( Né en 1935 dans la banlieue parisienne, il vécut à Nantes avec ses parents jusqu'en 1941. Il dut quitter cette ville pour se refugier en Auvergne, compte tenu des mesures vichystes contre les Juifs. Ils rentrèrent à Nantes en 1945 ... Toute la famille de sa mère avait été déportée. Personne ne revint.
Études primaires et secondaires au Lycée Jules Verne et au Lycée Clemenceau. Entré au Conservatoire d'Art dramatique, il en sort deux ans plus tard sans prix mais avec une mention « pour sa diction » !!!
Il arrive à Paris en 1954 et entre à l'École supérieure de journalisme. Il exerce une dizaine de petits métiers pour survivre... Il fait 28 mois d'armée dont 14 en Algérie. Il rentre en 1960 en France et travaille dans différents journaux sans envergure. C'est en 1963 qu'il rencontre Pierre Valde, professeur au cours Dullin, qui monte sa première pièce La peau du carnassier avec, notamment Gérard Desarthe et Michèle Marquais. Suivront des pièces régulièrement jouées en France et à l 'étranger... Il a reçu une dizaine de prix, il a joué, à partir de 1976, dans ses propres pièces. Il a reçu le Molière en 1963 du meilleur auteur vivant.
Ses pièces ont été traduites en une vingtaine de langues et jouées dans vingt cinq pays. )
Le mot trahison est très grave évidemment et on a tendance à le brandir dans la colère. En 1972 un metteur en scène m'a demandé une pièce pour le Festival du Marais ; il m'a prié de ne pas venir aux répétitions. Comme notre envie de voir nos pièces jouées l'emporte beaucoup parfois sur notre dignité et notre orgueil, j'ai accepté. Quand je suis allé voir le spectacle, la première surprise fut que le décor que j'avais osé décrire dans les indications qui sont en italiques, n'était absolument pas respecté et que les rôles des hommes étaient tenus par des femmes, les rôles des femmes tenus par des hommes, tout cela était totalement délirant et très très loin de ce que j'avais imaginé, mais je le dis sans aucune flagornerie, j'ai été très enthousiasmé par ce montage. J'ai dit, ça ne m'appartient plus, ce n'est plus de moi mais ça me plaît bien. Il y avait là une trahison qui était bénéfique. La trahison que l'on n'aime pas c'est la trahison de la médiocrité. Il y a des metteurs en scène qui parlent très bien, ils vous font imaginer une représentation mais le passage à l'acte est tout à fait décevant, vous assistez à une représentation qui de toute façon se retourne toujours contre l'auteur. On voit une distribution de copinage qui n'est pas appropriée aux personnages, on voit des décors insuffisants, des éclairages mauvais, des déplacements aberrants, alors là il y a trahison et c'est dur à vivre. En fin de parcours, vous ouvrez un journal, vous lisez des choses qui sont mauvaises sur votre pièce parce que la critique n'est pas capable de faire la part des choses. Surtout quand il s'agit de textes contemporains.
Évidemment si un critique voit la 14 ème version de Dom Juan, la 72 ème version de Georges Dandin, il va faire un certain nombre de comparaisons : untel a mieux monté qu'untel. Mais lorsqu'il s'agit d'un texte contemporain, il a peu de références pour dire on aurait pu le monter autrement, alors les coups de bâton atterrissent sur le dos de l'auteur. Je crois que si vous faisiez une petite expérience qui consiste à lire les critiques en comptant les lignes qui sont consacrées à la pièce, c'est-à-dire à l'auteur, à son thème, à son vocabulaire, à sa construction, à la façon dont il a campé les personnages et puis les quelques lignes qui sont consacrées à la mise en scène vous verriez que c'est un rapport de 80/20.
Une de mes pièces a été montée en province et je m'étais opposé, chose que je n'aime pas faire, à un interprète. J'avais dit au metteur en scène : « Je crois que tu te trompes sur le choix de cet acteur ». Il m'a répondu : « Ce n'est pas toi le metteur en scène, j'en porte la responsabilité ». Le soir de la générale le metteur en scène très gentiment et courageusement est venu vers moi et m'a fait simplement un geste qui voulait dire : « tu avais raison sur l'acteur ». Ça a été catastrophique et je suis parti avec la certitude que les critiques seraient très mauvaises, ce qui a été le cas, alors que finalement on n'a pas vu vraiment la pièce. Le metteur en scène qui s'était tapé sur la poitrine et qui n'avait pas écouté mon avis avait déjà signé pour deux mises en scène, son avenir n'était pas oblitéré par sa bévue mais sa bévue rejaillissait sur moi d'une façon qui m'était vraiment préjudiciable. Lorsqu'il y a des erreurs elles nous retombent durement dessus, on ne travaille plus, on est quelque peu oublié.
Victor Haïm
Les Cahiers du Centre Culturel du Languedoc