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Cinéma et production

Auparavant, la Paramount avait entrepris le tournage de 3 Marius, versions française, allemande et suédoise. Pour la version française, Bob Kane, patron de la Paramount, veut les comédiens qu’il a sous contrat : Henri Garat, Marguerite Moreno, Meg Lemonnier, Victor Francen. Pagnol, à qui on a accordé un droit de regard sur la réalisation, refuse catégoriquement. Ce sont les créateurs qui tourneront. Il exige également un pourcentage sur les recettes du film. Le réalisateur de Marius sera Alexandre Korda, un hongrois émigré à Hollywood, venu tout exprès en France pour tourner la pièce de Pagnol. Korda va voir Marius au théâtre de Paris et trouve les comédiens formidables, surtout Raimu, et affirme qu’il serait ridicule de les remplacer.

Marius au cinéma
Marius
pochette de disque

Collection A.R.T.

Le film sort dans l’immense salle du Paramount et, dès la première semaine, bat tous les records de recette. Pagnol calcule alors que les bénéfices de Marius représentent le prix de revient de plusieurs films de même importance. Il en tire la conclusion qui s’impose : il deviendra producteur. Entre temps, Pierre Blanchar revient de Londres où il a vu le premier film parlant Broadway Melody. Il est sorti ébloui de la projection et a fait part de son enthousiasme à Pagnol qui file à Londres et en revient bouleversé par la révélation qui vient de lui être faite : le cinéma parlant. Fort heureusement, ce « parlant » a vu le jour avant le tournage de Marius. Pour Topaze, l’auteur ne pourra pas en être le producteur, car il a déjà vendu les droits à la Paramount qui l’informe, début 32, du prochain tournage du film. Le rôle de Topaze sera tenu par Louis Jouvet et le film dirigé par un français émigré aux États-Unis depuis 20 ans, Louis Gasnier, dont l’ambition est de « faire du cinéma » et transforme ce qui était évoqué dans la pièce (la vespasienne, la balayeuse, etc…) en gauloiseries. Pagnol refuse de rencontrer Gasnier. - « Il a massacré Topaze » ! C’est donc un soulagement pour lui d’apprendre que la Paramount n’a pas levé l’option qu’elle avait prise pour Fanny. Dans ces conditions, c’est lui qui en sera le producteur. Mais il ne possède rien de toute la logistique nécessaire (équipe, locaux, matériels). Il s’associe donc à Roger Richebé, qui possède des studios et une société de distribution. Le film sera tourné sous la direction de Marc Allegret et marquera les retrouvailles Pagnol-Raimu, et l’arrivée dans l’équipe de Vincent Scotto. La script-girl se nomme Françoise Gourdji. Elle deviendra Françoise Giroud. Les recettes du film dépasseront celles de Marius.

Pagnol prend alors connaissance d’une nouvelle de Jean Giono, La Femme du Boulanger, récit extrait de son ouvrage Jean le bleu. Il est séduit et achète à Bernard Grasset les droits cinématographiques de cinq des romans de Giono et décide de renoncer au théâtre pour se consacrer exclusivement au cinéma, ce qui provoque un beau tollé de la part de ses confrères auteurs dramatiques et des cinéastes qui parlent de « théâtre en conserve ». Il crée donc sa société de production cinématographique Les Auteurs Associés. Dans le même temps, Orane Demazis vient de lui donner un fils, Jean-Pierre, qui portera le nom de sa mère, car Pagnol est toujours marié à Simone qui refuse obstinément de divorcer. Quant à Kitty, elle est bien oubliée, alors qu’elle lui a donné, elle aussi un garçon baptisé Jacques.

Les Auteurs Associés réunissent Pagnol, Achard, Passeur, Roger-Ferdinand et Arno Charles Brun, et produisent Le Gendre de Monsieur Poirier, Léopold le bien aimé et Jofroi, tiré de Solitude de la pitié de Jean Giono. Les deux premiers films sont des échecs. Pagnol renonce alors aux Auteurs Associés et crée la Société des Films Marcel Pagnol. Il tournera son premier film Angèle, tiré de Un de Baumugnes, toujours de Giono, avec Orane Demazis dans le rôle titre, Henri Poupon dans le rôle du père rigide. Andrex sera l’infâme séducteur proxénète. Reste à distribuer le rôle de Saturnin, le valet de ferme un peu demeuré. On parle à Pagnol d’un comédien spécialisé jusqu’alors dans les abrutis : c’est Fernandel. Ses rapports avec son auteur-metteur en scène vont s’avérer particulièrement difficiles, car il se sent complexé au milieu de cette communauté. Il a bien tort, car lors de la sortie du film, c’est un immense succès qui restera des mois en exclusivité. Pour Fernandel, c’est un triomphe.

Pagnol a l’idée de réaliser des films d’une heure environ qui, réunis en duo, pourront constituer un programme complet. Il décide donc de tourner Cigalon à La Treille et Merlusse au lycée Thiers de Marseille. Les deux films sont présentés au cinéma Marivaux. Merlusse remporte un très grand succès, mais Cigalon est accueilli plus que fraîchement. C’est un « bide ». Pagnol digère mal cet échec et décide de redresser très vite la barre. Il a un sujet en or dans ses tiroirs, c’est César, troisième volet de la trilogie, après Marius et Fanny. Mais aucun des créateurs n’est libre, car ils sont tous devenus des vedettes. Il faudra donc attendre mai 1936. En attendant, Yvonne Pouperon, dite Vonette, qui était sa secrétaire personnelle, lui donne une fille, Francine, née le 28 février, jour de son 41ème anniversaire. Pour Regain, il retrouve Orane Demazis et Fernandel auxquels il adjoint Marguerite Moreno et Gabriel Gabrio. C’est l’histoire de la renaissance d’un village abandonné.

À Regain succédera Le Schpountz, film dans lequel Fernandel connaîtra un nouveau triomphe. Le Schpountz, mot inventé par l’équipe technique, est un fada qui s’imagine avoir des qualités d’acteur qui le mèneront immanquablement au vedettariat. Et puis, c’est le chef d’œuvre La Femme du boulanger. Raimu a proposé à Pagnol de tourner un film tiré d’une pièce de De Flers et Caillavet, Monsieur Bretonneau, car il s’est entiché du rôle. Pour celui de la secrétaire, on envisage Josette Day qui, à 24 ans, a déjà une carrière importante au cinéma. Mais Raimu, tout à coup, réfute Pagnol comme metteur en scène, ce qui arrange plutôt l’intéressé, qui reste néanmoins le scénariste du film que réalisera Alexandre Esway. Entre Pagnol et Josette DAY, c’est brusquement l’amour fou. Dans l’intention d’épouser Josette, Pagnol obtient enfin le divorce de Simone Colin à laquelle il doit abandonner la moitié de sa fortune, ce qui est énorme. Nous sommes en 39, les hommes sont mobilisés. Pagnol a alors l’idée d’un film avec Raimu, Fernandel et Josette Day, qui se situerait à l’époque qu’ils sont en train de vivre. Il commence alors à réaliser La Fille du Puisatier sans plus attendre, dans lequel il introduira une scène où les principaux personnages écoutent à la Radio, Pétain annoncer l’armistice. Le film sera acclamé partout. Mais il découvre que Josette le trompe, ce qui le rend affreusement malheureux, car en plus elle ne s’en cache pas. Il décide de rompre et se consolera avec Jacqueline Bouvier qu’il emmène dans la Sarthe où il est plus agréable de vivre qu’à Paris où on est privé de tout. C’est dans leur thébaïde que le couple apprend la libération du pays.

 

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