyés, aimés, admirés, de sombrer dans l'oubli.

Nous sommes les témoins d'une époque qui semble révolue aux jeunes générations, nous nous imposons le devoir, de transmettre le maximum de données objectives sur les événements que nous avons vécus, auxquels nous avons participé.

C'est pourquoi, reconnue d'utilité publique, notre association bénéficie de la confiance de ses pairs qui nous confient leurs archives avec mission d'en perpétuer la vie. Conscients des moyens dont, pour le même service, dispose le secteur public, notre joie fut à la mesure de notre surprise, lorsqu'Isa, la fille de Jean Mercure, fondateur du théâtre de la Ville, nous confia la totalité des archives de sa direction et de la carrière qui l'avait précédée.

Pour ajouter aux relevés de mises en scène ( sur vidéo ), nous continuons à rassembler les affiches, les programmes, les dossiers de presse, souvent riches en informations, note d'intention du metteur en scène, biographies des artistes et participants du spectacle, les photos et dessins originaux des décors et costumes.

Le décor est en effet essentiel puisque c'est lui qui demeure seul témoin direct de la création. Nous avons ces dernières décennies organisé à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, où nous sommes installés depuis 1969, de multiples expositions 20 tendant à lui rendre sa juste juste place.

Il arrive, nous en avons recueilli le témoignage, que ce soit les propositions d'un scénographe, qui inspirent la mise en scène.

Des fonds entiers sont à la disposition des universitaires qui y trouveront matière à des thèses originales sur ce que fut le théâtre parisien en cette deuxième moitié du XXème siècle.

Après les débuts artisanaux, nous avons décidé, en 1983, le matériel, en dépit de son renouvellement commandé par chaque évolution technique, devenant de plus en plus vite obsolète, de faire appel à L'Envol, une jeune société dirigée par Olivier Morel, le fils du comédien Jacques Morel. 21 C'est lui qui assure la logistique de la prise de vue et enregistre le spectacle dans le cadre autorisé, sous le contrôle du responsable de la « Théâtrothèque ». Nos tournages sont modestes, mais la liste s'allonge de spectacles de création.

Notre récompense c'est de voir aujourd'hui, réunis en Normandie, ces chercheurs venus consulter à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, les trésors de notre fonds de mises en scène.

Quelle belle initiative de sa Directrice Emmanuelle Toulet, que celle d'avoir conclu des accords avec les universités pour faire cataloguer numériquement ce qui n'était que manuscrit soumis à l'usure et à l'oubli. Quel bonheur pour nous de savoir ainsi reconnus les efforts de nos fondateurs pour promouvoir l'idée d'une bibliothèque de mises en scènes. Nos premiers associés, nés pour la plupart autour de 1850, à la tête, en 1911 des scènes, hors Comédie-Française et Opéra, les plus importantes de Paris, pressentaient déjà l'importance d'une telle conservation.

Depuis 2005, un site Internet 22 a été créé. En constante évolution, il rassemble textes et bases de données, biographies d'auteurs du XXème siècle, description de fonds de donateurs, maquettes de décors, affiches... Son webmestre, Vincent Parot, a perfectionné son référencement qui permet à des chercheurs du monde entier d'avoir accès à ses quelques 54 mille pages. L'Association accorde beaucoup d'importance à ce nouveau moyen de communication des données qu'elle détient.

Quand le Palazzetto Bru Zane de Venise, spécialiste de l'Opéra romantique, subventionne une recherche dans nos collections, parce que la documentation idoine n'existe nulle part ailleurs, et que la chercheuse, spécialiste de l'opéra français de cette période, Michela Niccolaï, affirme avec émotion ressentir que, plus d'un siècle après sa fondation, la généreuse volonté de transmettre survit intacte au sein de notre association, nous ne pouvons qu'exprimer notre gratitude et continuer à nous montrer dignes de la confiance que nous accordent la Ville de Paris, la Bibliothèque historique de la ville de Paris et l'Association pour le soutien du Théâtre Privé. »

Serge Bouillon et Danielle Mathieu-Bouillon

1 La création du « Théâtre libre » d'André Antoine date de 1887. C'est en 1892 qu'il prend les rênes de l'actuel Théâtre Antoine. Gémier lui succède, quand il est nommé à la Direction de l'Odéon.

2 Jean Vilar rejoignait Gémier et Copeau quand il disait en 1946 : « Ce qu'il faudrait de nos jours ? Voir disparaître au plus tôt cet art de la mise en scène considéré comme une fin. Réduire le spectacle à sa plus simple et difficile expression qui est le jeu scénique ou, plus exactement, le jeu de l'acteur. Ses affiches ne portaient jamais la mention Mise en scène de Jean Vilar, mais Régie de Jean Vilar.

3 Il s'agit de Jacques Hébertot ( 1886-1970 ), Directeur des Théâtres des Champs-Élysées ( 1920-1924 ) puis du Théâtre Hébertot ( 1940-1970 )

4 Ces créations sont développées dans l'ouvrage de Geneviève Latour Petites Scènes, grand Théâtre : La création 1944-1960

5 L'intégralité ou presque de ces deux fonds appartient à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, dans les collections de l'Association de la Régie Théâtrale,.

6 Au début des années 1960, Raymond Rouleau perdit le procès qu'il avait intenté au Japon pour ne lui avoir pas payé ses droits pour la mise en scène de Carmen, simplement parce que son assistant n'en avait pas déposé le relevé à l'ART

7 En fait, il s'agissait de deux exemplaires, exécutés manuellement, dont un était destiné au dépôt à l'Association de la Régie Théâtrale.

8 Quelques directeurs d'alors disposaient d'une fortune personnelle et se conduisaient en véritables mécènes.

9 Babylone, Noctambules, Lutèce, Lancry ont fermé. Demeurent de cette époque La Huchette qui bat les records avec Ionesco et le Poche-Montparnasse. Depuis, d'autres multiples petites salles sont nées dès le milieu des années 60.

10 André Malraux lance un vaste chantier de maisons de la culture et autres centres dramatiques nationaux. La périphérie parisienne commence à développer ainsi de nouveaux lieux de création. Il convient de rappeler que depuis 1946, sous Jeanne Laurent, sous-Directrice au spectacle et à la musique, laquelle dépendait du Ministère de l’Éducation Nationale, la Décentralisation de l'après-guerre, qui n'en était encore qu'à ses premiers balbutiements, co-existait avec les théâtres privés parisiens et les tourneurs privés.

11 Association qui unit les représentants des Directeurs de théâtres, les Tourneurs, la SACD, la fédérations des syndicats du spectacle, avec le Ministère et la Ville de Paris.

12 En 1963, premier Festival mondial du Théâtre Universitaire de Nancy fondé par Jack Lang avec l'arrivée de dramaturges ( appellation de l'Europe de l'Est : Kantor, Grotowski... )

13 L'ENSATT est installée à Lyon depuis 1997

14 Les photographies de ce relevé figurent sur le site internet de l'association : www.regietheatrale.com

15 Dans la mise en scène de Benno Besson au TEP de Guy Rétoré

16 Dans la mise en scène de Gérard Vergez au Théâtre de l'Athénée avec Edwige Feuillère

17 Tous en Scène ( The Band Wagon - 1953 ) de Vincente Minelli

18 Roger Planchon débute à Lyon en 1952, puis dirige le Théâtre de la Cité à Villeurbanne dès 1957. La salle deviendra le T.NP en 1972.

19 Site de l'Association pour le soutien du Théâtre Privé : www.astp.asso.fr

20 Expositions : Théâtres -Jean-Denis Malclès - Jacques Noël, décorateur scénographe - Les Bâtisseurs de rêve

21 Fils de Jacques Morel, comédien de théâtre, de cinéma et de télévision

22 Site de l'A.R.T. : www.regietheatrale.com

Danielle Mathieu-Bouillon et Serge Bouillon
Danielle Mathieu-Bouillon et Serge Bouillon
Assemblée générale de l'association 2013
(photo Anne Delbée)


CENTRE CULTUREL INTERNATIONAL DE CERISY

Programme 2014 : un des colloques

LES SPECTACLES POPULAIRES :

FORMES, DISPOSITIFS, DIFFUSION (1870-1945)

DU MERCREDI 1er OCTOBRE (12 H) AU DIMANCHE 5 OCTOBRE (14 H) 2014

DIRECTION : Pascale ALEXANDRE, Martin LALIBERTÉ

COMITÉ SCIENTIFIQUE : Pascale Alexandre (UPEM), Marc Cerisuelo (UPEM), Jeanyves Guérin (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle), Martin Laliberté (UPEM), Jean-Marc Larrue (Université de Montréal), Geneviève Mathon (UPEM), Catherine Naugrette (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle), Giusy Pisano (Ecole nationale supérieure Louis-Lumière)

Cerisy 2014
Cerisy 2014

ARGUMENT :

Ce colloque interdisciplinaire se situe dans le prolongement des travaux engagés sur le fonds de l’ART (Association des Régisseurs de Théâtre) à partir du colloque inaugural tenu à Cerisy en 2013 sur "La mise en scène théâtrale et les formes audio-visuelles".

Catalogué dans le cadre du PPS (Projet Pluriannuel Structurant) porté par l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, le LISAA (UPEM, EA 4120) en partenariat avec le CRI (Université de Montréal) et en collaboration avec la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, ce fonds peut être considéré comme un observatoire privilégié pour aborder la notion de spectacle populaire, parfois discréditée en raison de la hiérarchie sociale et culturelle qu’elle peut présupposer.

La période envisagée (1870-1945) fait au contraire apparaître la place centrale de ces spectacles qui jouent un rôle fondamental dans le métissage des arts et des genres: un peu avant Craig, Maeterlinck et Jarry voient dans la marionnette l’acteur idéal, Apollinaire et Cocteau puisent dans les arts du cirque et dans le théâtre de Boulevard, le cinéma de Méliès et celui de Hollywood empruntent au théâtre. Loin de conforter les frontières et les hiérarchies artistiques, esthétiques ou génériques, ces métissages les bousculent, au contraire, se faisant ainsi le moteur de la création et de l’innovation artistiques.

Ce colloque envisagera: 1) les différentes formes de spectacles populaires (pièces de théâtre, opéras bouffes, opérettes, musiques de scène, mais aussi spectacles mixtes, revues, lanterne magique, cinéma forain...); 2) les dispositifs spécifiques au théâtre, leur évolution technologique, les phénomènes d’intermédialité; 3) la géographie des salles de spectacle parisiennes et leur répertoire, en corrélation avec la question du public, les tournées à l’étranger (Etats-Unis, Canada, Russie...), l’exploitation publicitaire de ces spectacles (cartes postales d’acteurs et de spectacles, programmes, presse).

CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 1er octobre
À partir de 12 heures:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Après-midi:
Pascale ALEXANDRE & Martin LALIBERTÉ: Ouverture
Giusy PISANO: Le mélodrame: de la scène à l’écran
Pascale ALEXANDRE: Spectacles populaires et théâtre historique: mises en scène de la Révolution française

Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 2 octobre
Matin:
Patrick DÉSILE: La Grande Semaine de Sem et Roubille, un condensé de la culture visuelle du XIXe siècle
Stéphane TRALONGO: Le music-hall au centre de la ville mécanisée. Ambiguïtés des machines entre érotisation et technophobie [conférence en ligne sur la Forge Numérique de la MRSH de Caen et sur le site France Culture Plus]

Après-midi:
Frédéric TABET: "Mentalist" et ses projections médiatiques de part et d'autre du XXe siècle
Véronique PERRUCHON: Lumière et espace en mouvement: La Fille d'Artaban

Soirée:
Danielle MATHIEU-BOUILLON: Pourquoi Cyrano, encore et toujours? Les secrets d'une pièce miracle (communication préparée avec Serge BOUILLON)


Vendredi 3 octobre
Matin:
Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN: Découpage, mon beau souci. Réfractions de la lanterne magique et du théâtre
Geneviève DE VIVEIROS: Jules Verne, aux lumières de la scène: popularité et pérennité du Tour du monde en 80 jours

Après-midi:
Catherine NAUGRETTE: Pour une géographie parisienne du vaudeville, des années 1880 aux années 1920
Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: La fille de la terre, tragédie populaire d’Emile Sicard: conception et représentation
Sylvie THOUARD: D’un médium à l’autre, les tribulations d’une héroïne populaire: La Porteuse de pain

Soirée:
Projection de La Porteuse de pain dans la version (restaurée) de Vidali (1916), présentée par Béatrice de PASTRE, Directrice des collections du CNC


Samedi 4 octobre
Matin:
Caroline RENOUARD: Genre policier et phénomènes d’intermédialité: le cas "Arsène Lupin" (1908)
Marguerite CHABROL: Paris-Broadway-Hollywood: deux comédies françaises à la mode de Lubitsch
Jean-Marc LARRUE: Le burlesque québécois (texte lu par Giusy PISANO)

Après-midi:
Caroline CHIK: Spectacles et arts populaires parisiens au XIXe siècle
Geneviève MATHON: Two for the seesaw / Deux sur la balançoire: entre scènes et écrans, adaptations et jeux de transferts depuis la pièce de William Gibson
Vincent DUSSAIWOIR: Recherche sur les pièces populaires en alexandrins

Soirée:
Anne-Marie QUÉVRAIN: Méliès et l’âge d’or du cinéma forain en France (1896-1914), suivi de la projection de Méliès et les forains de Çiva de Gandillac et d’une sélection de films de Georges Méliès


Dimanche 5 octobre
Matin:
Martin LALIBERTÉ: Percussification de la culture sonore après 1900: les indices des fonds des comédies de l'ART
Sylvain SAMSON: L’accordéon: expression populaire? Lectures et répertoire dans les théâtres parisiens jusqu’en 1945

Après-midi:
DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Pascale ALEXANDRE: Spectacles populaires et théâtre historique: mises en scène de la Révolution française
L’histoire avait constitué un matériau théâtral privilégié pour le drame romantique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle se perpétue un théâtre historique - drames, mélodrames, comédies - apprécié et  applaudi d’un large public.  Nombreuses sont les pièces qui prennent pour sujet la Révolution française et l’Empire, certaines bien connues, comme Madame Sans-Gêne de Sardou, d’autres moins, comme Thermidor du même auteur ou encore Théroigne de Méricourt de Paul Hervieu. Il faut aussi mentionner les pièces que Romain Rolland, dans une perspective différente, consacra lui aussi à la Révolution de 1789: Les Loups, Le Triomphe de la raison, Danton et Le Quatorze juillet. Les documents conservés dans le fonds ART, notamment les relevés de mise en scène, permettront de voir comment le spectacle met en forme le matériau historique et selon quels enjeux.

Pascale Alexandre est professeur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Elle est l’auteur de travaux consacrés à différents dramaturges et critiques dramatiques de la fin du XIXe siècle (Claudel, Maeterlinck, Barbey d’Aurevilly) et du XXe siècle (Giraudoux, Tardieu, Ionesco, Beckett...). Elle a réalisé l’édition critique de deux volumes du Théâtre contemporain (t. II et t. IV), recueils de chroniques dramatiques à paraître aux Belles Lettres en 2014 dans le cadre de l’Œuvre critique de Barbey d’Aurevilly, sous la direction de Catherine Mayaux et Pierre Glaudes. Elle a également dirigé un ouvrage collectif, La Littérature à l’épreuve des arts populaires, à paraître en 2014 aux éditions Classiques Garnier. Elle a participé au colloque de Cerisy sur "La mise en scène théâtrale et les formes audio-visuelles" (juin 2013).

Marguerite CHABROL: Paris-Broadway-Hollywood: deux comédies françaises à la mode de Lubitsch
Cette étude prolongera une première contribution à l’exploration du fonds de l’ART dans la perspective des études cinématographiques et d’une réflexion sur les transferts culturels. J’avais envisagé la façon dont les mises en scènes françaises, via des adaptations théâtrales américaines, ont pu nourrir le cinéma hollywoodien. Après une première étape  (au colloque de Cerisy "La Mise en scène théâtrale et les formes audiovisuelles" en 2013) consacrée à des films de Cukor tirés de pièces françaises ayant circulé aux Etats-Unis, montrant le rôle de la culture française en matière de mélodrame, cette deuxième présentation s’attachera à la question de la comédie.
Il s’agira toujours de s’interroger sur les traces possibles de mises en scènes françaises dans le cinéma hollywoodien, à travers deux comédies passées par Broadway et adaptées au cinéma par Ernst Lubitsch: Bluebeard’s Eight Wife (1938) d’après La Huitième femme de Barbe-bleue d’Alfred Savoir et That Uncertain Feeling (1941) d’après Divorçons de Victorien Sardou, dont les relevés de mise en scène sont dans le fonds de l’ART. Mon hypothèse initiale est que la mise à jour des liens entre les versions successives sera peut-être plus épineuse avec Lubitsch. Si, dans le cas de Cukor, le rôle du théâtre de Broadway était manifeste, il est a priori moins évident pour Lubitsch, certes fortement nourri par les sources théâtrales européennes, mais moins directement lié au monde du théâtre américain. Je m’interrogerai donc sur la possibilité d’inscrire les films de Lubitsch dans le même circuit et la même logique d’adaptations que celle mise en valeur à propos de Cukor. Je mettrai à jour les enjeux du genre de la comédie et de son acclimatation au contexte culturel américain.

Marguerite Chabrol est maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense. Ses recherches portent sur le classicisme hollywoodien et les relations du cinéma avec le théâtre. Elle est notamment l’auteur d’une thèse sur "La théâtralité dans le cinéma classique hollywoodien: les mises en scène de Georges Cukor et Joseph L. Mankiewicz" (2004) et a codirigé la série des Lectures croisées (avec Alain Kleinberger et Pierre-Olivier Toulza, L’Harmattan), et avec Tiphaine Karsenti, le n°204 de Théâtre/Public, "Entre théâtre et cinéma: recherches, inventions, expérimentations" (juin 2012), ainsi que Théâtre et cinéma: le croisement des imaginaires (PUR, 2013).

Patrick DÉSILE: La Grande Semaine de Sem et Roubille, un condensé de la culture visuelle du XIXe siècle
Le "diorama" La Grande Semaine, exposé en 1909 par les dessinateurs Sem et Roubille, est un ensemble de petits personnages découpés, disposés sur cinq ou six plans devant un décor d’une dizaine de mètres de long. La scène représente l’avenue du Bois de Boulogne, par un après-midi de "Grande Semaine", la dernière de juin, particulièrement riche en événements mondains. Certains de ces personnages sont reconnaissables, d’autres sont des figures anonymes. Cette œuvre, que l’on peut rapprocher d’autres réalisations de Sem, tiennent du diorama, si l’on veut (quand ce ne serait que par le nom) et de l’art de la caricature, mais aussi du panorama pictural, du panorama photographique, de la galerie de figures de cire, des transparents de Carmontelle, du théâtre d’ombres, ou encore des Physiologies, des Tableaux de Paris, des sommes sociologiques illustrées de la première moitié du XIXe siècle, du photojournalisme naissant ou du cinématographe. On propose de décrire un dispositif somme toute méconnu et surtout de tenter de redéployer tout ce qui s’y trouve concentré, en escomptant que de cette analyse pourraient émerger des éléments d’intelligibilité pour l’ensemble des pratiques concernées.

Patrick Désile est chercheur associé au CNRS (Atelier de recherche sur l’intermédialité et les arts du spectacle). Il a notamment animé un séminaire de recherche, consacré aux relations entre les spectacles du XIXe siècle et le premier cinéma, à l’Institut national d’histoire de l’art puis à l’École normale supérieure, et enseigné à l’université de Lausanne.

Geneviève DE VIVEIROS: Jules Verne, aux lumières de la scène
Plusieurs pièces de théâtre inspirées ou adaptées des romans de Jules Verne seront montées sur les scènes parisiennes à la fin du XIXe siècle. Si celles-ci ont été en grande partie oubliées par l’histoire du théâtre, restent qu’elles constituaient au moment de leur création les plus grands succès de la période. Ainsi, par exemple, le drame tiré du Tour du monde en 80 jours du roman éponyme par Jules Verne et son collaborateur Adolphe Dennery sera représenté près de 1000 fois en 1874, l’année de sa première mise en scène, et sera constamment repris sur les planches des théâtres parisiens pendant plus de vingt ans.
En nous appuyant sur l’étude des manuscrits et des cahiers de notes des régisseurs du Tour du monde en 80 jours (1874) et de Mathias Sandorff (1880) du fonds de l’ART, nous nous proposons d’analyser les dispositifs scénographiques utilisés dans la mise en scène de ces pièces "à grand spectacle". Il s’agira également, à travers cette analyse, de mettre en lumière les raisons qui expliquent la pérennité de ces grands succès de la scène populaire, que ce soit sur les scènes de la fin du XIXe siècle ou encore dans le répertoire du cinéma hollywoodien.

Geneviève De Viveiros est professeure au département d’études françaises de l’Université Western Ontario (Canada). Ses recherches portent sur l’histoire littéraire et culturelle du XIXe siècle. Elle s’intéresse notamment à l’œuvre d’Emile Zola, aux adaptations théâtrales et aux formes de spectacles populaires du XIXe siècle. Ses travaux ont paru entre autres dans La Revue d’histoire du théâtre et Les Cahiers naturalistes. Elle collabore présentement à l’édition critique du théâtre d’Eugène Labiche aux éditions Garnier.

Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: La fille de la terre, tragédie populaire d’Emile Sicard: conception et représentation
Emile Sicard écrit en 1912 une pièce intitulée La Fille de la terre, conservée dans le fonds A.R.T, qu’il désigne comme une "tragédie populaire". Cette indication générique est en elle-même un programme de lecture, qui se vérifie tant dans l’écriture de la pièce que dans sa réalisation scénique. La Fille de la terre emprunte à la tragédie quelques traits de composition et thèmes aisément reconnaissables. La pièce met en scène les tensions entre une génération montante, aspirant à la vie urbaine et fascinée par la condition ouvrière, et une génération vieillissante, privilégiant la transmission de la terre et des valeurs qui s’y attachent. La première représentation de La Fille de la terre confirme l’originalité de cette "tragédie populaire". La création de la pièce a lieu dans les arènes de Nîmes: la représentation en plein air évoque les réflexions sur un théâtre populaire d’extérieur développées à la même époque.

Adélaïde Jacquemard-Truc est docteur de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Spécialiste du théâtre symboliste et des liens intergénériques entre théâtre et poésie, elle a également publié plusieurs articles sur les formes du théâtre au XIXe siècle et du XXe siècle (Folies et fantaisies; théâtre de Jean Anouilh; théâtre des années noires).

Martin LALIBERTÉ: Percussification de la culture sonore après 1900: les indices des fonds des comédies de l'ART
Cette troisième communication sur l’analyse des effets sonores et bruitages dans les relevés de mise en scène du fonds de l’ART continue l’étude des particularités de ces sons dans l’optique d’une étude plus vaste de la mutation du goût sonore au tournant du XXe siècle. D’une part, les données d’analyses ont été encore précisées, ce qui permet des conclusions plus claires. D’autre part, les dispositifs mécaniques et électriques de bruitages ont cette fois été étudiés plus en profondeur, afin de faire ressortir les pratiques courantes de bruitage avant le développement de la radiophonie.

Danielle MATHIEU-BOUILLON: Pourquoi Cyrano, encore et toujours? Les secrets d'une pièce miracle (communication préparée avec Serge BOUILLON)
Un an après la création d'Ubu Roi, en total décalage avec les prémices du modernisme du XXe siècle, l'œuvre néoromantique du jeune Edmond Rostand va, véritable déferlante, choisir le contre courant et, dès la première représentation, enthousiasmer le public parisien. Elle poursuivra son triomphe partout dans le monde, où la pièce, déclinée sur tous les modes, produira chaque fois la même adhésion populaire.
Cette communication évoquera la genèse de la création d'un héros typiquement français, dans lequel chacun va s'identifier, héros archétypal qui, dès sa création, enflamma les foules et incita, dans le monde entier, les plus grands comédiens à s'attaquer aux 1500 vers d'un rôle exténuant. Elle rappellera la création mémorable de Constant Coquelin, ainsi que quelques reprises significatives du spectacle, notamment celles qui allaient rompre avec la tradition qui exigeait, pour interpréter le personnage, un acteur ayant dépassé la cinquantaine (Victor Francen - 1925 et Pierre Fresnay - 1928), l'entrée de la pièce à la Comédie-Française (André Brunot en 1938), la version révolutionnaire de Raymond Rouleau avec Gino Cervi (tournée en Italie puis spectacle d'ouverture du Théâtre des Nations en 1953) et sa nouvelle présentation en 1956 à Sarah Bernhardt avec Pierre Dux; enfin la magnifique reprise à la Comédie-Française, en 1964 avec Jean Piat, dans la mise en scène de Jacques Charon. Très rapidement, à travers le monde, l'œuvre est passée du Théâtre à l'Opéra, puis au cinéma, au ballet, enfin, à la télévision, l'incarnation du rôle par Daniel Sorano pour Noël 1960, a marqué à jamais les mémoires de plusieurs millions de téléspectateurs.Toutes choses qui feront l'objet d'une brève évocation. En fin, pour clore ce propos, nous ferons une évocation rapide des productions majeures de l'ouvrage et la mise en perspective du phénomène.

Danielle Mathieu-Bouillon a débuté adolescente dans le spectacle. De la collaboration artistique et/ou technique (éclairages et son) à l’administration, puis à la direction de plusieurs théâtres parisiens, elle en a exercé tous les métiers. Professeur de Régie-Administration à l’ENSATT de 1982 à 1989, elle a enseigné l’histoire du Théâtre au CFPTS, au GRETA du spectacle et au Lycée du Costume Paul Poiret. Auteur dramatique, elle préside l’Association de la Régie Théâtrale depuis 1983, a organisé de nombreuses expositions et rédigé de multiples articles consacrés à l’histoire des théâtres à Paris et participé à plusieurs ouvrages sur le théâtre.
Bibliographie
Organiser un spectacle (avec Marie-Sophie Humeau), Edition Le Moniteur, 1989.
ENSATT L'ECOLE THEATRE, ouvrage collectif, Les Solitaires Intempestifs, 2011.
CENTENAIRE DU THEATRE DES CHAMPS-ELYSEES, ouvrage collectif de 700 pages sous la coordination de Nathalie Sergent, auteur de l'histoire de la Comédie des Champs-Elysées de 1913 à 1944, Editions Verlhac, 2013.

Catherine NAUGRETTE: Pour une géographie parisienne du vaudeville, des années 1880 aux années 1920
Il s’agira dans cette intervention de dresser d'abord la carte des salles de théâtre à Paris dans les années 1880-1920, dont le répertoire est essentiellement composé de vaudevilles. Puis d’analyser la topographie ainsi obtenue, d’un point de vue à la fois sociologique et historique, dramaturgique et historique. Quel répertoire de vaudeville joue-t-on dans quel théâtre, à quel endroit dans la ville, dans quel type de salle, et pour quel public? Y-a-t-il une évolution notable entre cette carte et ces pratiques depuis les débuts du vaudeville dans la capitale, soit les années 1820? Comment peut-on interpréter cette nouvelle donne, entre continuité et renouvellement?

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégée de Lettres Modernes, Catherine Naugrette est actuellement professeur d’Histoire et d’Esthétique du théâtre à la Sorbonne Nouvelle et présidente de la 18e Section (Arts) du CNU. Ses recherches les plus récentes portent sur le devenir contemporain de certaines notions esthétiques, en particulier sur la catharsis, et sur les rapports entre le théâtre et les autres arts.
Publications
Paysages dévastés. Le théâtre et le sens de l’humain, Circé, 2004.
L’Esthétique théâtrale, Armand Colin 2011, 2nde édition.
Qu’est-ce que le contemporain?, (dir.), L’Harmattan, 2011.
Le Contemporain en scène, (dir.), L’Harmattan, 2011.

Véronique PERRUCHON: Lumière et espace en mouvement: La Fille d'Artaban
À partir d’étude de cas, cette contribution portera un regard attentif sur la manière dont les jeux de lumière sont pris en compte dramaturgiquement à la fin du XIXe siècle, notamment au Théâtre Antoine. On verra comment le texte et le jeu scénique s’approprient cette donnée.

Après des débuts professionnels en tant qu’éclairagiste et régisseuse, Véronique Perruchon s’est intéressée au domaine spectaculaire du théâtre et à la mise en scène dans son travail de recherche. Elle est l’auteur d’une thèse dirigée par Georges Banu (Sorbonne Nouvelle Paris 3) sur le metteur en scène André Engel. Maître de conférences à l’Université Lille 3 en Arts de la scène et membre du Centre d’Etude des Arts Contemporains (CEAC), elle poursuit ses investigations sur les composantes de la scène et les enjeux spectaculaires.

Giusy PISANO: Le mélodrame: de la scène à l’écran
Le mélodrame, genre populaire et inépuisable, est très présent dans le fonds d’archives de l’Association de la Régie Théâtrale (ART): des centaines de pièces de théâtre parmi lesquelles nous avons sélectionné celles qui ont eu une adaptation cinématographique afin d’en analyser les reprises et variantes.

Giusy Pisano est professeur des Universités à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, Associate Professor, Center of Koeran History, Korea University, directrice de recherche à l'ED Arts et Médias/Université Sorbonne Nouvelle Paris III et membre de l'IRCAV. Ses articles ont été consacrés à l'histoire et l'esthétique du cinéma et de l'audio-visuel. Actuellement ses recherches portent sur l'anthropologie des sons et des images. Elle est co-directrice, avec Jean-Marc Larrue, du projet de recherche sur les relevés de mise en scène de l'Association de la Régie Théâtrale dont découle le présent ouvrage.
Publications
Archives audiovisuelles: mémoire, histoire, création. Nouvelles approches, nouvelles méthodes (dir.), Paris, L’Harmattan,  2014.
L’amour fou au cinéma, Paris, Éditions Armand Colin, 2010 (traduit en italien: Roma, Gremese, 2011).
Une archéologie du cinéma sonore, Paris, Éditions du CNRS, décembre 2004.
Le muet a la parole. Cinéma et performances à l’aube du XXe siècle (codirection avec Valérie Pozner), Paris, CNRS/AFRHC, 2005.
La Musique ! (codirection avec François Albera), Paris, AFRHC, 1895, 2003.

Sylvain SAMSON: L’accordéon: expression populaire? Lectures et répertoire dans les théâtres parisiens jusqu’en 1945
Un vaste répertoire musical a déjà été mis en valeur au sein du fonds des "Relevés de mises en scène dramatiques" de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Chanson populaire, danses, jazz, musiques savante, sacrée ou encore patriotique en constituent des exemples majeurs. De facture récente, l'accordéon, né vers 1830, apparaît sur scène dans huit pièces de ce fonds entre 1913 et 1945. Au cœur du théâtre, les différents rôles joués par cet instrument dans les mises en scène permettront d'interroger son répertoire, ses fonctions, sa symbolique et plus particulièrement de questionner son image "populaire" dans la première moitié du XXe siècle, alors même que le Balajo, salle de bals musette parisienne emblématique, ouvrira dès 1936.

Sylvain Samson, LISAA (EA-4120) - Université Marne-La-Vallée, est professeur agrégé de musique, certifié en histoire des arts et docteur en musicologie des Universités François-Rabelais de Tours et La Sapienza de Rome. Ses recherches se concentrent sur diverses problématiques liées à l'opéra, et plus largement au théâtre. Prônant les approches pluridisciplinaires, la littérature, l'histoire, la philosophie, l'anthropologie intègrent entre autres ses champs de réflexion. L’étude du fonds de l’Association de la Régie Théâtrale de la Bibliothèque Historique de Paris constitue une part importante de ses travaux de recherches, se concentrant sur les manifestations du sonore dans les mises en scène.
Publications
Saint Exupéry et Villiers de l’Isle-Adam: les épicentres de la construction de l’Univers, du parcours et de la figure du héros dans le théâtre de Luigi Dallapiccola. Une esthétique du Sacré et de l’Initiatique, Thèse de doctorat en cotutelle franco-italienne, sous la direction de Geneviève Mathon - Université François-Rabelais, Tours et Pierluigi Petrobelli - Université La Sapienza, Rome, 2011.
"Ulisse de Luigi Dallapiccola: un univers sacré, une vision dantesque", Le Paon d'Héra, à paraître aux Editions du Murmure.
"Impact des nouvelles technologies sonores au théâtre. Le disque: incidence et répertoire dans les théâtres parisiens entre 1911 et 1945", à paraître aux Presses Universitaires du Septentrion (2014).

Frédéric TABET: "Mentalist" et ses projections médiatiques de part et d'autre du XXe siècle
Hypnotiseur, spirite, nécromancien, lecteur de pensée, télépathe... notre intervention s’attache à interroger la figure du magicien mental. Ce personnage, présent au théâtre et au cinéma, est le double du mentaliste qui se présente sur les scènes de music-hall. Ce terme, désignant une sous-catégorie de l’art magique s’implante dans la langue au début du XXe siècle. Notre communication interrogera le répertoire et la présentation de cette forme qui s’autonomise comme forme populaire. Les hypnotiseurs et autres lecteurs de pensées, bien que présents sur scènes, appuient leur renommée sur une nouvelle forme de diffusion en proposant des programmes radiophoniques. Ces artistes proposent une alternative à la magie optique du XIXe et s’opposent à l’esthétique des imposantes productions spectaculaires magiques: sur leur scène nue, une dramaturgie de la voix et de la lumière crue se développe. L’occasion sera ainsi offerte de s’intéresser à l’essor d’un pan du spectacle populaire et de ses dispositifs trucographiques, scénographiques, ainsi qu'à ses liens avec d’autres formes de représentation.

Sylvie THOUARD: D’un médium à l’autre, les tribulations d’une héroïne populaire: La porteuse de pain
Si le titre La Porteuse de pain évoque encore la figure d’une héroïne populaire de la fin du XIXe siècle, le roman feuilleton et ses diverses adaptations, théâtrales, cinématographiques, radiophoniques et télévisuelles, sont aujourd’hui largement oubliés. Ils constituent pourtant un vaste corpus qui invite à l’étude de phénomènes d’intermédialité. Le texte mélodramatique fourmillant des ressorts narratifs propres aux feuilletons (1884) fut adapté pour le théâtre par son auteur Xavier de Montepin et par Jules Dornay; la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris conserve les relevés de nombreuses mises en scène conçues entre 1889 et 1929. Dans le même temps et durant les décennies suivantes, une dizaine de films, muets puis sonores, adaptent la pièce ou le roman pour le cinéma.

Sylvie Thouard est maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l'Université Paris-Est Marne (LISAA EA-4120). Productrice, réalisatrice et enseignante aux Etats-Unis de 1980 à 2000. Ses recherches actuelles: portent sur les représentations du peuple.
Publications
Documentaires américains contemporains, L’Harmattan, "Champs visuels", 2001.
Numérique et transesthétique, G. Leblanc (co. ed.), Presses Universitaires du Septentrion, "Images et sons", 2012.

Stéphane TRALONGO: Le music-hall au centre de la ville mécanisée. Ambiguïtés des machines entre érotisation et technophobie
L’essor de la revue de music-hall à la fin du XIXe siècle est allé de pair avec le déploiement enthousiaste de nouvelles technologies électriques au sein des salles de spectacle comme en leur dehors. Si l’électricité nous semble aujourd’hui consubstantielle aux grandes revues parisiennes de cette époque, elle n’a pourtant pas échappé au regard critique que les chansonniers adoptèrent - ne fût-ce que sur un mode burlesque - face aux processus de modernisation de la capitale. En faisant régulièrement la chronique des évolutions de l’environnement urbain, les auteurs de revues développèrent effectivement une approche dramaturgique à la fois didactique et satirique de la ville mécanisée, en phase avec les réactions et les attentes des spectateurs. Nous nous efforcerons donc de nuancer l’idée d’un engouement aveugle pour la lumière électrique et, plus généralement, pour d’autres technologies développées au même moment comme le cinématographe et ses avatars.

Stéphane Tralongo est Premier assistant à l’Université de Lausanne. Docteur ès Lettres et arts, il est l’auteur d’une thèse sur l’histoire des débuts du spectacle cinématographique envisagé dans ses rapports aux arts de la scène (Université Lyon 2/Université de Montréal). Membre affilié du GRAFICS, il a publié plusieurs travaux sur le cinéma des premiers temps, notamment une étude sur Georges Méliès dans l’ouvrage collectif Méliès, carrefour des attractions (Colloque de Cerisy/PUR, 2014). Ses recherches actuelles portent sur l’histoire du music-hall, l’émergence des techniques de montage et le développement du cinéma d’amateurs.

Organisé dans le cadre
du Projet Pluriannuel Structurant dirigé par Giusy Pisano et porté par l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée,
le LISAA (UPEM, EA 4120),
en partenariat avec le CRI (Université de Montréal)
et la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris


CENTRE CULTUREL INTERNATIONAL DE CERISY

Programme 2013 : un des colloques

LA MISE EN SCÈNE THÉÂTRALE ET LES FORMES AUDIO-VISUELLES :

EMPRUNTS ESTHÉTIQUES ET TECHNIQUES

DU MERCREDI 19 JUIN (19 H) AU DIMANCHE 23 JUIN (18 H) 2013

DIRECTION : Jean-Marc LARRUE, Giusy PISANO

ORGANISATION : Vivien SICA, Stéphane TRALONGO


Cerisy 2013

ARGUMENT :

L’émergence de la mise en scène théâtrale moderne est intimement liée aux mutations technologiques, médiatiques et sociologiques qui accompagnent l’industrialisation du monde occidental au tournant du XXe siècle. L’histoire du théâtre croise en effet à cette époque les trajectoires de dispositifs visuels et sonores aussi divers que la lanterne magique, le phonographe, le téléphone, le théâtrophone et le cinématographe. L’hybridité des médias est alors régulièrement mise au service de la pratique théâtrale, que ce soit pendant la conception du spectacle (André Antoine répétant avec un phonographe), sa représentation (Sacha Guitry introduisant des projections et faisant jouer des disques) ou sa notation (les régisseurs conservant des photographies de scène). On ne compte pas non plus les adaptations de pièces de théâtre pour le cinématographe et, plus tard, pour la radio et la télévision. Au moment où les technologies numériques font écho à des formes mixtes apparues il y a plus d’un siècle avec l’électricité, il faut réinscrire l’histoire des arts de la scène dans un contexte culturel plus large, en analysant en particulier les liens qui se tissent avec d’autres dispositifs médiatiques.

C’est l’objectif de ce colloque qui sera l’aboutissement d’un long travail de collaboration entre archivistes et chercheurs autour d’un fonds précieux de relevés de mises en scène dramatiques antérieures à 1945 et en coopération avec plusieurs institutions patrimoniales.

La dernière journée consacrée aux travaux du groupe de recherche "Cinéma, théâtre, émancipation", dirigée par David Faroult et Olivier Neveux sera l’occasion de présenter une étape de ses travaux à l’issue de sa quatrième année de réunions régulières.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 19 juin
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 20 juin
Matin:
Esthétiques et technologies du son (I)
Jean-Marc LARRUE: Les constructions de l'argument essentialiste à la lumière du Fonds de l'ART de la B.H.V.P.
Martin BARNIER: Utilisation des technologies du son au théâtre et au cinéma (1920-1939)
Sylvain SAMSON: Impact des nouvelles technologies sonores au théâtre. Le disque et la musique instrumentale dans les théâtres parisiens entre 1911 et 1945 (communication élaborée avec Geneviève MATHON)
Sylvain SAMSON: Milo. De Bernstein à Resnais: lectures

Après-midi:
Genres: textes et mises en scène (I)
Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: Folies et fantaisies d'après le Fonds ART: des sous-genres du Vaudeville?
Pascale ALEXANDRE: Le théâtre historique et sa mise en scène d'après les fonds ART (1860-1900)
Frédéric TABET: Migrations esthétiques et techniques de l'art magique au théâtre, le cas d'une appropriation singulière: L’Escamoteur d’Adolphe d’Ennery et Jules Brésil
Geneviève DE VIVEIROS: Choses vues: la mise en scène des adaptations théâtrales des romans de Zola
Hwarim CHO: Les adaptations du Cid de Corneille à travers les effets dramatiques

Soirée:
Patrice GUÉRIN: L'évolution des sources lumineuses


Vendredi 21 juin
Matin:
L'image dans la mise en scène
Carole HALIMI: L’artifice du "tableau" au théâtre: du texte à la photographie
Caroline CHIK: La toile de fond, entre mise en scène et mise en image
Giusy PISANO & Jean-Marc LARRUE: Discussion ouverte

Après-midi:
Esthétiques et technologies du son (II)
Martin LALIBERTÉ: Avant Pierre Schaeffer, bruits et sons dans les mises en scène parisiennes du début du XXe siècle
Delphine CHAMBOLLE: Le son de l’automobile: évolution des techniques sonores et utilisation des sons sur la scène parisienne (1900-1940)
Chantal GUINEBAULT: Cadre et cadrage au théâtre: une pratique du "hors-scène" avant 1945

Soirée:
Jacques Noël, décorateur-scénographe (28'), de Danielle Mathieu-Bouillon, réalisé par Xavier de Cassan, avec la participation de Eugène Ionesco de l’Académie française, Marcel Marceau de l’Académie des beaux-arts et Jacques Mauclair
Le relevé de mise en scène témoin de l’évolution du théâtre, depuis 1950, par Serge BOUILLON (président d'honneur de l'ART) et Danielle MATHIEU-BOUILLON (présidente de l'ART)


Samedi 22 juin
Matin:
Genres: textes et mises en scène (II)
Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN: Les dispositifs mixtes théâtre/cinéma et leur mise en scène/film
Marguerite CHABROL: Héritages du théâtre français chez George Cukor: Paris-Hollywood-Broadway
Frank KESSLER & Sabine LENK: Mise en scène / mise en film

Après-midi:
Intermédialités
Caroline RENOUARD: Des premiers temps à l’installation du mythe holmésien: mises en scène et interdépendances médiatiques autour de la pièce de théâtre Sherlock Holmes
Stéphane TRALONGO: Visions électriques, les attractions lumineuses à l'époque de l'électrification du théâtre
Giusy PISANO & Jean-Marc LARRUE: Bilan et conclusion

Soirée:
Spectacle de danse traditionnelle coréenne, par Kyung Ho LEE (professeur de l'Université nationale de Chonbuk) et Young Suk CHOI (danseuse étoile et enseignante de Chonbuk) [Titres des danses: 1. DOSALPULI CHOUM (danse de chamanne) ; 2. TAEPYUNGMOU (danse de la paix)]


Dimanche 23 juin
JOURNÉE D'ÉTUDE: "FAUT-IL ÊTRE RÉALISTES?"
Matin:
David FAROULT: Quelle réalité pour quel réalisme?
Thomas VOLTZENLOGEL: "Faire des bijoux pour les pauvres". L’héritage du réalisme dans les films de Pedro Costa
Thibault FAYNER: Le réalisme et Claudine Galea
Armelle TALBOT: Lecture d'une nouvelle, "Ordre du jour"
Olivier NEVEUX: Le réalisme attarde l’homme autour de ses ordures

Après-midi:
Natacha THIÉRY: Alain Cavalier: "un cinéaste qui libère son spectateur"?
Jean-Michel DURAFOUR: Explorations, exploitations, exploits. De quelques métamorphoses des réalismes (politique, esthétique) chez Jean-François Lyotard
Virgilio MORTARI: Artaud ou "Faut-il être cruels pour être réalistes?"

DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Pascale ALEXANDRE: Le théâtre historique et sa mise en scène d'après les fonds ART (1860-1900)
L’histoire avait constitué un matériau théâtral privilégié pour le drame romantique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle se perpétue un théâtre historique - drames, mélodrames, comédies - critiqué par les avant-gardes littéraires, mais applaudi d’un large public. Dans cette production commerciale, l’histoire est présentée sur scène comme un spectacle ayant pour valeur et pour finalité l’émotion, du rire aux larmes. Les documents présents dans le fonds ART témoignent du succès de ces pièces, lors de leur création ou de leur reprise, qu’elles aient été adaptées pour la scène ou écrites pour elle: Le Bossu (Théâtre de la Porte Saint-Martin, 1862), Le Capitaine Fracasse (Odéon, 1897), Cyrano de Bergerac (Porte Saint-Martin, 1897), L’Aiglon (Porte Saint-Martin, 1900), Madame Sans-Gêne (Vaudeville, 1893), Théodora (Porte Saint-Martin, 1884), Thermidor (Porte Saint-Martin, 1896)... Ils permettront d’examiner comment se construit sur la scène, dans son articulation au texte, le spectaculaire et quels moyens il mobilise.

Pascale Alexandre est professeur de littérature française du XXe siècle à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ses travaux et ses publications portent sur le drame symboliste (Claudel, Maeterlinck) et sur le théâtre du XXe siècle (Audiberti, Ionesco, Beckett, Tardieu). Elle a notamment participé au Dictionnaire des pièces françaises du XXe siècle (Champion, 2005), au Dictionnaire Beckett (Champion, 2011), au Dictionnaire Ionesco (Champion, 2013) et a collaboré à la nouvelle édition du Théâtre de Claudel dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2011).

Martin BARNIER: Utilisation des technologies du son au théâtre et au cinéma (1920-1939)
Comment les phonographes, les radios et les téléphones sont-ils utilisés dans les pièces de théâtre, et dans les films, pendant la période de généralisation du cinéma parlant (voir Martin Barnier, En Route vers le parlant)? Au moment où les films peuvent faire entendre les voix téléphoniques, radiophoniques et sur phono, les pièces de théâtre montées à Paris semblent être particulièrement bruitées par ces appareils sonores. Peut-on faire un parallèle entre l’utilisation faite dans une pièce et celle faite au cinéma pour ces diffusions électriques des sons? Ces appareils permettent-ils des gags dans les comédies, des effets de dramatisation dans les drames? Des exemples nous permettront d’analyser les voix et musiques "on the air" (selon Michel Chion, L’Audiovision) dans les films et les pièces des années 1920 et 1930.

Martin Barnier, professeur en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Lumière Lyon 2, est historien du son au cinéma.
Publications
En Route vers le parlant (CEFAL, 2002).
Des films français made in Hollywood. Les versions multiples (1929-1935) (L’Harmattan, 2004).
Bruits, cris, musiques de films (Presses Universitaires de Rennes, 2010).
Analyse de film: Conte d’été de Rohmer (Vrin, 2011),  avec Pierre Beylot.
Les Biopics du pouvoir politique de l’Antiquité au XIXe siècle. Hommes et femmes de pouvoir à l’écran, codirection avec Rémi Fontanel, Lyon, Aléas, 2010.

Marguerite CHABROL: Héritages du théâtre français chez George Cukor: Paris-Hollywood-Broadway
Derrière l’influence dominante du théâtre américain sur la filmographie de George Cukor, pris ici comme exemple archétypal de réalisateur hollywoodien inspiré par le théâtre, se trouvent plusieurs adaptations du répertoire français avec un film particulièrement connu, Camille, adapté de La Dame aux Camélias, mais aussi trois films jugés mineurs: Zaza (d’après la pièce du même titre de Pierre Berton et Charles Simon), A Woman’s Face (adapté d’Il était une fois de Francis de Croisset) et Her Cardboard Lover (adapté de Dans sa candeur naïve de Jacques Deval). Avant d’arriver dans les studios hollywoodiens, trois de ces pièces ont été jouées à Broadway (Zaza plusieurs fois entre 1899 et 1905, Her Cardboard Lover en 1927 et Camille a connu plus de 16 séries de représentations entre 1853 et 1935, dont la tournée de Sarah Bernhardt en 1911).
Il s’agira, à partir des carnets de ces pièces présents dans le fonds de l’ART d’envisager la richesse des transferts entre théâtre et cinéma, pris dans une circulation entre Paris, Broadway et Hollywood dans la première moitié du XXe siècle. En comparant les sources françaises aux sources américaines, on verra dans quelle mesure le cinéma hollywoodien se fonde non pas sur le simple recyclage des textes, mais sur des emprunts à différentes traditions de mise en scène, et comment se construit un imaginaire spécifique associé au théâtre français.

Marguerite Chabrol est maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense. Ses recherches portent sur le classicisme hollywoodien et les relations du cinéma avec le théâtre. Elle est notamment l’auteur d’une thèse sur "La théâtralité dans le cinéma classique hollywoodien: les mises en scène de Georges Cukor et Joseph L. Mankiewicz" (2004) et a codirigé la série des Lectures croisées (avec Alain Kleinberger et Pierre-Olivier Toulza, L’Harmattan), et avec Tiphaine Karsenti, le n°204 de Théâtre/Public, "Entre théâtre et cinéma: recherches, inventions, expérimentations" (juin 2012).

Delphine CHAMBOLLE: Le son de l’automobile: évolution des techniques sonores et utilisation des sons sur la scène parisienne (1900-1940)
Les expériences théâtrales qui fleurissent un peu partout sur la scène d’avant-garde du théâtre européen de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui vont entraîner des mutations esthétiques, accordent une importance nouvelle au langage physique. La musique et le son sont des éléments de cette rénovation scénique présents dans les réflexions et les travaux d’artistes comme Kandinsky, Adolph Appia, Jaques-Dalcroze, Jacques Copeau, les futuristes italiens (Depero en particulier), Gordon Craig et Antonin Artaud. Le fonds d’archives de l’Association des Régisseurs de Théâtre nous offre la possibilité d’observer quelle place occupe le son sur une scène moins expérimentale, à Paris, dans le premiers tiers du XXe siècle. Nous proposons d’étudier les nombreuses interventions sonores de l’automobile. En effet, le premier salon de l’automobile à Paris a lieu en 1898. Apparaissant très vite sur scène, c’est un objet qui représente la ville, le pouvoir et qui est matérialisé par le son. Il s’agira d’analyser l’évolution des techniques sonores employées au théâtre, ainsi que la place du sonore sur scène à travers l’exemple de ces sons d’automobile, expression de la modernité.

Delphine Chambolle est Maître de Conférences à l’Université Charles de Gaulle de Lille 3 en Civilisation Hispanique. Docteur de l’Université de Paris 3 Sorbonne Nouvelle, elle a soutenu sa thèse en 2004 sur l’espace sonore dans les esperpentos de Valle-Inclán. Son domaine de recherche est la littérature et les arts au XXe siècle, dans les domaines du théâtre, du cinéma et de la bande dessinée. Elle consacre, plus particulièrement, sa recherche au son. Ses rencontres avec Daniel Deshays et Nicolas Frize la persuadent de se lancer dans la création sonore. Depuis, elle réalise des conceptions sonores pour le théâtre avec le metteur en scène Ismael Jude et pour les musées (Angoulême - Festival de la BD, Musée du sel à Batz sur mer).

Caroline CHIK: La toile de fond, entre mise en scène et mise en image
Il s’agit d’étudier la photographie de scène essentiellement à travers la production de l’atelier Nadar, présente dans les relevés de mise en scène de l’A.R.T. le plus souvent sous la forme de cartes postales. Nous mesurerons les écarts et les proximités entre photographies de scène et portraits d’atelier, de même qu’une sorte de statut intermédiaire entre ces deux genres. Leur dénominateur commun, la toile de fond, se rencontre parfois telle quelle, dans un cadrage serré et une lumière identiques, d’une image, d’une scène, voire, semble-t-il, d’une pièce de théâtre à une autre, où seuls les acteurs changent. On remarquera une certaine autonomie de la scène reconstituée par rapport à la scène jouée, qui témoigne du caractère artificiel du médium photographique comme construction d’un monde fictif, ainsi que son aspect contraignant et "figeant". Peut-être, aussi, doit-on voir dans les photographies de scène de l’atelier Nadar la volonté d’une certaine standardisation, à l’instar des portraits-cartes qui leur sont contemporains.

Docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts - spécialité Arts plastiques et photographie, qualifiée pour la XVIIIe section du CNU, Caroline Chik est chercheure boursière au Centre allemand d’histoire de l’art à Paris. Egalement membre associée du GRAFICS, elle a effectué un postdoctorat et enseigné au Département d’Histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.
Publication
L’image paradoxale. Fixité et mouvement, Presses Universitaires du Septentrion, 2011.

Geneviève DE VIVEIROS: Choses vues: la mise en scène des adaptations théâtrales des romans de Zola
Bien que surtout connu comme romancier, Émile Zola (1840-1902) s’est, tout au long de sa carrière, intéressé au théâtre. En plus de publier des critiques dramatiques, il écrivit des pièces et fit adapter pour la scène ses romans les plus célèbres. Suivant ses théories naturalistes, il chercha à révolutionner la scène de son temps en préconisant, notamment, un style de jeu naturel et l’utilisation de décors réalistes représentant de manière authentique les différents "milieux" étudiés dans son œuvre. Cette communication traitera, en faisant référence aux fonds d’archives de la Bibliothèque historique de la ville de Paris, de la mise en scène des adaptations théâtrales des romans de Zola à la fin du XIXe siècle.

Geneviève De Viveiros est professeure au département d’études françaises de l’Université Western Ontario. Ses recherches portent sur l’œuvre d’Émile Zola, les femmes écrivains de la Belle Époque et le théâtre du XIXe siècle. Ses travaux ont paru, entre autres, dans les Cahiers naturalistes et la Revue d’histoire du théâtre. Elle participe actuellement à la publication de l’édition critique des Œuvres complètes d’Eugène Labiche aux éditions Classiques Garnier.

Jean-Michel DURAFOUR: Explorations, exploitations, exploits. De quelques métamorphoses des réalismes (politique, esthétique) chez Jean-François Lyotard
Il faudra d’abord revenir sur l’établissement d’un registre d’acceptions opératoires et différentiels du réalisme en régime philosophique et esthétique à partir d’une exploration circonspecte de la notion de réalité (par positionnements en regard de la vérité, de l’actualité, de l’effectivité, de l’objectivité, etc.) dressant de vecteurs d’interprétations et d’analyses depuis l’Antiquité grecque et la scolastique médiévale. Ensuite, on posera la question du rapport de Jean-François Lyotard au réalisme, depuis la période militante (dominée par son activité au sein du mouvement  ) jusqu'aux derniers textes (disons l’ultime décennie, pour faire vite) où, délaissant le politique pour d’autres activateurs de gouvernement (l’âme, l’enfance, l’art), Lyotard revient à une appréhension figurative et représentative des œuvres d’art (Que peindre?). "Revient": entre les deux, on connaît cet événement appelé à faire date: Discours, Figure (1971), et les développements, a priori tout à fait contraire à toutes espèces de réalisme, de la notion de figural - mais où le réalisme, contre toute attente, et sauf à le fétichiser, pourrait malgré tout (on verra comment) travailler œuvres et pensées sous d’autres formes que celles attachées à sa présence elle-même effective. En quoi ce qui se produit sur ces quelques décennies ouvre-t-il, de l’engagement politique à l’esthétique, sur une conception singulière du réalisme dans les arts et, tout spécialement, au cinéma (qui en serait comme la promesse)?

Jean-Michel Durafour est Maître de conférences en Etudes cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et agrégé de philosophie. Il est spécialiste d’esthétique et de théorie des images. Il a notamment publié de nombreux articles dans des revues spécialisées (CiNéMAS, Trafic, Ligeia...).
Publication
Jean-François Lyotard: questions au cinéma. Ce que le cinéma se figure, PUF, 2009.

David FAROULT: Quelle réalité pour quel réalisme?
Pour alimenter ce questionnement dans une perspective émancipatrice, l’instabilité historique de la notion de réalité permet d’en révéler une heureuse plasticité, et de réinterroger à nouveaux frais les conceptions de la réalité qui animent les démarches réalistes. Sous quelles conditions et conjonctures un réalisme (lequel?) pourrait-il contribuer à l’émancipation d’un "être humain privé de réalité vraie"?

David Faroult est maître de conférence en cinéma à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée: ses recherches portent sur les relations entre cinéma et politique, notamment à travers les théories du spectateur et du dispositif cinéma.

Thibault FAYNER: Le réalisme et Claudine Galea
Le fait divers est à la base de nombreuses pièces réalistes. Il est réputé synthétiser les contradictions d’une époque et, à ce titre, il intéresse particulièrement les auteurs réalistes. Le fait divers est également un standard des ateliers d’écriture. Il est employé par différents meneurs d’écriture. Le fait divers génère-t-il toujours des œuvres réalistes? Est-il employé dans ce sens en atelier? Quel(s) sens chaque meneur d’écriture lui attribue-il? Dans cette communication, nous étudierons pourquoi et de quelles manières les ateliers d’écriture utilisent la tradition littéraire, en l'occurrence réaliste. S’agit-il d’un réservoir formel propice à "déclencher" l’écriture des participants? S’agit-il de se réapproprier le projet réaliste des auteurs convoqués? Les ateliers d’écriture génèrent-ils d’autres pistes pour l’écriture réaliste qui n’empruntent pas forcément les outils traditionnellement employés par les auteurs réalistes, à commencer par le fait divers?

Thibault Fayner écrit pour le théâtre dans le cadre de commandes d’écriture pour des compagnies ou pour des acteurs. Ses textes paraissent aux éditions Espaces 34. Il est également maître de conférences associé en arts du spectacle à l’Université de Poitiers et chargé de cours à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre et à l’Université Paris-Est. Il est doctorant en études théâtrales à l’Université Lyon II (dir. Olivier Neveux).

Patrice GUÉRIN: L'évolution des sources lumineuses
Cette conférence, illustrée de nombreux documents d’époque, a pour objet l’évolution des procédés d’éclairage qui permirent l’avènement des projections publiques au théâtre et au cinéma à partir du milieu du XIXe siècle. Elle est accompagnée d’une exposition d’appareils d’éclairage destinés à la projection. En partant de la bougie qui est la référence en matière d’éclairage au XIXe siècle, on passe rapidement sur les éclairages au pétrole et au gaz - qui causèrent certains dégâts - avant d’arriver aux deux procédés qui permirent d’obtenir une lumière suffisamment puissante: le chalumeau oxhydrique et l’arc électrique. Cette forte lumière, source des projections lumineuses devant un large public, permit à des créateurs géniaux et très variés d’exprimer tout leur talent, qu’il s’agisse des magiciens Robertson et Robin, des compositeurs, tels que Wagner, Meyerbeer ou Rossini, des décorateurs comme Mariano Fortuny et Eugène Frey, des artistes comme Loïe Fuller, des inventeurs tels que Edison, les frères Lumière. Tous virent leurs talents magnifiés par la lumière !

Patrice Guérin est un spécialiste des techniques de communication écrite et audiovisuelle. Diplômé de l’ENSAD, il est architecte en communication et fut prestataire de grandes entreprises. Durant dix ans, il partagea son savoir-faire avec des étudiants. En 1990, il crée et publie le mensuel Design Collection consacré à l’histoire des sciences et des techniques. En 1995, il publie Du soleil au xénon à l’occasion du centenaire du cinéma. Depuis novembre 2010, il développe le site Web Diaprojection consacré aux projections lumineuses.

Chantal GUINEBAULT: Cadre et cadrage au théâtre: une pratique du "hors-scène" avant 1945
A partir d’exemples significatifs (pris dans le fonds de l’ART, mais aussi de la Comédie Française), nous montrerons comment les frontières de la représentation évoluent dans les mises en scène de la fin du XIXe siècle, indiquant un travail de re-composition de l’image scénique, en même temps que l’abandon du décor peint, factice: réduction du visible, fragmentation de l’aire de jeu, utilisation de repoussoirs et du re-cadrage, jeu avec les coulisses et le hors-scène. Ce traitement du cadre opère par articulation du lieu de la représentation et de la représentation de lieu - dont la friction est constitutive du dispositif théâtral.

Maître de conférences au Département Arts de l’Université Paul Verlaine-Metz, Chantal Guinebault est aussi chercheur au CREM et à l’ARIAS, CNRS. Elle a ainsi participé au volume des Voies de la Création théâtrales sur Claude Régy, La quête de l’espace mental, ainsi qu’au PICS sur Le Son du Théâtre en partenariat avec le CRI de Montréal. Elle collabore de longue date avec la revue Théâtre/public, pour des articles, mais aussi des numéros sur la scénographie, la lumière et le son. Elle enseigne à l’EnsAD dans la section scénographie et à l’Université de Paris-Est/Marne-la-Vallée (Master Cinéma, audiovisuel et archives). Ses recherches portent également sur les arts de la marionnette et de l’objet, le théâtre visuel et les dramaturgies non exclusivement textuelles.

Carole HALIMI: L’artifice du "tableau" au théâtre: du texte à la photographie
Dans un article qui fait se croiser peinture, cinéma et théâtre, Roland Barthes traite du "tableau", comme dispositif de représentation que l’on qualifierait aujourd’hui d’intermédial, au sens où il conjugue différents media. Cet art, celui du tableau, écrit-il, n’est pas réaliste, mais repose sur une construction artificielle. De fait, quand le tableau intervient au théâtre, il suspend souvent l’action, la fige en pose, pour qu’un passage s’effectue, dans le regard même du spectateur, de la scène et de l’action vers l’image. Aussi, quand la photographie s’empare du théâtre pour en témoigner, elle est elle-même confrontée à cette difficulté de traduire une action sous une forme arrêtée, suspendue. À partir d’un choix de textes et d’images tirés des archives de l’Association des Régisseurs de Théâtre (ART), l’objectif sera de révéler la composante artificielle du "tableau", quand il prend place dans le texte, les indications de mises en scène, mais aussi et surtout comme une forme que la photographie perpétue, depuis les images de scène, les illustrations de la pièce, jusqu’au portrait d’acteur.

Carole Halimi est maître de conférences à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Également agrégée en arts plastiques, elle a soutenu une thèse en histoire de l’art en 2011, intitulée "Le tableau vivant de Diderot à Artaud, et son esthétique dans les arts visuels contemporains (XXe-XXIe siècles)". Elle est nommée pensionnaire en histoire de l’art à l’Académie de France à Rome Villa Médicis, pour une durée d’un an à compter de septembre 2013.
Publications (sur la question du tableau vivant)
"Les tableaux vivants dans les œuvres de Pierre Klossowski: quels lieux pour l’érotisme?", Histoire de l’art, n°66, avril 2010, p. 121-130.
"Tableau vivant et turbulence des corps dans les images de Pierre Klossowski et de Bill Viola", Figures de l’Art, n°22, Presses Universitaires de Pau, 2012, p. 131- 143.

Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: Folies et fantaisies d'après le Fonds ART: des sous-genres du Vaudeville?
La communication s’attachera à mettre en lumière la présence de deux corpus à l’intérieur du fond inventorié. Cinq pièces sont en effet identifiées comme des "folies" par leurs auteurs, onze autres comme des "fantaisies". Aucun de ces deux genres n’a été étudié en tant que tel. Nous nous proposons de mettre en lumière leurs caractéristiques génériques respectives, ainsi que les évolutions du genre dans le cas de la folie (qui embrasse le XIXe siècle dans notre source). Nous placerons ces deux genres en regard de la féérie, troisième sous-genre du théâtre; les fééries sont également représentées dans le corpus et ont été, quant à elles, largement étudiées par la critique. Une telle étude permettra de rendre compte de la diversité des formes génériques au long du XIXe siècle et de variations autour de l’esthétique de la féérie.

Adélaïde Jacquemard-Truc est ATER à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, où elle achève la rédaction d’une thèse de doctorat. Elle a publié plusieurs articles sur le théâtre du XIXème siècle (symbolisme) et du XXe siècle (Jean Anouilh).

Frank KESSLER & Sabine LENK: Mise en scène / mise en film
Dans notre communication, nous analyserons les décisions prises par rapport à un même matériau de base au niveau de sa mise en scène et de sa mise à l’écran autour de 1910. Nous nous interrogerons tout particulièrement sur les différences en ce qui concerne, respectivement, la trame narrative de la pièce de théâtre et celle du film, compte tenu non seulement du fait que le cinéma ne peut utiliser que de manière très limitée la parole transcrite dans les intertitres, mais aussi des choix de mise en scène pour le théâtre et pour le cinéma. Nous étudierons ensuite le conséquences dramaturgiques et esthétiques de ces choix en tenant compte de différentes versions du matériau de base.

Frank Kessler est professeur en Histoire des médias à l’Université d’Utrecht où il dirige l’Institut de Recherche "Histoire et Culture" (OGC). Ancien président de DOMITOR et co-fondateur avec Sabine Lenk et Martin Loiperdinger de KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films, ses travaux portent notamment sur le cinéma des débuts. Avec Nanna Verhoeff, il a co-dirigé Networks of Entertainment. Early Film Distribution 1895-1915 (2007). En 2009, il était chercheur invité au Collège International de Recherche en Technologies de la Culture et Philosophie des Médias à Weimar.

Sabine Lenk est chercheur affilié au groupe de recherche Médias de l’Université d’Utrecht. Elle a travaillé pour des cinémathèques en Belgique, France, Luxembourg et aux Pays-Bas, avant et après avoir été la directrice du Filmmuseum Düsseldorf de 1999 à 2007. Avec Frank Kessler et Martin Loiperdinger, elle a fondé et dirigé KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films, la collection KINtop Schriften ainsi que KINtop. Studies in Early Cinema. Elle est l’auteur de nombreuses publications sur le cinéma des premiers temps, la restauration et l’archivage des films, ainsi que sur des questions muséographiques concernant le patrimoine cinématographique. En 2009 elle a publié Vom Tanzsaal zum Filmtheater. Eine Kinogeschichte Düsseldorfs.

Martin LALIBERTÉ: Avant Pierre Schaeffer, bruits et sons dans les mises en scène parisiennes du début du XXe siècle
La révolution de la musique électroacoustique par Pierre Schaeffer et ses collègues autour de 1948 s’est préparée de longue date car elle correspond à une mutation profonde de l’écoute et de l’esthétique musicale. Cette mutation se trouve à la convergence de nombreux phénomènes artistiques et historiques importants mais elle a notamment été accompagnée et préparée par l’évolution de la scène théâtrale moderne, depuis 1880. Les recherches effectuées sur le fonds d’archives de la Régie des Théâtres Parisiens déposé à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris éclaire sous un angle nouveau l’invention de Schaeffer. Les relevés de mises en scènes étudiés montrent en détail comment les bruitages de théâtres se sont modernisés et diversifiés depuis le tournant du XXe siècle, jouant parfois un rôle de premier plan dans les spectacles. On comprend dès lors bien mieux où se situent les héritages et les apports dans les premières œuvres de Schaeffer.

Martin Laliberté, né au Québec en 1963, est professeur des Universités, titulaire de la chaire de Musique et technologies à l’Université de Paris-Est. Après une formation de compositeur instrumental et électroacoustique, il s’installe à Paris en 1988 pour poursuivre son travail à l’Ircam, où il rédige une thèse. Il est nommé Maître de Conférences à l'Université de Bourgogne en 1995 puis à l’Université de Marne-la-Vallée en 2002. Elu Professeur des Universités en 2006, il dirige le Département de Cinéma, Audiovisuel, Arts Sonores et Numériques de 2006 à 2010. Ses recherches portent sur l’esthétique contemporaine et les technologies musicales. Il prépare actuellement un ouvrage sur les modèles instrumentaux et musicaux contemporains.

Jean-Marc LARRUE: Les constructions de l'argument essentialiste à la lumière du Fonds de l'ART de la B.H.V.P.
Le XXe siècle aura été, à la fois, le siècle des grandes entreprises définitoires - Qu’est-ce que l’art? Qu’est-ce que la littérature? Qu’est-ce que le cinéma? - et celui de l’impureté, de l’hybridation ou, pour reprendre l’expression de Chris Salter, de l’"entremêlé" (entangled). Le théâtre a participé des deux mouvements. Cette communication porte sur le premier. Alors que le théâtre subit la concurrence croissante des média issus des technologies de reproduction sonore et visuelle (le disque, la radio, le cinéma muet puis parlant), s’échafaude, à partir des années 1900, un argument essentialiste qui vise non seulement à définir une spécificité atemporelle du théâtre mais aussi à en assurer la supériorité ontologique sur les pratiques concurrentes plus récentes. Le concept de "présence-coprésence-aura", si lié à l’épistémè théâtrale contemporaine qu’on a peine aujourd’hui à l’en dissocier, ne s’est en fait développé et imposé que bien tardivement, soit dans les années 1920. Si la pensée essentialiste, fondée sur cette caractéristique, a dominé et domine encore le discours théâtral, qu’en est-il de la pratique? L’examen des documents du fonds de l’A.R.T. offre une première réponse à cette question qui nous conduit à réexaminer certains des fondements de l’histoire générale du théâtre du Long Siècle.

Jean-Marc Larrue est professeur d’histoire et de théorie du théâtre au Département des littératures de langue française et directeur d’axe de recherche au Centre de recherches intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques (CRIalt) de l’Université de Montréal. Ses principaux travaux portent sur le théâtre au Québec de la modernité à la période actuelle. Il codirige un groupe international de recherche sur le son au théâtre avec Marie-Madeleine Mervant-Roux du CNRS et prépare un ouvrage sur le théâtre et l’intermédialité. Jean-Marc Larrue est président de l’Association internationale du théâtre à l’Université (AITU-IUTA).
Publications
Le Théâtre yiddish à Montréal (JEU); les Nuits de la "Main" (en collaboration avec André-G. Bourassa, VLB).
Le Monument inattendu (HMH-Hurtubise).
Le Théâtre à Montréal à la fin du XIXe siècle (Fides).
Le Théâtre au Québec 1825-1980 (avec André-G. Bourassa, Gilbert David et Renée Legris, VLB).

Virgilio MORTARI: Artaud ou "Faut-il être cruels pour être réalistes?"
Ce n’est pas seulement au lendemain de l’expérience du Théâtre Alfred Jarry que prend forme Le Théâtre de la Cruauté: son élaboration - qui marque la première moitié des années Trente - surgit au moment où Artaud rompt avec le cinéma, rupture scellée, en 1933, par l’article Vieillesse précoce du cinéma. Or, si cette rupture s’avère nécessaire, aux yeux d’Artaud, c’est à cause de la façon dont le cinéma "se comporte au moment il entre en contact avec le réel". À partir de là, tout véritable rapport avec le réel devait se configurer d’une manière autre que cinématographique. Non seulement, alors, le théâtre sera envisagé comme exigeant la seule expression réelle en fait, mais, le langage de la cruauté comme le véritablement réel, le non virtuel. Mais si cette élaboration posséda un sens, comme l’observa Derrida, ce fut en tant que révolutionnaire, et au sens politique, précisément. L’enjeu sera, donc, de mesurer les puissances véritablement révolutionnaires que le réalisme artaudien se propose; la manière dont il s’oppose réellement à sa société.

Virgilio Mortari est doctorant et chargé de cours à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il rédige une thèse intitulée "Avant-garde et révolution. Pour une critique des développements politiques dans la théorie du film d’avant-garde, à travers l’étude de trois cas: Epstein, Eisenstein et Artaud", sous la direction de Giusy Pisano et David Faroult. Il a publié l’article "Jean Epstein o del cinema strumentale", La Furia Umana, printemps 2012.

Olivier NEVEUX: Le réalisme attarde l’homme autour de ses ordures
Les écrits de Marx et d’Engels sur l’art réservent au réalisme une place centrale. Et l’histoire de l’art, progressiste, critique ou émancipateur, a bien souvent repris à son compte une telle perspective. Celle-ci n'est certes pas uniforme: il est notable que le réalisme est une notion problématique et contradictoire. Il s’agira, à contre-courant, de cette "injonction" ou de cette disposition "spontanée" au réalisme de réfléchir à la critique du réalisme telle qu’elle fut opérée dans les œuvres et par les artistes au nom, précisément, de projets progressistes, critiques et émancipateurs. Cela afin d’éprouver les limites, les apories, les dangers d’une telle optique, dès lors qu’il est question de ne pas s’en laisser conter par ce monde. Cette intervention s’intéressera plus particulièrement au champ théâtral.

Olivier Neveux est professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’Université Lumière-Lyon 2.

Caroline RENOUARD: Des premiers temps à l’installation du mythe holmésien: mises en scène et interdépendances médiatiques autour de la pièce de théâtre Sherlock Holmes
"Sherlock Holmes, pièce en 5 actes et 6 tableaux". Créée par Pierre Decourcelle en 1907 au Théâtre Antoine, cette pièce est la traduction et l’adaptation de celle créée en 1899 aux Etats-Unis, par William Gillette (avec l’accord d’Arthur Conan Doyle). Les relevés présents dans le fonds de l’ART offrent un outil d’analyse original de cette pièce, incontournable dans la construction du mythe de Sherlock Holmes et dans la composition des multiples strates de représentation du détective. A travers cette étude et ses mises en perspective (les résurgences présentes dans les adaptations et les réappropriations), il s’agira donc de mettre en lumière les interdépendances narratives, esthétiques et techniques issues de cette pièce et de sa genèse, avec d’autres formes médiatiques: littérature, théâtre, cinéma, mais aussi radio, télévision, bande dessinée.

Caroline Renouard est docteure de l’Université Paris-Est. Elle a soutenu en novembre 2012 une thèse en études cinématographiques: "Les effets esthétiques et narratifs de la technique de l’incrustation" (sous la direction de Giusy Pisano).
Ses publications portent sur les trucages, les effets spéciaux, les interdépendances anciens/nouveaux médias et les technologies numériques. Elle co-dirige actuellement avec Réjane Hamus-Vallée un numéro de Cinémaction consacré aux métiers du cinéma à l’ère du numérique. Ex-ATER et chargée de cours de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, elle a co-organisé en novembre 2012 un colloque sur les "Savoirs et sciences imaginaires".

Sylvain SAMSON: Impact des nouvelles technologies sonores au théâtre. Le disque et la musique instrumentale dans les théâtres parisiens entre 1911 et 1945 (communication élaborée avec Geneviève MATHON)
Dans le fonds des "Relevés de mises en scène dramatiques" de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, la première mention d'utilisation du disque apparaît en 1911, avec l'Enfant de l'Amour de Henry Bataille. Son utilisation en sera dès lors fréquente et banalisée, et son incidence, comme nouvel objet, à l’instar du téléphone, ou encore nouvel "instrument" de diffusion sonore et/ou musicale, dans sa relation l’écriture théâtrale et à la mise en scène, est manifeste. Nous interrogerons le disque dans sa dimension essentiellement musicale, en mettant en exergue son répertoire. Nous nous attacherons plus particulièrement à la coexistence de l'instrument de musique et du disque dans les pièces. Participant d’une nouvelle écriture du sonore, la question de ses fonctions musicale, théâtrale, mais aussi structurelle, sémantique et sociologique sera ainsi soulevée.

Sylvain Samson, LISAA (EA-4120) - Université Marne-La-Vallée, professeur agrégé de musique, certifié en histoire des arts et docteur en musicologie des Universités François-Rabelais de Tours et La Sapienza de Rome. Ses recherches se concentrent sur diverses problématiques liées à l'opéra, et plus largement au théâtre. Prônant les approches pluridisciplinaires, la littérature, l'histoire, la philosophie, l'anthropologie intègrent entre autres ses champs de réflexion.
Publications
Saint Exupéry et Villiers de l’Isle-Adam: les épicentres de la construction de l’Univers, du parcours et de la figure du héros dans le théâtre de Luigi Dallapiccola. Une esthétique du Sacré et de l’Initiatique, Thèse de doctorat en cotutelle franco-italienne, sous la direction de Geneviève Mathon - Université François-Rabelais, Tours et Pierluigi Petrobelli - Université La Sapienza, Rome, 2011.
Ulisse de Luigi Dallapiccola: un univers sacré, une vision dantesque, Le Paon d'Héra, Paris: Murmure, à paraître.

Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN: Les dispositifs mixtes théâtre/cinéma et leur mise en scène/film
Lors de cette communication, il sera question de faire l’archéologie des différents dispositifs mixtes théâtre/cinéma - c’est-à-dire lorsque des images animées sont intégrées à la scène - tout en s’interrogeant sur cette greffe sur le plan des apports technologiques, de la scénographie, de la mise en scène, du découpage et du montage. Si le cinématographe a très tôt procédé à une remédiation (Bolter et Grusin) du théâtre en commençant par en présenter des trompe-l’œil scéniques, le théâtre a lui aussi rapidement intégré celui-ci. De la féerie La Biche au bois, mise en scène par Edmond Floury (1896), au Petit Péché, mis en scène par René Rocher (1926), en passant par les nombreuses tentatives de Georges Méliès, il sera intéressant de comprendre l’inscription des vues animées à l’intérieur du dispositif théâtral. Il est certain qu’intégrer en 1896 un nouveau procédé scientifique (le cinématographique), ce n’est pas la même chose qu’intégrer en 1926 un art populaire (le cinéma). Au tout début, il s’agissait ainsi, avec les images animées, de remédier aux images fixes de la lanterne magique dont on peut deviner les limites chez Marcel Proust (Combray): "[...] comme, dans une apothéose de théâtre, un plissement de la robe de la fée, un tremblement de son petit doigt, dénoncent la présence matérielle d’une actrice vivante, là où nous étions incertains si nous n’avions pas devant les yeux une simple projection lumineuse". Il sera intéressant de comparer les usages de ces différentes projections, les annotations dans les relevés de mise en scène, leur légitimation dans le discours journalistique. Il s’agira donc de réfléchir sur les premiers temps de ce qu’on a appelé le "théâtre de l’image" (Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos) en analysant comment chaque pratique trouve ou négocie son propre espace discursif.

Directeur de la revue savante Nouvelles Vues, Jean-Pierre Sirois-Trahan est professeur au Département des littératures de l’Université Laval. Il s’intéresse notamment au cinéma des débuts sur lequel il a publié plusieurs articles et codirigé deux ouvrages: Au pays des ennemis du cinéma... (Nuit blanche éditeur, 1996) et La Vie ou du moins ses apparences (Cinémathèque québécoise/Grafics, 2002). Théoricien et historien, il travaille présentement sur l’intermédialité du cinéma et sur Georges Méliès dont il vient d’établir l’autobiographie: La Vie et l’Œuvre d’un pionnier du cinéma (Éditions du Sonneur, 2012).

Frédéric TABET: Migrations esthétiques et techniques de l'art magique au théâtre, le cas d'une appropriation singulière: L’Escamoteur d’Adolphe d’Ennery et Jules Brésil
Lors des premières représentations de L’Escamoteur, une vaste réforme de l’art magique est en train de se produire. Les anciens escamoteurs de plein-vent, en se rapprochant des sciences, accèdent aux XVIIe siècle à des espaces de représentation permanents. Ce changement d’espace leur permet d’adopter une nouvelle esthétique, entérinée au début du XIXe par l’adoption du terme prestidigitateur, et de développer de nouveaux effets en se réappropriant les moyens techniques du théâtre. En tant que spécialistes, les artistes magiciens seront invités à collaborer sur la scène de formes théâtrales. Nous nous attacherons à explorer les migrations esthétiques et techniques entre théâtre et art magique à partir des occurrences de "jeux d’illusion" dans les relevés de mise en scène de l’A.R.T., et du personnage interprété par Paulin-Ménier dans L’Escamoteur d’Adolphe d’Ennery et Jules Brésil.

Frédéric Tabet est chercheur associé au LISAA (EA 4120) et docteur en Arts (Université Paris Est). Sa thèse dirigée par Giusy Pisano a porté sur les "Relations techniques entre l’art magique et le cinématographe avant 1906". Depuis, il est, entre autres, l’auteur d’une étude parue dans la revue d’histoire du cinéma 1895, "Entre art magique et cinématographe: le Théâtre noir". Diplômé de l’ENS Louis Lumière, il partage son temps entre l’enseignement du cinéma à l’Université Paris Est et Paris I Panthéon-Sorbonne et la recherche.

Armelle TALBOT: Lecture d'une nouvelle, "Ordre du jour"
Tandis que les esthétiques réalistes du passé sont assez communément décriées au titre de leurs ambitions totalisatrices, les scènes actuelles témoignent néanmoins d’une véritable appétence pour "le réel" et lui articulent bien souvent le souci de l’appréhender hors de tout jugement préétabli, laissant le spectateur disposer à sa guise de propositions exploratoires livrées sans mode d’emploi, ni programme interprétatif. Récurrente dans les discours des artistes comme dans ceux de leurs exégètes, la promotion de ces représentations garanties sans filtre n’est pas moins porteuse d’une axiologie cohérente, fût-elle fondée sur la valorisation du trouble et de l’équivocité, dont la discrétion doit sans doute beaucoup au fait qu’elle est largement partagée. Ce sont quelques-uns de ces discours que nous souhaiterions examiner à la lumière des œuvres qu’ils caractérisent et de la réalité qu’elles construisent.

Armelle Talbot est maître de conférence en Arts du spectacle à l’Université de Strasbourg (EA 3402 "Approche Critique de la Création et de la Réflexion Artistiques Contemporaines").
Publications
Théâtres du pouvoir, théâtres du quotidien. Retour sur les dramaturgies des années 1970 (Études théâtrales, n°48, 2008) codirigé avec Bérénice Hamidi-Kim un numéro de Théâtre/Public: L’Usine en pièces. Du travail ouvrier au travail théâtral, n°196, 2010.

Natacha THIÉRY: Alain Cavalier: "un cinéaste qui libère son spectateur"?
Le parcours d’Alain Cavalier atteste une inflexion revendiquée vers une économie de moyens allant de pair avec une attention plus aiguë à "la réalité", trouvant son point culminant dans Le Filmeur (2005), film à teneur autobiographique tourné en numérique. Circonscrit par défaut comme ce qui exclut l’artifice - ou ce que Cavalier appelle le mensonge (depuis l’invention d’une "fiction" jusqu’au maquillage des visages) -, le réalisme semble coïncider avec la recherche d’une certaine sobriété formelle où tout est nécessaire, où rien n’est ornement. Il mérite cependant d’être interrogé dans l’interaction entre cette visée et ses effets. Quel réalisme le film invente-t-il? Dans quelle mesure l’esthétique du Filmeur est-elle polémique ou critique? De quelle "politique du cinéma" est-elle l’actualisation? Dans quelle mesure le geste du cinéaste ouvre-t-il pour le spectateur la possibilité d’une expérience inédite qui fut qualifiée de libératrice (J. Mandelbaum, Le Monde, 15 mai 2005)?

Natacha Thiéry est maître de conférence en esthétique et histoire du cinéma à l’Université de Lorraine (Metz). Ses recherches portent notamment sur certains processus d’hétérodoxie cinématographique.
Elle prépare une monographie sur Alain Cavalier.

Stéphane TRALONGO: Visions électriques, les attractions lumineuses à l'époque de l'électrification du théâtre
Au moment de l’installation de l’électricité dans les grands théâtres parisiens, on mise sur la perpétuation d’une disposition du luminaire qui avait déjà largement fait ses preuves, en conservant ces éléments de la structure scénique traditionnelle que sont la rampe, les herses, les traînées et les portants. Cette répartition des appareils d’éclairage sur scène est certes bien connue aujourd’hui, mais il faut entrer dans le détail des archives théâtrales pour se faire une idée de la production et de l’évolution des différents effets lumineux au cours d’une représentation du tournant du XXe siècle. Dans les pièces à grand spectacle, la distribution de la lumière électrique est plus particulièrement sujette à de telles fluctuations que c’est la mise en scène toute entière de ce genre de pièces qui est affaire d’éclairage. D’après les mesures prises pendant les représentations du Tour du monde en quatre-vingts jours au Théâtre du Châtelet en 1891, le régime électrique atteint en cours de soirée des pics de consommation qui sont directement dus à l’éclairage à plein feu de certaines scènes du spectacle. Cette recherche portera précisément sur la notion d’éblouissement qui est fréquemment associée aux nouvelles technologies électriques dans les témoignages d’époque. Il s’agira de mieux rendre compte du travail des praticiens comme de l’expérience des spectateurs en matière d’éclairage électrique, à partir de conduites de régie, de rapports d’ingénieur et de critiques dramatiques en lien avec les spectacles du Châtelet.

Stéphane Tralongo est docteur en Lettres et arts (Université Lyon 2/Université de Montréal). Il travaille actuellement en tant qu’ingénieur d’étude au centre de recherche "Littératures, savoirs et arts" (LISAA) de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il a collaboré à ce titre au catalogage du fonds de relevés de mise en scène conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ses travaux portent principalement sur les rapports qui s’engagent entre les genres dramatiques populaires et les pratiques cinématographiques émergentes au tournant du XXe siècle.

Thomas VOLTZENLOGEL: "Faire des bijoux pour les pauvres". L’héritage du réalisme dans les films de Pedro Costa
Le lien entre le réalisme défini par Bertolt Brecht et le travail cinématographique de Pedro Costa passe par les films de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Ces derniers, tout en étant hostiles à l’idée de "faire des films brechtiens"(1), ont répété inlassablement leur fidélité à la nécessité de "déterrer la vérité sous le dépôt, le sédiment de ce qui va de soi et des généralités, et de partir toujours du particulier pour arriver au général"(2). Il s’agira d’étudier à la fois ce qui, du réalisme de Brecht, a été recueilli par Pedro Costa et le nouvel usage qu’il en fait dans ses films (No Quarto da Vanda et Juventude em Marcha) ; d’étudier l’appropriation par le cinéaste des méthodes, des manières de faire, des techniques issues de la pratique de Brecht et des films de Straub et Huillet tout en travaillant à une redéfinition de la réalité observée par Pedro Costa. On proposera alors l’esquisse d’une nouvelle articulation entre art et émancipation.
(1) STRAUB, Jean-Marie, HUILLET, Danièle, "Le chemin passait par Hölderlin" (propos recueillis par B. Damerau), dans Brecht après la chute. Confessions, mémoires, analyses, Paris, L’Arche, 1993, p. 99.
(2) LAFOSSE, Philippe, L'Étrange cas de madame Huillet et monsieur Straub, Toulouse, Ombres, 2007, p. 124. Propos de Jean-Marie Straub.

Thomas Voltzenlogel est Doctorant contractuel en Études cinématographiques et chargé de cours à l'Université de Strasbourg. Rédige actuellement, sous la direction de Jean-Marc Lachaud, une thèse (provisoirement) intitulée "Une constellation de films profanes" qui porte sur les méthodes de travail de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Harun Farocki et Pedro Costa.



SOIRÉE :

Le relevé de mise en scène témoin de l’évolution du théâtre, depuis 1950, par Serge BOUILLON (président d'honneur de l'ART) et Danielle MATHIEU-BOUILLON (présidente de l'ART)
La fin de la guerre, ou plutôt la paix retrouvée, va précipiter l’évolution du théâtre. Par conventions collectives interposées, les successeurs des Dullin, Baty, Jouvet, Pitoëff, vont être reconnus comme auteurs du spectacle. Ils auront, à ce titre, la charge de déposer le relevé de leur travail à l’Association des Régisseurs de Théâtres. L’émergence d’un Ministère de la Culture conduit alors à la décentralisation, caractérisée par la création, en régions, de nouveaux lieux, et par conséquent de nouveaux directeurs- metteurs en scène, parmi lesquels les membres de l’A.R.T reconnaîtront souvent d’ex-confrères des théâtres parisiens. La mise en scène étant consacrée œuvre originale, elle ne pourra (sauf à la conduire en tournée telle qu’elle a conquis son premier public) faire l’objet que d’une (re)création et l’assistant du metteur en scène couvrira de son autorité le relevé du spectacle. Cette appropriation de l’œuvre par le metteur en scène se trouvera encouragée dès 1971 par la suppression du droit des pauvres et autres taxes sur le spectacle au bénéfice de la TVA, dont le taux évoluera à la baisse à chaque fois que le spectacle ne sera pas repris mais (re)créé. L’ART, directement concernée par ces évolutions, va s’ouvrir alors, sous la Présidence de Serge Bouillon, à tous les cadres techniques, administratifs et artistiques du spectacle et obtenir, après trois années de démarches, l’accord de toutes les instances professionnelles, pour capter sur support vidéo les œuvres aussi nombreuses qu’importantes de la création contemporaine. Mais le film plein cadre n’est pas tout et la conservation de documents périphériques (photos, livre de bord, conduites du spectacle) s’avère essentielle à la mémoire de la fête éphémère.

Du théâtre Hébertot à celui du Vieux-Colombier, des Mathurins à Bobino puis au TEP de Guy Rétoré, Serge Bouillon a consacré sa vie entière au spectacle, toujours au plus près de la création artistique, tour à tour comédien, régisseur, directeur de scène, metteur en scène, puis directeur administratif et financier. Professeur à l’ENSATT et à Censier, il dirigea de 1980 à 1996 le CFPTS qu’il installa à Bagnolet et dont il fit la référence européenne. Il est gérant de la fondation Hébertot et Président d’honneur de l’Association de la Régie théâtrale. Auteur de multiples articles et autres préfaces, il a participé à plusieurs ouvrages collectifs. Il est avec Antoine Andrieu-Guitrancourt, co-auteur du livre Jacques Hébertot le Magnifique.

Danielle Mathieu-Bouillon a débuté adolescente dans le spectacle. De la collaboration artistique et/ou technique (éclairages et son) à l’administration, puis à la direction de plusieurs théâtres parisiens, elle en a exercé tous les métiers. Professeur de Régie-Administration à l’ENSATT de 1982 à 1989, elle a enseigné l’histoire du théâtre au CFPTS, au GRETA du spectacle et au Lycée du Costume Paul Poiret. Auteur dramatique, elle préside l’Association de la Régie Théâtrale depuis 1983, a  rédigé nombres d’articles consacrés à l’histoire des théâtres à Paris et participé à plusieurs ouvrages sur le théâtre.

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